De l’injure à la mort

De l’injure à la mort

Lesfrancais.press reçoivent tous les jours des insultes, d’extrémistes pro-palestiniens ou pro-israéliens. Désormais des menaces de mort. Ce n’est rien par rapport aux déferlements de haine auquel on assiste dans le monde.

Chaque 11 novembre célèbre l’armistice de la grande guerre. La folie du nationalisme avait entraîné des millions de morts dans des tranchées que l’on retrouve aujourd’hui en Ukraine. Comme si seule la pulsion de mort était invincible. 

Dans les années vingt, les anciens combattants, gueules cassées en avant, défilaient au nom de « plus jamais ça ». Le nazisme profita du désir de paix comme du désir de revanche. La deuxième guerre mondiale fut pire que la première. Au sortir du génocide des juifs d’Europe, on manifesta encore : « plus jamais ça ». La certitude qu’une troisième guerre atomique détruirait le monde l’évita. Après la défaite du totalitarisme communiste, une période de prospérité et de paix gagna le monde, jusqu’au 11 septembre. Depuis, l’action terroriste, celle du faible au fort, serait « légitime » pour certains. Les premières victimes ne sont ni en Occident, ni en Israël, mais dans le monde musulman.

« Forum pour la paix », « Conférence pour Gaza » et « Alliance contre le terrorisme ».   

Jamais il n’y eut autant de conflits dans le monde depuis la seconde guerre mondiale, selon l’ONU. Aujourd’hui, la France accueille un « troisième Forum pour la paix ». En même temps, elle organise une conférence d’aide humanitaire pour Gaza, et propose une « alliance contre le terrorisme ». Toutes ces initiatives, dont on peut craindre le décalage d’avec la réalité, ne sont pas inutiles : elles rappellent une parole juste, raisonnable. Est-elle entendue ? La France est trop faible. À peine est-elle soutenue.

Aujourd’hui encore, une manifestation rassemble des centaines de milliers de Français contre l’antisémitisme, toujours au cri de « plus jamais ça ». Des milliers d’actes antisémites, parfois téléguidés par des services russes, sont recensés. Aviver les plaies. Avec une facilité, déconcertante, l’antisémitisme revient. Tous les juifs seraient responsables de ce qui se passe à Gaza. Tous les musulmans seraient responsables de la barbarie du Hamas ?  Dans un univers mental où l’information et la désinformation règnent, chacun a un avis sur tout, chacun est expert, juge au café du tribunal des peuples. Rien de plus divertissant que les affaires du monde, surtout quand on en est loin. Et irresponsable. 

Menaces de mort contre lesfrancais.press

L’est-on vraiment, irresponsable ? Écrire des insultes, déverser sa haine sur les réseaux sociaux, envoyer des menaces de mort, banalise la radicalité, la violence, la mort. L’injure, c’est, proprement in-juria, l’injuste, contraire au droit (jus). Les empereurs du Bas-Empire la punissaient par le supplice, l’exil ou la mort. Se situer hors du droit, c’est se constituer hors la loi, hors la cité. L’injure bannit celui qui la profère.

Récemment, une proposition de loi à l’Assemblée nationale fut hélas rejetée : elle supprimait l’anonymat sur les réseaux sociaux. Dommage : la liberté n’existe pas sans la responsabilité. Ce ne sont pas les instruments, les plateformes, qui sont responsables, pas plus que la Poste ne l’est des lettres de menaces. Ce sont les auteurs: dans le cas des menaces de mort que nous recevons, la peine va jusqu’à 7 ans de prison, aggravée d’un caractère raciste ou antisémite.

La banalisation de l’injure amène celle de la violence, celle de la violence, celle de la mort. Le Hamas a réussi, en partie, à effacer l’horreur du massacre organisé par la riposte aveugle israélienne, par la haine d’Israël, couplée à celle du « juif ». 

©MAE

Dès qu’il s’agit d’Israël, le monde s’enflamme. Insultes, menaces, violences se croient légitimes.

Pourquoi cette passion mondiale pour le conflit israélo-palestinien et non pour la guerre du Soudan, et ses 600.000 morts, qualifiée de génocide, entre Arabes et non Arabes ? Pourquoi personne n’ostracise les complices des tortionnaires birmans sur les Rohingyas musulmans? Ou sur ceux qui leur ferment leur frontière, les Bengladais, leurs freres ? Pourquoi la Bolivie, qui a rompu ses relations avec Israël, ne le fit-elle pas avec la Birmanie, avec la Chine, qui occupe illégalement le Tibet et parque les Ouighours ? Pourquoi Erdogan est-il encore reçu à l’Otan alors qu’il bombarde nos alliés kurdes ? 

