L’épidémie du COVID-19 a souligné la dépendance de la France pour un certain nombre de biens et d’équipements (médicaments, principes actifs, respirateurs, masques de protection, etc.). Cette situation concerne le secteur pharmaceutique qui constituait un des points forts de l’économie française. Cette dépendance n’est pas spécifique à notre pays. Pour des principes actifs ou des productions basiques (médicaments génériques, masques, etc.), le recours aux importations est ancien.
En France, le poids de l’industrie a reculé fortement depuis le début du siècle. Ce recul s’est accéléré avec la crise financière. L’emploi manufacturier est passé en France de 15 à 9 % de la population active de 1995 à 2019 contre respectivement 22 et 17 % pour l’Allemagne. Pour l’ensemble de la zone euro (hors France), le recul est de 6 points comme pour la France mais la part des emplois industriels en 2019 est plus élevée (14 %). La valeur ajoutée de l’industrie française représente 10 % du PIB contre 20 % en Allemagne et 16 % pour la zone euro (hors France). Les capacités de production de l’industrie française sont étales depuis vingt ans. Elles sont même légèrement inférieures à leur niveau d’avant la crise de 2008.
Identifier les causes du départ
Depuis 2003, le solde commercial industriel de la France est négatif traduisant une perte de compétitivité structurelle. Depuis une vingtaine d’années, les investisseurs ont privilégié les secteurs des services et de l’immobilier jugés plus rentables que l’industrie. Cette dernière a souffert de marges faibles, contraintes par des coûts de production élevés et par l’impossibilité d’augmenter les prix en raison du positionnement en gamme moyenne de la production française. Depuis 2005, le coût salarial augmente plus vite que le prix de la valeur ajoutée. La dégradation de la compétitivité de l’industrie française s’est accélérée après l’instauration des 35 heures et cela malgré la mise en place de dispositifs de compensation. A partir de 2017, la réduction des charges sociales a amélioré la profitabilité des entreprises industrielles françaises qui se sont mises, par ailleurs, à renouer avec les créations d’emploi.
Le positionnement en gamme moyenne de l’industrie française a conduit les entreprises à opter pour des délocalisations. Celles-ci visaient à conserver leurs positions sur leurs marchés traditionnels et à conquérir de nouveaux clients au sein des pays émergents. Positionnée en haut de gamme, l’Allemagne a opté pour un mode de croissance différent. Les entreprises, souvent familiales et très liées à leur territoire d’origine, ont recours à des sous-traitants issus des pays émergents ou d’Europe centrale pour tous leurs biens intermédiaires. En revanche, l’assemblage est resté sur le territoire allemand.
Le choix des services en France se justifie également par l’évolution des prix et de la demande. Le prix de valeur ajoutée des services a augmenté beaucoup plus vite que celui des produits industriels (+60 % de 1995 à 2019 pour les premiers, -8 % pour les seconds). Une population vieillissante et urbanisée privilégie les services aux biens industriels (loisirs, santé, tourisme, etc.).
Deux options pour réindustrialiser
Pour inverser la désindustrialisation, deux options existent. La première repose sur un interventionnisme plus important de l’État qui pourrait exiger des relocalisations. Ce dernier pourrait être plus directif pour tous les secteurs jugés stratégiques : la santé, l’informatique, l’électronique, etc. Par le passé, cette stratégie a été source de nombreuses désillusions. Les différents plans « calcul » n’ont pas permis l’émergence d’une informatique nationale. Que ce soit au niveau de la sidérurgie que ou des papetiers en passant par la machine-outil, l’intervention de l’État n’a pas été couronnée de succès.
L’autre voie passe par l’investissement permettant un repositionnement de l’outil productif français. Pour cela, le niveau des prélèvements supportés par les entreprises devrait baisser. Les impôts payés par les entreprises françaises est supérieur de 7 points de PIB à ceux de l’Allemagne et de 5 points à ceux de la zone euro (hors France) (respectivement 17, 10 et 12 % du PIB). Les seuls impôts pesant sur la production atteignent en France 3,5 % du PIB contre 0,5 % en Allemagne et 1 % en zone euro (hors France).
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