Un appel de Karim Ben Cheikh pour préserver la CFE

Un appel de Karim Ben Cheikh pour préserver la CFE

Alors que l’avenir de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) est au cœur de nombreux débats, certaines initiatives sont prises pour tenter, dans un premier temps, de garantir son activité. Entre une inspection de l’IGAS commandée par le Gouvernement et une mission flash demandée à la Cour des comptes par l’Assemblée des Français de l’étranger, son futur de reste cependant encore flou.

Aussi, Karim Ben Cheikh, député de la 9e circonscription des Français établis hors de France, interpelle le gouvernement, en lançant un appel pour préserver la CFE. Une centaine d’élus locaux et d’associations ont déjà signé ce texte. Son objectif alerter le pouvoir exécutif pour que celui-ci n’abandonne pas cet outil solidaire à destination de nos compatriotes de l’étranger.

Lesfrancais.press fait le point avec le parlementaire membre du Ecologiste et Social à l’Assemblée nationale, sur la situation actuelle, ainsi que sur l’objectif de cet appel « Refusons l’abandon programmé de la mission de solidarité de la CFE ! ».

Karim Ben Cheikh, député de la 9e circonscription des Français établis hors de France
Karim Ben Cheikh, député de la 9e circonscription des Français établis hors de France

Lesfrancais.press : « Monsieur le député, depuis plusieurs mois, nombreux sont celles et ceux qui s’inquiètent de l’avenir de la Caisse des Français de l’Etranger, mais dans quelle situation se trouve-t-elle actuellement ? »

Karim Ben Cheikh : « La Caisse des Français de l’étranger (CFE) couvre près de 200 000 Français dans le monde, soit presque 10% de toute notre communauté. C’est un outil unique qui permet aux Français de s’assurer, ainsi que leurs familles, à l’étranger et en France quel que soit leur âge ou leur état de santé. Elle est administrée par des élus des Français de l’étranger sous la tutelle du Ministère des Finances et du Ministère des Affaires Sociales. L’Etat impose à la CFE de nombreuses missions de service public : des tarifications réduites pour ceux dont les revenus sont moindres, l’obligation d’accepter tout Français qui veut souscrire sans condition médicale ou d’âge, ou encore faire le lien avec la Sécurité sociale pour la création des numéros de Sécu des Français nés à l’étranger.

« Je porte un regard sévère sur la façon dont les derniers gouvernements ont traité le dossier de la CFE »

Cette dimension de service public est nécessaire, souhaitable, mais elle a un coût pour la CFE qui ne lui est pas compensé par le budget de l’Etat. Cette charge est une des raisons pour laquelle la branche maladie de la CFE affiche régulièrement des déficits. Le Conseil d’Administration augmente donc régulièrement les tarifs des contrats ou diminue le niveau de prise en charge pour rester à l’équilibre. Au point que la CFE devient financièrement inaccessible, notamment pour les adhérents les plus modestes, et que son équilibre économique est précaire. Le Conseil d’Administration de la CFE a d’ailleurs alerté les parlementaires et le gouvernement à plusieurs reprises depuis plusieurs mois. Il est temps de sortir la tête du sable ! »

Lesfrancais.press : « Les assises de la protection sociale des Français de l’étranger s’ouvrent, la CFE est un des trois thèmes qui va être abordé pour réfléchir à de nouvelles solutions, mais le gouvernement actuel demande que les futures propositions n’entraînent pas de nouvelles dépenses, soutenez-vous cette position ? »

Karim Ben Cheikh : Je porte un regard sévère sur la façon dont les derniers gouvernements ont traité le dossier. Lorsque les parlementaires ont posé le débat sur le financement public de la CFE pendant les discussions budgétaires en 2023 et 2024, le gouvernement n’était pas attentif à leurs propositions.

Site web CFE (Caisse Français de l'Etranger)
Site web CFE (Caisse Français de l'Etranger)

Pour couper court à cette impréparation, le gouvernement a missionné en mai 2024 les inspections des deux ministères de tutelle pour lui fournir un rapport sur le “modèle économique de la CFE”. C’est cette mission que le gouvernement a réactivé peu après les débats sur le budget 2025 pendant lesquels il a de nouveau refusé toute subvention d’équilibre.