Dès qu’il s’agit d’Israël, le monde s’enflamme. Insultes, menaces, violences se croient légitimes. Pourquoi le porte-parole d’Amnesty international, une ministre belge, ou 8% de français, se refusent à dire que le Hamas est un mouvement terroriste, alors qu’il est légalement classé comme tel, que ses actes, revendiqués, glorifiés, ne peuvent le qualifier qu’ainsi ?

Première raison : la haine des juifs. L’antisémitisme est un trait constant en Europe comme dans le monde arabe. L’étoile jaune fut importée du monde arabe. Avoir quelqu’un à mépriser ou haïr en toute impunité. 

La seconde est l’impunité, justement. Le phénomène de foule, le goût de l’injure, le déchaînement de passion à bon compte d’ignorance, de certitudes idéologiques bêtement apprises, bêtement répétées. Le fait de plaindre les Palestiniens justifierait les pogroms ? Celui de défendre Israël les bombardements de civils ? Il ne s’agit ni du peuple palestinien ni des juifs (20% des Israéliens sont « Palestiniens » et y vivent en paix), mais d’une guerre entre un Etat démocrate et une organisation terroriste, qui terrorise aussi sa propre population.

Derrière le Hamas, l’Iran. Derrière l’Iran, la Russie. Derrière la Russie, la Chine.   

La troisième raison : l’intérêt. Le « Sud », que l’on oppose si simplement à « l’Occident », aurait eu moins de réticences à condamner Poutine rasant Marioupol ? Derrière le Hamas, l’Iran. Avec l’Iran, les Frères musulmans, la Turquie, les Houthis, tous ceux qui veulent déstabiliser les régimes sunnites. Derrière l’Iran, la Russie. Derrière la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Birmanie, petitement leurs amis d’Amérique latine, boliviens, cubains, une partie de la gauche latino-américaine, qui a comme seule pensée le rejet des Etats-Unis. Brillante analyse qui fait bon cas des peuples: les gens rêvent d’un modèle de paix et de prospérité qui n’est pas celui de leurs caudillos et autres guides suprêmes. D’un excès à l’autre, ce qui se passe en Argentine en est le signe.

Le Sud n’a rien de global. L’Inde en est la preuve. Prudente avec la Russie, elle ne soutient pas le Hamas. Elle ne veut pas être un maillon de la chaîne chinoise, comme la Russie et l’Iran ; son gouvernement attise des campagnes contre les Musulmans. La haine, encore. 

Quelles réponses ? D’abord la liberté. Dire, écrire ce que l’on pense.  Pour lesfrancais.press, rester fidèle, aussi ouvert et juste que possible, donner la parole : « Fais ce que dois ».

Pour la France, combattre les groupes terroristes, mettre en demeure nos amis de choisir leur camp, rester fidèle à la solution politique acceptée depuis vingt ans, celle à deux états. Il ne peut y avoir de paix avec un Etat terroriste, mais il ne peut y avoir de paix avec la colonisation. Sharon l’avait compris. Libérer les Palestiniens de la dictature du Hamas, mais projeter la construction d’un État palestinien.

57 pays musulmans se réunissent en Arabie saoudite. Et s’ils finançaient des écoles, des routes, des hôpitaux ?  

57 pays musulmans se réunissent en Arabie saoudite. L’Iran demande qu’ils arment le Hamas. Et s’ils finançaient des écoles, des routes, des hôpitaux ? Mais qu’attendre de 57 chefs d’Etat qui utilisent la guerre pour affermir leur pouvoir intérieur, parce qu’ils ne reposent sur la force ? 

L’intérêt d’un média n’est pas seulement d’informer, mais de mettre à disposition des lecteurs d’autres informations, d’autres façons de penser. Des réflexions, pas des menaces. C’est cet esprit qui dirige lesfrancais.press, qui le rend utile, même quand on n’est pas d’accord. Les obtus, les fanatiques et les imbéciles ne savent pas lire.

Si ce qui est dit dans ce média mérite la mort, c’est que nous aidons à vivre. Merci

« L’invention du journal est sans aucun doute celle qui fait époque(…) Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée. » Ne jamais se satisfaire d’une pensée toute faite, drôle de défi pour un média selon Péguy. Cela mérite donc cet honneur : des menaces de mort. Car si ce qui est dit dans ce média mérite la mort, c’est que nous aidons à réfléchir, c’est-à-dire à vivre. Merci.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati 

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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