Consulaires 2020 : l’interview de Florence Poznanski pour "La France Insoumise"

Consulaires 2020 : l’interview de Florence Poznanski pour "La France Insoumise"

A 10 semaines des élections consulaires, la rédaction du site Lesfrancais.press lance une série de rencontres avec les élus représentant les Français de l’Etranger. Députés, Sénateurs, mais aussi ceux que vous, électeurs inscrits sur la liste électorale consulaire, allez renouveler le 17 Mai : les conseillers des Français de l’étranger ,dans chacune des circonscriptions consulaires. En charge localement d’animer et de gérer la vie commune des expatriés français, ils vont aussi élire parmi eux les Conseillers de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE). Informant et conseillant le gouvernement, ils sont vos relais à Paris. Après le format avec le président du Groupe d’Union de la Gauche à l’AFE, Mehdi Benlahcen, suivi d’Alexandre Château Ducos, Conseiller élu à l’AFE et Co-secrétaire EELV  (Europe Ecologie Les Verts) de la région Hors de France, nous avons reçu ce dimanche 01 Mars 2020 Meyer Habib – Député des Français de l’Etranger ( VIII Circonscription : Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Turquie, Saint-Marin, Saint-Siège et Territoires palestiniens). Aujourd’hui nous vous proposons de continuer la découverte des mouvements politiques qui traversent notre communauté comme la nation française.  Dans les prochains jours, pour vous informer au mieux avant vos élections,  nous conclurons cette série avec la sénatrice LR Joelle Garriaud-Maylam et un représentant de la majorité.  

 

Lesfrancais.press  : Quel avenir pour la communauté des Français de l’étranger après une phase d’accroissement inédite au cours des années 2010, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le phénomène s’est tassé voire dans certains pays un reflux s’est amorcé. Comment expliquez-vous cette évolution et quelles perspectives anticipez-vous pour notre communauté ?

Florence Poznanski :  Les évolutions relatives dans certains pays sont naturelles et dépendent des conjonctures économiques et politiques. Il est normal que certains pays connaissent des baisses ou des hausses. Mais l’accroissement du nombre de Français résidant à l’étranger est un phénomène profondément inclus dans l’évolution de notre société et cela n’est pas prêt de s’arrêter. D’ailleurs une preuve en est que nous allons élire cette année 4 conseillers ou conseillères des Français de l’étranger de plus et 9 délégués ou déléguées consulaires puisque, basé sur l’évolution du nombre de Français inscrits sur le registre entre 2014 et 2020 qui a augmenté d’environ 130 000 personnes, le nombre de Conseillers des Français de l’étranger passe de 443 à 447 et de délégués consulaires de 68 à 77.

Il est vrai qu’il y a eu un léger tassement dans le nombre de Français inscrits sur le registre des Français de l’étranger qui coïncide avec l’élection d’Emmanuel Macron, mais je pense que plus qu’une baisse effective, cette baisse est surtout due aux modalités d’inscription au registre qui, avec la dématérialisation, a rendu plus facile l’inscription mais aussi la désinscription sur le registre alors qu’il fallait passer avant au consulat. Cela doit alerter les services du ministère des affaires étrangères. Car ce qui était pensé pour faciliter l’inscription au registre peut aussi être une barrière voir encourager certains résidents de longue date à couper leurs liens avec la France.

 

Lesfrancais.press  :  Cependant les Français de l’étranger sont particulièrement dynamiques et trouvent souvent la réussite à l’étranger ? Comment expliquez-vous cette situation souvent à l’opposé du stéréotype véhiculé par nos compatriotes  ? Le bagage scolaire et universitaire, l’approche culturelle…

 Florence Poznanski : Je n’ai aucun doute sur la capacité des Français à s’intégrer et à avoir un potentiel pour réussir à l’étranger. Vous parlez du stéréotype en France ? Je pense qu’il y a surtout depuis la France une idéalisation de la vie des Français à l’étranger, comme s’ils étaient tous des nantis expatriés. Il faut donc arrêter d’utiliser le terme d’  « expatriés » pour décrire les Français qui résident à de l’étranger. Nous sommes tout de même près de la moitié à être binationnaux ! Une bonne partie n’a jamais vécu et encore moins travaillé en France. Quant’aux conditions de travail, les contrats d’expatriés avec tous les avantages sociaux qu’ils comportent sont évidemment une extrême minorité. Les Français de l’étranger ont donc généralement des revenus et des conditions de travail adaptés aux réalités locales de leur pays de résidence ce qui est souvent synonyme de précarité si l’on compare avec les revenus en France.

