Croissance et épidémie, la course de vitesse est engagée

Croissance et épidémie, la course de vitesse est engagée

Le gouvernement français a été contraint de durcir les restrictions sanitaires dans 16 départements le jeudi 18 mars dernier, puis dans 3 autres supplémentaires ce jeudi 25 mars et enfin dans tout le pays à partir du 3 avril. En Europe, les pays appliquant de fortes mesures d’endiguement de l’épidémie se multiplient. De nombreux pays européens reconfinent face à la nouvelle progression du nombre de cas. Ces mesures sont-elles susceptibles de remettre en cause la reprise espérée de l’économie ? Quelles menaces pèsent sur la croissance dans les prochains mois ? 

Le nouveau confinement, un coût limité pour la France ? 

Le confinement strict du printemps 2020 avait fait chuter le PIB mensuel français de 30 % (de la mi-mars à la mi-mai). Celui de l’automne dernier avait été moins exhaustif et avait entrainé un recul plus limité de 8 % du PIB mensuel. Ce moindre recul du PIB est à mettre au compte du maintien des écoles et de l’adaptation des entreprises à poursuivre l’activité en mode dégradé. Le bâtiment a enregistré une baisse de son activité de 7 % en novembre dernier quand elle atteignait 70 % en avril 2020. 

Dans l’hôtellerie-restauration, l’activité avait chuté de 90 % en avril 2020 (contre -50 % environ en novembre). De nombreux hôtels qui avaient fermé au printemps dernier, sont restés ouverts cet automne. Des restaurants se sont lancés dans la vente de repas à distance. Dans les entreprises de services, le télétravail a été plus efficace à l’automne qu’au printemps. Les mesures annoncées le 18 mars dernier concernent 16 départements, ceux de l’Île de-France, ceux des Hauts-de-France ainsi que les Alpes-Maritimes, l’Eure et la Seine Maritime, complétés, depuis, par le Rhône, l’Aube et la Nièvre. Ils représentent un tiers de la population française et environ 40 % du PIB du pays. 

Les fermetures de commerces sont moindres qu’en novembre. De ce fait, ces restrictions sanitaires amputeront le PIB de moins de 4 points par mois. Sur l’ensemble de l’année, la perte serait inférieure à 0,4 point. Le ministère de l’Économie espère même que le manque à gagner soit inférieur à 0,2 point de PIB sur l’année, les acteurs économiques s’adaptant de mieux en mieux aux restrictions.

7,2 milliards d’euros par mois 

Au niveau des finances publiques, le nouveau confinement pourrait coûter 1,2 milliard d’euros par mois s’ajoutant aux dépenses déjà prévues. Le total pourrait atteindre 7,2 milliards d’euros par mois. Tous les commerces non essentiels bénéficient des dispositifs d’urgence (chômage partiel, fonds de solidarité avec une aide pouvant aller jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires, couverture des frais fixes pour les plus grandes structures etc.).

L’espoir de la vaccination et des plans de relance en Israël et aux États-Unis semblent prouver l’effet des campagnes de vaccination sur le nombre de nouveaux cas de Covid-19. À l’échelle mondiale, le nombre de nouvelles contaminations est passé de près de 800 000 par jour en début de l’année à 400 000 à la fin du mois de mars. 

une croissance élevée est attendue

Les responsables américains estiment qu’à compter du début du mois de juillet, la quasi-totalité des restrictions sanitaires pourront être levées permettant à la croissance de s’épanouir. Compte tenu de l’ampleur des plans de relance annoncés, une croissance élevée est attendue au cours du second semestre. 

La croissance aux États-Unis pourrait atteindre plus de 6 % en 2021 et plus de 4 % en 2022. Pour la zone euro, elle serait plus faible en raison du retard pris dans la vaccination et de la moindre ampleur des plans de relance. Elle pourrait néanmoins dépasser 4 % cette année et l’année prochaine. L’économie mondiale après avoir connu un repli de 3,4 % en 2020 devrait connaître une expansion de 5,6 et 4 % en 2021 et 2022. 

Les freins possibles à la croissance

Le scénario d’une reprise forte est actuellement privilégié par les investisseurs et les économistes. Quels sont les obstacles à sa réalisation? La persistance de l’épidémie ou de foyers épidémiques constitue la principale menace qui pourrait entraver le retour de la croissance. Il n’est pas impossible que le virus de la Covid ne disparaisse pas complètement et réapparaisse périodiquement dans certains pays, du fait d’une couverture vaccinale incomplète ou de l’apparition de mutants pour lesquels les vaccins seraient inopérants. 

