CFE : Pourquoi le 1/3 payant a été supprimé pour certains affiliés ?

CFE : Pourquoi le 1/3 payant a été supprimé pour certains affiliés ?

Depuis quelques semaines, on voit fleurir un peu partout des messages d’alerte sur la santé financière de la Caisse des Français de l’étranger. L’origine de cet affolement se trouve dans une décision du conseil d’administration, présidé par Isabelle Frej (Maroc). En effet, les élus représentant les Français de l’étranger comme les trois administrateurs délégués par la mutualité et le Medef, qui constituent cet organe de décision, n’ont pas eu le choix que de supprimer cet avantage aux contrats dits historiques, soit souscrits avant la réforme de 2018. Pour les expatriés, on fait le point.

Contrat avant réforme 2018

En 2018, une réforme a été appliquée, suite à une décision du parlement, afin de libérer la CFE de contraintes commerciales qui l’empêchaient d’être concurrentielle face aux géants mondiaux de la santé. Pour simplifier, avant la réforme, les cotisations étaient calculées sur une base déclarative des revenus mondiaux (avec toutes les incertitudes qu’on imagine, la Caisse des Français de l’étranger n’ayant pas de pouvoir de vérification auprès des administrations des autres pays). C’était donc un duplicata du système français de la sécurité sociale.

Depuis, la CFE a pu repenser son offre et créer de nouveaux forfaits dont le montant est calculé selon la situation personnelle de l’affilié (âge, nombre de personnes constituant le foyer). Ainsi l’organe parapublic est ainsi bien plus concurrentiel même si les moins fortunés peuvent, eux, avoir légèrement perdu au change. Cependant, la modularité des offres, mises en place par les deux derniers conseils d’administration, permet d’adapter la couverture à son usage. Il est ainsi possible de limiter celle-ci à la France. Ce qui est très utile pour les nombreuses personnes qui vivent dans un pays avec une bonne couverture mais qui se font soigner régulièrement  en France.

Caisse des Français de l'étranger
Caisse des Français de l'étranger

Pourtant la décision de mettre fin de la facilité accordée avec le tiers payant aux affiliés historiques s’est imposée. Pourquoi ? Car depuis 2018, les coûts de santé dans le monde ont explosé. Et pourtant la loi, qui a permis la réforme, a verrouillé le montant des cotisations de ces derniers en accordant une marge de manœuvre limitée au conseil d’administration comme au directeur général Eric Pavy avec qui nous nous sommes entretenus.

Un déficit de 12 millions d’euros en 2023

En effet, les affiliés d’avant la réforme bénéfice de la méthode de calcul précédante, et la CFE ne peut augmenter leur tarif de plus de 5% par an avec un plafond maximum de 50% sur une période donnée. Et désormais les cotisations sont figées à vie, il n’est même pas autorisé de suivre l’inflation mondiale ou française. Mécaniquement, le déficit engendré par ces contrats s’est donc creusé et pas à la marge. En effet pour 100€ collectés, la Caisse des Français de l’étranger dépense 140 euros. Ainsi, les 15 000 bénéficiaires sur près de 200 000 affiliés génèrent à eux seuls une perte qui en 2023 se chiffrait à 12 millions d’euros.

Et rappelons, que les statuts de la CFE obligent, celle-ci, à être autonome financièrement. Elle ne peut donc pas, comme ses cousines de France, s’appuyer sur le déficit abyssal de la sécurité sociale. Et l’État, qui délègue pourtant une mission de service publique à la CFE, est plutôt radin en fournissant une subvention, pour ces contrats, inférieure, en général, à 500 000 euros. Et ce malgré la mobilisation d’Isabelle Frej, de députés comme Karim Ben Cheik ou d’associations comme l’ADFE. L’État, empêtré dans sa crise budgétaire, fait la sourde oreille. Conclusion, ce sont les autres adhérents qui paient le différentiel, grevant la compétitivité de la CFE. Et au moins, il y aura de clients, au plus l’avenir de la Caisse des Français de l’étranger s’annonce chaotique.

Pour autant, celle-ci dispose de généreuses réserves financières qui lui permettront d’assurer ses obligations contractuelles pendant de nombreuses années. Mais il était du devoir du conseil d’administration comme de la direction générale de la CFE d’anticiper l’avenir et de minorer les pertes.

Car si le tiers payant a été supprimé, la couverture et les droits au remboursement n’ont pas été modifiés (hors variation réglementaire). La Caisse des Français de l’étranger tient donc ses engagements. Elle n’abandonne aucun Français de l’étranger malgré ce qu’on peut lire à droite et à gauche.

S’ouvrir à tous pour financer les couvertures des Français expatriés ?

Pour certains, l’avenir de la CFE est déjà gravé dans le marbre, et celle-ci courrait à la catastrophe.

Pourtant l’analyse des bilans fait ressortir une toute autre vérité. Tout d’abord les actifs sont largement supérieurs au passif, la croissance du parc de clients est constante. L’exploitation est aussi adaptée et utilise les nombreuses opportunités offertes par le secteur privé. Tandis que les variations à la baisse de certains placements, qui ont été constatés au cours des derniers exercices, sont aussi à relativiser. Tant que ces derniers ne sont pas liquidés la perte n’est pas tangible en termes de liquidité. Et le marché peut évoluer à la hausse.