Plus aucun dispositif n’existe au consulat pour venir en aide aux Français sur les question de l’emploi et de la formation professionnelle.

 Mais si l’on parle plus spécifiquement de l’installation à l’étranger ou du retour en France, je vois deux problèmes majeurs dans la valorisation des Français dans la vie active locale. Tout d’abord les difficultés d’insertion. On peut avoir un très beau bagage scolaire, universitaire ou culturel, un magnifique projet à implanter et même des fonds pour le faire, mais si l’on n’est pas guidé pour s’implanter dans le tissus local on se casse les dents. Au Brésil par exemple toute démarche administrative prend en moyenne deux fois plus de temps que ce que l’on prévoit. Nous sommes en plein crise économique et la moitié de personnes que je reçois en permanence sont des personnes à la recherche d’un emploi. Or, plus aucun dispositif n’existe au consulat pour venir en aide aux Français sur les question de l’emploi et de la formation professionnelle. Le conseil consulaire prévu à cet effet ne se réunit plus, alors que même sans fonds spécifiques, le consulat pourrait impulser des initiatives en réseau avec les autres acteurs économiques de la France à l’étranger (la chambre de commerce, business France, la coopération économique, etc). Le deuxième problème c’est le retour en France et la difficulté de la France à valoriser quelque chose qui n’est pas franco-français. C’est souvent la douche froide lorsqu’on se confronte au marché de l’emploi français et que l’on se rend compte que notre parcours n’est pas apprécié à sa juste valeur. Nous somme plus que de simples « profils atypiques », comme disent souvent les employeurs face à des personnes qui ont eu le courage de se reconvertir ou d’affronter de vrais défis de vie.

« la garantie des droits »

Lesfrancais.press  :   Le risque d’une « diaspora » qui réussit, n’est-ce pas l’effilement du lien avec la France ? Mais avec nous, FdE, qui par essence, avons peu d’attitudes communautaires, comment entretenir une « envie de France » ?

 Florence Poznanski : Le risque d’une diaspora qui réussit ? Je ne comprend pas trop comment cela peut être un risque. Réussir en France ou à l’étranger n’est pas si différent, ce qui compte c’est de s’épanouir. L’envie de France ? Je ne sais pas non plus ce que vous entendez par là. Une envie de fromage ? De croissants ? Cela fait partie des goûts de chacun. Pour moi il est clair qu’une envie de métropole n’est pas nécessaire pour vivre pleinement sa nationalité. Les Français de l’étranger montrent justement à la France qu’il y a tant de façon d’être Français ! Non, ce qui compte pour que ce lien ne se coupe pas c’est la garantie des droits. Et cela ne dépend pas que du bon vouloir des Français, eussent-ils ou non un instinct communautaire, cela dépend des moyens que met à disposition l’État Français pour qu’un ou une Française à l’étranger puisse avoir les mêmes droits à l’éducation, aux prestations sociales, à la santé et puisse bénéficier des mêmes services administratifs dans son pays qu’un Français résidant en France. Or on voit que ce n’est pas ce qui se passe.

 C’est intéressant que vous parliez de liens, car ce mot revient souvent dans les programmes de campagnes que nous construisons en ce moment.

 Les consulats passent leur temps à se plaindre de l’abstention des Français à l’étranger aux élections, ce qui leur sert de prétexte pour supprimer des bureaux de vote un peu partout dans le monde. Or, toute la communication du consulat est faite pour attirer les Français qui ont justement le profil de cette « envie de France » que vous souligniez, cette idée qu’il faille reproduire une mini-France à l’étranger. Évidemment tous les Français qui ne sont pas nés en France ou qui ne partagent pas ces valeurs ne s’y retrouvent pas, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ne sont pas attachés d’une autre façon à leur nationalité. C’est un cercle vicieux. Et comme par hasard on se rend compte que ceux qui se présentent au bureau de vote les jours d’élection sont en grande majorité les mêmes que l’on voit aux cocktails de l’ambassade, aux activités de la francophonie, etc. Il y a un grand problème d’universalité. Pourquoi par exemple les consulats ne traduisent pas dans la langue du pays les communications destinées aux résidents ?