« Lorsque les parlementaires ont posé le débat sur le financement public de la CFE, le gouvernement n’était pas attentif à leurs propositions »

Un tel rapport pourrait nourrir le débat d’idée pour peu que ses conclusions ne soient pas écrites à l’avance. Or, le gouvernement a spécifiquement missionné les hauts fonctionnaires de l’IGAS (Inspection générale des Affaires Sociales) et de l’IGF (Inspection générale des Finances) pour proposer des pistes de réformes pour la Caisse des Français de l’étranger (CFE) qui n’impliquent aucune augmentation de la participation de l’Etat. Je rappelle qu’actuellement celle-ci est indigente, entre 380 000 et 760 000 euros par an à mettre en perspective avec les 25 millions d’euros du coût de la mission de service public de la CFE ou les 150 millions d’euros de recettes propres de la CFE. »

Lesfrancais.press : « Vous avez lancé un appel « refusons l’abandon programmé de la mission de solidarité de la CFE », pourquoi cette démarche ? Et par qui avez-vous été soutenu ? »

Karim Ben Cheikh : « Cet appel part du constat que cette demande de rapport était biaisée dès le départ. Plus de 80 conseillers des Français de l’étranger, les représentants des deux grandes associations des Français de l’étranger que sont FDM-ADFE et l’UFE, trois députés, trois sénatrices, un sénateur, venant de tous bords et sensibilités politiques, les dirigeants de plusieurs grandes OLES, estiment dans cet appel que cette méthode n’est pas acceptable et expriment leur attachement à des outils qui nous permettent d’avoir une action sociale sur le terrain.

« Nous voyons le sens que prend la commande du gouvernement : préparer une réforme qui aboutit à ce que la CFE abandonne sa dimension de solidarité »

Or, nous voyons le sens que prend la commande du gouvernement : préparer une réforme qui aboutit à ce que la CFE abandonne sa dimension de solidarité, qu’elle devienne une sorte d’assurance privée. Les élus de terrain ont été choqués de prendre connaissance des termes de la lettre de mission. La couverture santé est le seul instrument permettant de garantir des conditions de vie dignes et la CFE est un outil qui a fait ses preuves. Il permet de développer une politique publique efficace, peu coûteuse, solidaire pour nos compatriotes qui vivent hors de l’Union européenne. Il est juste qu’elle ne soit pas la seule caisse de Sécurité sociale dont l’Etat se désintéresse. »

Lesfrancais.press « Enfin, selon vous, la CFE pourrait-elle réellement disparaître ? »

Karim Ben Cheikh : « S’il n’a pas le souci de préserver la CFE, l’Etat pourrait être le grand responsable de sa disparition à moyen terme. C’est un scénario possible, il faut être clair. Le sujet a une dimension technique. C’est aussi un sujet interministériel et le fond de l’affaire est un choix politique : quelle protection sociale pour les Français de l’étranger ? Solidaire ou totalement privée ? Le ministère des Affaires sociales connaît mal la CFE. Le ministère des Finances cherche des économies. Par contre, les conséquences d’une disparition de la CFE retomberaient sur le ministère des Affaires étrangères et les services consulaires.

« Les Assises de la protection sociale sont une opportunité pour les Français de l’étranger et leurs représentants d’exprimer clairement leur choix »

Il nous faut être réaliste et cohérent : il n’existe aucune formule magique qui permettrait à la fois d’équilibrer le budget de la CFE, de préserver sa mission de solidarité, sans augmenter la participation de l’Etat. Il est possible de le faire de différentes manières, soit en subvention soit en affectant des cotisations sociales déjà perçues.

Je rappelle que les Français de l’étranger établis hors de l’Union européenne paient des cotisations sur leurs revenus fonciers qui abondent les caisses d’assurance-maladie en France. J’ai proposé par exemple d’allouer à la CFE une fraction minime de la CSG sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement. Une mesure de la sorte transformerait la CFE, sa qualité de service, sa tarification, l’accessibilité de la couverture de santé des Français les plus modestes, sa capacité de faire des partenariats avec des réseaux de soin.

Les Assises de la protection sociale sont une opportunité pour les Français de l’étranger et leurs représentants d’exprimer clairement leur choix, leur vision de la protection sociale. Il faut se saisir de ce moment pour ne pas laisser le débat être confisqué par des arguments budgétaires ou techniques de court terme.

Découvrez le texte complet de cet appel et les premiers signataires :

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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