CFE
CFE

C’est donc sur des bases saines qu’Eric Pavy construit la CFE de demain. Tout d’abord, les équipes commerciales ciblent, de nouveau, les entreprises. Et grâce aux produits plus en phase avec le marché mondial, elles peuvent proposer toute une panoplie de solutions. Soit prise en charge par l’entreprise européenne, soit prise en charge par l’entreprise locale ou directement par le salarié. C’est grâce à cette modularité que la CFE pourra regagner des parts de marché dans un univers de l’expatriation. Ce dernier est en pleine mutation, la part de cadres détachés (la vache à lait de la CFE pendant des décennies), avant majoritaire, n’est plus une petite tranche de la population des Français de l’étranger. Il est donc impératif de se renouveler.

Une démarche à laquelle chaque échelon de la Caisse des Français de l’étranger participe activement. Du téléopérateur à la présidence, chacun apporte sa contribution. Ainsi la CFE est désormais reconnue par le cercle Magellan (reconnaissance d’entreprises mobilités internationales), un service dédié aux directions des ressources humaines des entreprises a été créé, etc.

Mais les particuliers ne sont pas oubliés, car il faut rappeler que depuis quelques années la CFE est ouverte à tous, Français ou non. Une bonne idée, en élargissant le marché, Eric Pavy espère pouvoir mutualiser davantage les risques des assurés pour équilibrer le système. 

Est-ce la bonne méthode, le bon cap, on le saura rapidement. Un audit dont les conclusions seront connues ce semestre est en cours. On aura l’occasion d’en reparler.

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2 Comments

  1. La Caisse des Français de l’Étranger (CFE) est un organisme de Sécurité sociale de droit privé chargé d’une mission de service public.

    Si la CFE avait fait des choix plus pertinents dans ses axes de développements et avait eu pour objectif premier d’assurer une mission de service public pour le compte de l’Etat au bénéfice des Français de l’étranger, la situation rencontrée actuellement serait très certainement différente.

    La CFE a noué des relations avec des assureurs privés pour proposer des offres « packagées » comprenant un volet de base CFE et un volet complémentaire.

    La CFE a fait des choix stratégiques de développement en se positionnant en concurrence direct de tous les acteurs spécialisés après s’être présentée comme étant leur partenaire.
    C’est le cas notamment avec les produits lancés au Brésil ou aux Emirats Arabes Unis.
    La CFE se mettant à faire de la distribution d’assurance privée internationale, sans compter les nombreux déplacements à l’étranger (NY, Londres, Miami, Asie…) ou elle se fait accompagner de « référents » dont on ne sait absolument rien sur la façon dont elle a sélectionné ces derniers.

    Tout ceci est-il vraiment d’utilité publique ?

    Si la CFE s’était concentrée uniquement sur sa mission de service public sans ces partenariats, elle aurait pu :

    – Se focaliser davantage sur l’amélioration de ses services de base.
    – Éviter les potentiels conflits d’intérêts avec les assureurs privés.
    – Maintenir une séparation plus nette entre le service public et les offres privées.

    … et ainsi éviter que de devoir faire en sorte qu’un certain nombre de Francais de l’étranger soient sollicités pour signer des pétitions pour quémander l’aide de de l’Etat pour subvenir aux bénéficiaires de la catégorie « aidée », ou encore devoir supprimer le 1/3 payant pour certains de ses assurés.

  2. Chacun a le droit de s’exprimer, malheureusement les commentaires à tort ou à raison sont souvent négatifs suite à une grande déception. Je ne ménagerai pas non plus !
    – Pour commencer la CFE véhiculait une Image de marque pas compatible avec ses moyens, « La sécurité sociale des français de l’Etranger.
    o Bonne prise de conscience du Management pour améliorer les services et produits pour développer les parts du marché
    – La CFE a établi un model commun au monde avec un remboursement basé aux taux de la Sécurité Sociale !
    o Alors qu’elle devrait déployer 3 modèles différents selon la qualification des pays, développés, en voie de développement et moins développés
    o La CFE devrait faire des partenariats avec des assureurs Internationaux pour agir selon le modèle du pays, pour rester avec le modèle actuel de la CFE ou devenir une assurance complémentaire ; Comme vous le signalez dans votre article, il y a des pays bien couverts.
    o La CFE avait commencé un plan de négociation avec les hôpitaux des pays conventionnés avec la Sécurité Sociale, pour adapter les tarifs et permettre aux clients d’utiliser la carte Vitale, POURQUOI il n’a pas abouti
    o Les nouveaux produits devraient inclure systématiquement 2 tarifs, celui de la CFE avec son taux de remboursement, et proposer un autre tarif, CFE + assurance complémentaire, pour un remboursement à 100%
    – La CFE est loin de ses clients. Je prends mon cas de Français, victimes de l’explosion du Port de Beyrouth le 4 août 2020. Il avait été évoqué lors d’une Visio conférence, alors que La direction de la CFE prétendait n’avoir eu aucun cas. Mon dossier était sujet de correspondance pendant 18 mois pour rien obtenir, alors que j’ai le contrat 3 en 1 ! oui chaque abonné-client devrait faire une formation a la CFE
    Est-ce que ce commentaire, avec des idées de solutions, ferait sujet de discussion et peut être un appel personnel de la CFE pour comprendre mon cas.
    A suivre
    Joseph Abikhalil

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