 C’est intéressant que vous parliez de liens, car ce mot revient souvent dans les programmes de campagnes que nous construisons en ce moment. Le problème n’est pas de savoir si le Français ou la Française a ou non un instinct communautaire, mais s’il ou elle bénéficie des relais suffisants pour avoir accès aux informations et faire valoir ses droits. Or si le consulat ne joue pas ce rôle, parce qu’il se désengage d’année en année de ses missions, c’est la communauté française qui doit s’appliquer à créer ces liens pour s’assurer que personne n’est laissé de coté. Et c’est un des  rôles des conseillers des Français de l’étranger.

 

Lesfrancais.press  :  A mi-mandat, que retenir de l’action de la majorité présidentielle ?

Florence Poznanski :  Les Français de l’étranger qui se sont déplacés aux urnes en 2017 ont voté massivement pour Emmanuel Macron et pourtant on a vraiment l’impression qu’il ne nous aime pas. Suppression des actes notariés, baisses des moyens destinés à l’éducation, réforme de la fiscalité, réforme des retraites, exclusion d’une bonne partie des retraités des prestations de la sécurité sociale, désengagement dans le remplissage des certificats de vie et surtout baisse de 10 % de la masse salariale à l’étranger du ministère des affaires étrangères qui va entraîner l’abandon de nombreuses missions de l’État à l’étranger, la liste des mesures qui nous rendent la vie plus difficile est bien longue. Il n’y a guerre que le STAFE, l’appel à projet de soutien aux associations, qui a été une bonne idée, même si j’ai là aussi des critiques sur la mise en œuvre.

 

Lesfrancais.press  :  Au cœur des préoccupations des Français transfrontalier, la réforme de la fiscalité ! En effet,  les transfrontaliers seront particulièrement impactés par la réforme avec des impositions qui vont exploser, quelle solution, votre mouvement pourrait imaginer ? Autre victime, les retraités sans personne à charge. Ils sont nombreux à partir au Maroc, en Tunisie et aussi  au Portugal mais là le RNH est lui aussi attaqué, quelle solution pour cette tranche d’âge ?

 Florence Poznanski :  La réforme fiscale votée en 2019 et actuellement mise en moratoire pour les Français de l’étranger est symptomatique de la méthodologie d’un gouvernement qui cogne d’abord et fait mine de réfléchir ensuite aux dégâts provoqués. Il y a d’ailleurs un manque de transparence totale sur la question et il est assez révélateur que l’étude d’impact ne devrait être publiée qu’en juin, une fois les élections consulaires passées.

Nous vivons dans un monde où les inégalités se creusent

 Le problème avec cette réforme ne se limite pas aux travailleurs transfrontaliers ou à certains profils retraités : elle détériore de fait la situation des plus bas revenus. Ainsi les non-résidents ayant un revenu annuel imposable de source française compris entre 10 064 et 14 832 euros, c’est-à-dire moins que le SMIC, verraient passer leur imposition de 0% à 11% alors même que dans bien des cas il s’agit de personnes vivant dans des pays où les services publics sont beaucoup moins présents qu’en France et n’ayant pas accès aux crédits d’impôt qu’offre l’État français en France comme celui sur la transition énergétique.

 D’un autre côté, cette réforme laisserait toujours la porte ouverte pour les expatriés ayant des « revenus monde » bien plus conséquents afin d’échapper au taux marginal qui devrait leur être appliqué. On est donc très loin du principe de justice sociale qui devrait être notre boussole. Sur ce sujet, un rapport parlementaire cosigné par Eric Coquerel, un de nos députés, avance des propositions concrètes visant à lutter contre l’évasion fiscale en se focalisant par exemple sur les changements de résidence vers des pays dont les taux d’imposition sont inférieurs de plus de 50% à l’impôt français.

 Nous vivons dans un monde où les inégalités se creusent, les plus hauts revenus n’ont jamais payé aussi peu d’impôts notamment grâce aux possibilités d’optimisation fiscale. En ce sens, il est indéniable qu’une refonte profonde de la fiscalité doit être faite mais à l’opposé de ce qu’à proposé le gouvernement. Dans une perspective plus large assurant que chacun paye réellement selon ses moyens.

