Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu, et ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.

Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu, et ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.

« Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu » : ce n’est pas du Confucius, mais l’avertissement de Xi Jinping, dont la géniale pensée inspire officiellement la Chine, aux manifestants de Hong Kong. Voici deux mois qu’ils bravent l’Empire, réclament des élections libres et la démocratie. Il y a cinq ans déjà, les étudiants de Hong Kong organisaient « la révolution des parapluies », ils obtinrent gain de cause, mais beaucoup  finirent en prison. L’ennui, cette fois, pour Xi Jinping, c’est qu’il n’y a pas de leader à arrêter. Plus d’un million de manifestants sur une population de sept. Le gouvernement chinois a organisé des manœuvres de policiers (12.000) aux portes de Hong Kong en expliquant : « Ne sous-estimez jamais la force et la détermination du gouvernement central ». Cela rappelle les avertissements de Tien An Men. Pour l’instant, plutôt que de recourir à l’armée, il a fait appel aux Triades, la mafia chinoise. Mais il y a un obstacle : Hong Kong est la place financière de la Chine. Une intervention militaire directe pourrait l’anéantir, faire fuir les capitaux, provoquer une crise économique, faire chuter l’Empereur Xi lui-même, écarté au profit d’un autre. Perdre Hong Kong est impossible, l’écraser aussi. En cas de crise, c’est de l’intérieur que viennent les mauvais coups.

C’est ce qui inquiète le général Gaïd Salah en Algérie. Comme annoncé  dans « lesfrancais.press », la principale menace le visant est au sein de l’armée. Aussi peut-il publiquement désavoué le Président en exercice par intérim, signifiant le peu d’importance de ce dernier et le peu d’intérêt qu’il porte au « dialogue national », mais seulement après avoir remplacé une quarantaine de cadres de l’armée. Et lancé un mandat d’arrêt international contre l’ancien chef d’Etat-major le général Khaled Nezzar. On ne peut faire plus bel aveu de puissance – et d’impuissance. Nezzar a riposté disant que Salah avait un pois chiche dans la tête. Possible : Si les peurs se multiplient, les manifestations continuent.

Comme en Russie. L’opposant Alexeï Navalnyest encore en prison. Il y a attrapé une étrange maladie. Un couple qui avait participé aux manifestations a été privé du droit de garde de son enfant. Après vingt ans de bonheur sous Poutine,  pourquoi les Russes manifestent-ils? Pour de vraies élections, contre la corruption. Du classique.

Comme au Honduras.Les manifestations se poursuivent depuis des semaines dans ce pays gangrené par le narcotrafic et les gangs de Maras. Que veulent les manifestants ? Le départ d’un Président qui n’avait pas le droit de se représenter, qui a fraudé le résultat des élections, qui se défend tous les jours de n’être pas lié aux cartels de la drogue, contrairement à son frère, arrêté aux Etats-Unis.

Personne ne pense que les autocrates vont céder. Ils restent, mais ils ont peur. C’est pourquoi ils arrêtent des opposants qui ne représentent pourtant pas de grands risques. Montrer sa force, c’est se rassurer ; faire peur, mais trahir sa peur.

De quoi ont-ils peur ?Des élections, de la foule, d’un dessin, une image, une date (celle du 4 juin pour Tien an Men) mais plus encore de leurs généraux, de leur chef de service des renseignements, de leurs oligarques, bref : de leur complices.

Aussi l’Empereur Xi, le tsar Poutine, les caudillos révolutionnaires Ortega et Maduro méditent-t-ils tous les jours l’avertissement de Jésus à ses Disciples : « Ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. » Ils resteront. Leur meilleure assurance pour rester est de lâcher du lest à l’extérieur et de purger à l’intérieur.

La menace plane sur tous les chefs qui gouvernent par la force : un faux pas, une révolte, une crise, alors un sous-chef trahit et prend la place. Avant d’être des guides suprêmes, n’étaient-ils pas eux-mêmes cireurs de pompes ? Pour passer du statut de serviteur à maître, une trahison opportune suffit.

Que peuvent faire les démocraties ? Surtout rien, comme à leur habitude. Rester elles-mêmes. L’Europe faible et fragile a gagné face à l’URSS. Par son modèle, ses images, sa façon de faire envie. La démocratie, malgré ses crises populistes, reste un espoir. Face aux revendications démocratiques algériennes, russes, chinoises, vénézuéliennes, les démocraties oscilleront toujours entre sympathie, inquiétude et réalisme : elles iront au secours de la victoire. Elles n’ont pas tort. De l’intérieur vient la menace, la faille, la rupture ; de l’extérieur un prétexte à la répression. En revanche, une fois le changement de régime en route, les démocraties devraient s’entraider. Ce qui se fit en Europe de l’Est. Mais pas en Tunisie, hélas. Pas non plus en Amérique latine.

« Il est plus difficile de faire cuir un petit poisson que de gouverner un  grand pays. » soit, tact, attention et délicatesse. Car, dit encore Lao Tseu : « La douceur l’emporte sur la dureté, et la faiblesse sur la force. » Les démocraties sont, dans leur désordre apparent et leurs faiblesses, les seuls régimes souples. Tout empire périra.

 

Laurent Dominati

A.Ambassadeur de France

A. Député de Paris

Président de la Société Editrice du site « Lesfrancais.press »

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire