Alors que le Président turc Erdogan a pris la tête de la campagne pour le boycott des produits français (liée aux caricatures), les pays européens ne sont pas les seuls à se montrer solidaires de la France. En Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats, une contre campagne s’organise.
Le Conseil des Oulémas du royaume saoudien a publié un communiqué pour constater que « diffamer les prophètes et les messagers ne leur fera jamais de mal, mais ne servira que les extrémistes qui veulent répandre des appels à la haine parmi les communautés ». Une position modérée quand on se rappelle les termes de la condamnation du Danemark.
Modération en Arabie
Elle rejoint celle exprimée par le Secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Mohammed Al Issa, ancien ministre de la justice saoudien, qui a déclaré à la chaine de télévision Al Arabiya : « les caricatures sont juste des bulles sans valeur ». « La place de la religion ne sera pas affectée par la folie et les guerres menées contre elle par la satire ignorante » a ajouté ce proche du Prince Ben Salman.
Mohamed Al Issa expliquait, après l’assassinat du Professeur Paty: «Des musulmans -ou ceux qui prétendent l’être- ont donné une mauvaise image de notre religion par leur extrémisme, leur fanatisme ou la violence du terrorisme. Ils ne sont en rien des représentants de l’islam et si nous leur trouvions des excuses, nous serions comme eux».
En septembre 2019, à Paris il avait déclaré : «Tous les musulmans d’Europe doivent respecter les constitutions, les lois et les cultures des pays dans lesquels ils vivent. Ils ne doivent pas accepter l’importation de fatwas et d’idées étrangères».
Ne pas jeter d’huile sur le feu
Aux Emirats arabes unis, le conseiller du Prince Mohamed Ben Zayed, Abdelkhalek Abdellah, n’a pas hésité à accuser les Frères musulmans et la Turquie d’être derrière la campagne contre l’économie française.
En Egypte, des chaines de télévision rappellent l’importance des entreprises et des investissements français et ont repris l’intervention d’Al Issa.
Cette modération s’explique d’une part par la volonté de ne pas jeter de l’huile sur le feu, mais aussi par la volonté de faire barrage à la Turquie. Egypte, Arabie, Emirats, sont en lutte avec l’alliance formée par les Frères musulmans sunnites, la Turquie et l’Iran.
Ambigüité marocaine
La position du Maroc est ambiguë. Le gouvernement marocain est proche de la Confrérie, mais proche aussi de la France. Le Royaume a évité de s’en prendre directement au Président français et à la France mais a condamné « vigoureusement la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l’Islam et au prophète » dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères. « Le Royaume du Maroc dénonce ces actes qui reflètent l’immaturité de leurs auteurs (…) La liberté d’expression ne saurait, sous aucun motif, justifier la provocation insultante et l’offense injurieuse de la religion musulmane ».
Mais le gouvernement marocain rappelle sa « condamnation de toutes les violences obscurantistes et barbares prétendument perpétrées au nom de l’Islam ». Il appelle enfin à « cesser d’attiser le ressentiment et à faire preuve de discernement et de respect de l’altérité ». Rien, en tout cas, qui légitime un boycott des produits français ou de la France.
Fragilités turques
Quant à la Turquie, elle peut craindre un boycott en retour de la part de l’Union Européenne, car, normalement, toute mesure prise contre un des membres de l’Union entraine la réaction de l’ensemble de l’Union. L’économie turque ne supporterait pas des sanctions européennes. La Livre turque continue de s’effondrer. L’économie turque est au bord du gouffre, ce qui explique d’ailleurs la tentative d’Erdogan d’utiliser la religion pour rassembler autour de lui et trouver des boucs émissaires.
La Quai d’Orsay a lui aussi publié un communiqué dénonçant les appels au boycott qui « dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine».
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