 

Lesfrancais.press  :  La réforme des retraites est particulièrement lourde pour les fonctionnaires expatriés, le groupe Solidarité et Écologie (affilié PS) a lancé une pétition , il y a quelques jours, partagez-vous l’analyse ? Quelle est votre anticipation de cette réforme pour les FdE ?

Florence Poznanski :  Je ne vois pas pourquoi il faille faire une distinction entre les fonctionnaires expatriés et les autres personnes qui ont a un moment donné de leur vie travaillé en France et espèrent voir ces années transformées dans une retraite décente. J’étais aux cotés des enseignants du lycée Français de Rio de Janeiro qui ont eu le courage de se mettre en grève comme dans de nombreux endroits du monde, affrontant des parents brésiliens qui ont désapprouvé cette grève car ils n’en partageaient pas les enjeux. C’est une force qu’ils aient pu se mobiliser. Mais quid de tous les autres ?

 S’il y a un appel à lancer, une pétition à faire, c’est pour l’ensemble des fonctionnaires, mais aussi pour l’ensemble des Français ayant un parcours professionnel à l’étranger.

 S’il y a un appel à lancer, une pétition à faire, c’est pour l’ensemble des fonctionnaires, mais aussi pour l’ensemble des Français ayant un parcours professionnel à l’étranger. Actuellement la retraite est calculée sur les 25 meilleures années de la carrière. Si vous passez par des périodes de salaire inférieures, vous pouvez éviter que ces années pèsent trop dans la moyenne finale. Avec le calcul des points tout au long de la carrière cela ne sera plus possible, ce qui réduira encore davantage les pensions. Même si la France est liée par de nombreux accords bilatéraux à l’étranger cela ne sera pas suffisant pour garantir un même niveau de pension qui est déjà assez bas pour les Français de l’étranger. Même des élus LREM s’en sont inquiétés récemment, vous en avez parlé sur votre journal.

 Actuellement il y a un débat en France pour que le projet de réforme des retraites soit mis au référendum et que les Français puissent voter sur ce sujet. Pourquoi ne pas s’être mobilisés là-dessus ? Je partage l’injustice que subissent les enseignants expatriés à l’étranger. Mais c’est minimiser les impacts de la réforme des retraites sur les Français de l’étranger dans son ensemble que de ne se concentrer que sur ce problème.

 

Lesfrancais.press  : Autre sujet qui est important pour chaque Français, l’éducation. Au cœur du brassage républicain, l’AEFE et consorts se retrouvent aujourd’hui confronter à une baisse des dotations, et ce malgré un réajustement en 2019 de la chute des crédits décrétée en 2018, mais aussi à une remise en cause de l’association qui facilite la création d’établissement en se portant garant des encours. Imaginez-vous une nouvelle correction et dans le cas contraire, est-ce le temps de faire une place plus importante au secteur privé ?

Florence Poznanski : Il y a deux ans Emmanuel Macron a annoncé que l’on doublera le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger. Il n’a pas précisé s’il s’agissait d’élèves français ou étrangers, et surtout, il n’a pas annoncé en conséquences un doublement des moyens pour y arriver. Faites plus avec moins, c’est classique.

Avec la baisse des dotations de l’AEFE aux lycées conventionnés, ceux-ci se voient naturellement obligés de revoir leur politique de recrutement en augmentant les frais d’inscriptions et en se tournant vers un public local plus élitiste en mesure de payer. A Rio par exemple la mensualité a augmenté de 80 % en 5 ans, mais ce n’est pas le cas des enveloppes destinées aux bourses scolaires…

 Le co-financement avec le secteur privé, c’est bien le projet de ce gouvernement. Je doute fortement que ce soit la solution pour renforcer le lien des enfants Français avec leur langue maternelle et leur assurer une compatibilité avec le cursus d’enseignement français. Si l’on veut assurer l’excellence il faut que l’État y mette les moyens, ce n’est pas en se désengageant qu’il va obtenir des résultats.

 

Lesfrancais.press  :   Enjeu national de nos élections locales, les consulaires du 17 mai 2020 : les sénatoriales d’octobre 2020. Les conseillers et délégués consulaires élus en mai seront les grands électeurs de 6 sénateurs renouvelés cet automne. Quelle sera la position des sénateurs issus de votre mouvement sur la réforme institutionnelle, et en particulier sur la circonscription unique avec un scrutin à la proportionnelle intégrale par liste ?