Le maintien de restrictions sanitaires au niveau des transports internationaux devrait perdurer plusieurs années, ce qui limitera l’activité du secteur du tourisme et des transports. Par ailleurs, des confinements périodiques pourraient être instaurés afin d’éviter la diffusion du virus, ce qui freinerait également l’activité. L’apparition de mutants pourrait contraindre à la mise en place de vaccination annuelle de la population générant un coût important avec la mobilisation permanente du personnel de santé. 

La reprise économique pourrait être atténuée par le maintien d’un effort d’épargne de la part des ménages. Depuis le début de la crise, que ce soit aux États-Unis ou au sein de la zone euro, le taux d’épargne avoisine les 20 % du revenu disponible brut. Au niveau de l’OCDE, plus de 3 000 milliards d’euros ont été mis de côté. Leur retour dans les circuits de la consommation est censé accélérer la croissance. Après avoir connu une légère baisse durant la période estivale en 2020, le taux d’épargne est reparti à la hausse à l’automne avec l’application de nouvelles restrictions sanitaires. Les ménages échaudés par la succession de crises et de mauvaises nouvelles pourraient décider de ne pas puiser dans leurs économies. 

La succession rapide des crises incite à une épargne de précaution

En Asie du Sud-Est, malgré le retour à la normale, le taux d’épargne reste plus élevé qu’avant la crise, la hausse des ventes au détail ne compensant pas la perte enregistrée durant le début de l’année 2020. La normalisation de la consommation n’a pas été totale. Les ménages conservent une part d’épargne de précaution plus importante qu’auparavant par crainte de nouvelles vagues épidémiques. La succession rapide des crises, ces vingt dernières années, les incite aussi à la prudence. La précarité accrue des situations professionnelles conduit également les ménages à conserver un volant plus important de liquidités. 

La reprise pourrait être entravée si les entreprises n’augmentaient pas leurs dépenses d’équipements. Face à la hausse de leur endettement, elles pourraient réduire ou différer leurs investissements. S’ils doutent de la vigueur de la reprise ou s’ils croient à l’arrivée de nouvelles crises, les chefs d’entreprises pourraient conserver un montant important de liquidités. Ces dernières atteignent des niveaux records (4 000 milliards de dollars aux États-Unis et 3 500 milliards d’euros pour la zone euro). Sur ce sujet de l’investissement, la zone euro est la plus fragile. En effet, ces vingt dernières années, les investissements de l’entreprise ont peu progressé : +20 % contre +80 % pour les États-Unis. Sans un effort important des entreprises, la croissance pourrait rapidement faiblir en Europe. 

Le poids du chômage

La Chine qui est sortie de la crise sanitaire marque le pas en matière d’investissement dont la croissance s’affaiblit depuis maintenant une dizaine d’années. 

Une des grandes inconnues de la sortie de la crise est le taux d’emploi. Si les secteurs du tourisme et des transports sont toujours handicapés durant plusieurs années par la situation sanitaire, des destructions d’emploi sont inévitables avec la question du reclassement du personnel concerné. L’emploi dans les secteurs de l’hébergement, de la restauration et des loisirs avait augmenté de 2002 à 2020 de 60 % au sein de la zone euro et de 40 % aux États-Unis. Une remise en cause de ces activités abaisserait le taux d’emploi et pèserait sur la croissance. La nécessité de réorienter une partie de la population active vers d’autres activités se pose d’autant plus que la transition énergétique impose une refonte complète de plusieurs filières industrielles comme celle de l’automobile.

Les tensions commerciales 

L’évolution des relations commerciales entre les grandes zones économiques peut également influer sur la croissance. Si l’élection de Joe Biden a détendue les relations internationales, les conflits entre les États-Unis et la Chine restent latents et peuvent s’ouvrir à nouveau. Si la situation économique et sociale ne s’améliore pas rapidement, les tensions protectionnistes pourraient se faire jour à nouveau. 

La probabilité d’une forte croissance en 2021 et 2022 est le scénario le plus probable mais plusieurs menaces pourraient soit en affaiblir la portée, soit en diminuer la durée. Une coopération internationale tant sur les vaccins que sur le plan économique sera un gage de pérennité de l’expansion de l’activité.

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