 Florence Poznanski : Nous nous sommes présentés à la présidentielle tout en connaissant et dénonçant les limites de la monarchie présidentielle et en défendant une assemblée constituante qui nous mène vers une 6e République où le peuple aurait une plus grande place dans la prise de décision. Nous défendons le référendum révocatoire, la généralisation des scrutins proportionnels, le tirage au sort, d’avantage de mécanismes de contrôle citoyen, la constitutionnalisation de la règle verte et du respect des biens communs. Les Gilets Jaunes étaient pour la suppression du Sénat, je pense que c’est une question que la constituante que nous appelons de nos vœux devra se poser.

Nous participerons aux élections sénatoriales tout en travaillant à changer le côté archaïque et censitaire de cette institution

Marie-Noëlle Lienemann et Pierre-Yves Collombat

En attendant, nous participerons aux élections sénatoriales tout en travaillant à changer le côté archaïque et censitaire de cette institution. Si les consulaires et les municipales le confirment, nous pourrons pour la première fois entrer au Sénat. Nous avons deux Sénateurs qui nous ont rejoint en cours d’aventure mais dans l’histoire encore jeune de notre mouvement ce serait la première fois que nous pourrons présenter des candidats insoumis. Actuellement Marie-Noëlle Lienemann et Pierre-Yves Collombat sont connus pour leurs combats sociaux.

 Quant à la réforme institutionnelle dans son ensemble, nous ne sommes pas dupes de son aspect quelque peu démagogique qui supprime de 25% le nombre de parlementaires tout en leur infligeant un rythme de travail toujours plus inhumain. Le cœur de la question aujourd’hui ce n’est pas le nombre d’élus mais leur capacité à porter la parole des Françaises et des Français dans l’hémicycle. Et sur ce point nous avons toutes les raisons d’être inquiet. Aujourd’hui, le gouvernement tente de couper court aux travail parlementaire sur la réforme des retraites en imposant un passage en force via l’emploi de l’article 49.3 qui permet d’adopter une loi sans passer par le Parlement. Demain c’est la capacité d’amendement qui sera remise en cause. Cette proposition figurait déjà dans la révision constitutionnelle de 2018, abandonnée depuis. Un ballon d’essai. Les Françaises et les Français et leurs élus devront rester vigilent.

 

Lesfrancais.press  :  Votre mouvement LFI fut la grande surprise des législatives 2017, malgré un tassement aux européennes, votre parti est annoncé comme le fossoyeur du PS et unique opposant à la majorité présidentielle à l’étranger ?  Quelles sont, donc, vos ambitions pour les élections consulaires ? Avez-vous pu constituer des listes dans toutes les circonscriptions ? Seul ou avec vos alliés naturels ?

Florence Poznanski :  La France insoumise a adopté nationalement un texte de de principe pour guider notre stratégie pour ces élections consulaires. Comme pour les municipales nous prioriserons des listes citoyennes ouvertes et engagées sur notre programme. Voilà ce que dit notre texte : « Nous soutenons des dynamiques participatives et collectives, nous exigeons des pratiques administratives transparentes, nous dénonçons les inégalités, les discriminations et le brutal désengagement de l’État dans les services publics à l’étranger. Nous défendrons, dans toutes les sphères de la société l’égalité femmes–hommes et nous lutterons contre les violences faites aux femmes. Nous défendons les droits fondamentaux à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la création et à la dignité. Nous exigeons l’exemplarité écologique des postes diplomatiques et lycées français mais aussi des entreprises françaises implantées à l’étranger. Nous ne souhaitons pas élire des notables, mais des personnes engagées sur le terrain et proches de leur communauté. Personne n’est « fait pour être élu » et tout le monde a vocation à le devenir. Un·e élu·e ne sert à rien s’il ou elle est coupée de la collectivité et ne lui rend aucun compte. Les listes consulaires soutenues par la France insoumise devront donc être des listes constituées par et pour les citoyen·nes français·es dans leur plus grande diversité”.

Nous aurons des listes dans toutes les circonscriptions législatives mais malheureusement pas dans toutes les circonscriptions consulaires car nous dépendons, comme les autres formations politiques, des forces vives sur place qui évoluent. Je pense que nous arriverons à minima à doubler le nombre de nos élus, aujourd’hui nous avons une vingtaine d’élus consulaires dans le monde qui s’identifient à la France Insoumise. Dans de nombreux cas, nous avons de très belles dynamiques de listes citoyennes d’union de la gauche où nous avons réussi à nous entendre avec les militants EELV et même certains PS ou ex-PS. Souvent les candidats et candidates ne sont pas des personnes encartées mais des citoyennes et citoyens engagés qui apportent à la campagne un vécu sur les besoins réels et non la déclinaison locale d’un programme politique générique. C’est cela qui est très puissant.

 Quant’à Français du Monde (FdM), nous ne partageons pas la charte que l’association demande à nos candidats de signer. Beaucoup de nos militants sont investis dans des sections locales de Français du Monde et y sont attachés, mais cela ne veut pas dire qu’ils s’engageront à reverser une partie de leurs indemnités à l’association voire, pire, qu’ils voteront pour la liste aux sénatoriales que FdM soutiendra, alors qu’on ne la connaît pas encore et que nous savons que le PS règne en maître dans cette association.

 FdM a adopté une attitude hégémonique dans cette campagne comme si les autres formations politiques n’existaient pas. Or les listes purement FdM sont de plus en plus rares et dans la majorité des cas où nous sommes présents, FdM est une des forces politiques aux cotés de la FI, de EELV et parfois même aussi de la CISE, une autre association des français de l’étranger de gauche qui est en train d’émerger. Imaginez si chaque force politique exige une charte de ce genre aux candidats, on ne s’en sort plus ! Il faut se réjouir d’arriver à construire localement des listes d’union sans toujours exiger de contreparties.

 

Lesfrancais.press  : Votre présence est particulièrement importante en Amérique du Sud et en Europe ? Pouvez vous expliquer pourquoi ces bassins de partisans ?  

Florence Poznanski : Près de la moitié des conseillères et conseillers consulaires insoumis actuellement sont en Amérique latine en effet. C’est un continent qui nous est cher, car le berceaux de mouvements sociaux très puissants et d’avènement de projets politiques transformateurs qui ont affrontés des problèmes structurels à bra le corps. C’est la terre de Paulo Freire et de l’éducation populaire, des budgets participatifs, des expériences révolutionnaires d’agroécologie, des femmes en luttes bien avant le #MeToo, etc. Les Français qui y vivent sont évidemment baignés dans cette dynamique, certains sont d’ailleurs activement engagés dans ces luttes locales et c’est une grande richesse pour nous. L’Europe est le continent avec le plus de Français, il est normal que nous y ayons une présence importante. Mais nous avons aussi d’autres pôles au Canada, en Asie, au Moyen-Orient.

 

Lesfrancais.press  :  L’autre enjeu des élections locales que sont les consulaires, comme nous le disions, ce sont les sénatoriales ? Ferez-vous là aussi des listes autonomes ? Quelle personnalité pourrait venir porter au niveau de la circonscription mondiale vos idées ?

 Florence Poznanski : Tout va bien-sur dépendre du résultat que nous ferons aux consulaires. En 2017 nous avons participé à une liste citoyenne, écologique et solidaire où plusieurs partis à gauche étaient réunis. La FI n’y a pas participé officiellement mais nous avons suivi cela de près. Ce fut une belle campagne qui nous a permis de mettre en avant d’autres aspects programmatiques en dehors des traditionnels programmes axés sur les politiques publiques destinées aux Français de l’étranger  (l’éducation, les retraites, la fiscalité) où finalement à droite comme à gauche les candidats gardent cette logique clientéliste de servir les intérêts de leurs électeurs, les conseillers des Français de l’étranger, et disent un peu tous la même chose.

Le problème c’est qu’une fois élus, les sénateurs votent sur tous les projets de loi en France, il faut politiser beaucoup plus cette élection et y associer les citoyens dans leur ensemble à qui les élus consulaires doivent rendre des comptes. Nous avons donc parlé d’écologie, de la défense des services publics, de la lutte contre l’austérité, du rôle de la France dans la défense de la paix au niveau international, de plus de participation citoyenne dans les institutions. Ce fut une campagne très inspirante et j’espère que nous pourrons continuer sur cette lancée cette année encore, d’autant que nous serons mieux armés et cela nous permettra peut-être d’élire pour la première fois un sénateur ou une sénatrice pour nous représenter.

 

 

 

 

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