L’Allemagne veut prendre la Conférence sur l’avenir de l’Europe (CoFoE) comme point de départ pour faire évoluer l’Union européenne, éventuellement modifier les traités, et abolir la prise de décision à l’unanimité pour les questions de politique étrangère du bloc. C’est ce qu’a déclaré la ministre adjointe chargée des Affaires européennes et du Climat, Anna Lührmann, lors d’un entretien avec EURACTIV.
L’Allemagne a été l’un des plus fervents partisans de la CoFoE et des projets de réforme de l’UE qui en ont découlé. Et ce, parce que la vision de Berlin est que « nous coopérons encore plus intensément et encore plus en profondeur en Europe », a indiqué Mme Lührmann.
« Lors des négociations au Conseil, je me suis toujours considérée comme une représentante de la Conférence, car j’y soulève toujours très activement ces points et je fais campagne pour que nous obtenions le soutien nécessaire à leur mise en œuvre », a poursuivi la ministre.
Près de 50 propositions ont été présentées lors de la plénière de la Conférence, notamment l’abandon du principe de l’unanimité en matière de politique étrangère de l’Union.
Il serait maintenant important que « nous, l’UE, soyons à la hauteur et que nous lancions réellement les processus de réforme institutionnelle mentionnés lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe », a-t-elle continué.
L’importance de la Conférence, qui se termine officiellement lundi (9 mai), a déjà été soulignée dans l’accord de coalition allemand. Il stipule que la CoFoE doit déboucher sur un véritable « moment constitutionnel » pour l’UE et conduire à « une progression vers un État européen fédéral ».
C’est la raison pour laquelle Mme Lührmann plaide pour que « les résultats de la CoFoE soient également discutés avec une certaine ouverture d’esprit, y compris vis-à-vis de modifications des traités ».
« Il s’agit d’un point central de notre politique européenne que de promouvoir une dynamique allant en ce sens. Et j’espère que le moment sera bientôt venu pour cela », a déclaré Mme Lührmann.
Abolir la prise de décision à l’unanimité
Mme Lührmann demande que l’on se concentre à court terme sur les propositions qui ne nécessitent pas de modification des traités. « Il y a beaucoup de grandes idées, par exemple dans le domaine des énergies renouvelables ou du renforcement des capacités de défense européenne », a-t-elle expliqué.
Les traités actuels permettent déjà d’abolir le principe de l’unanimité dans le domaine de la politique étrangère de l’UE. Ils permettent également l’introduction de listes transnationales, un projet actuellement en cours de négociation.
« Un point qui est extrêmement important pour nous, en tant que gouvernement fédéral, c’est qu’il y ait moins de possibilités de veto en politique étrangère pour renforcer notre capacité d’action. Il existe déjà des options dans le cadre des traités actuels pour cela. Et nous devrions maintenant aussi discuter ensemble, au sein des institutions européennes, de la meilleure façon d’y parvenir », a indiqué Mme Lührmann.
Avec son action décisive concernant la guerre menée par la Russie en Ukraine, l’UE a montré que la base des négociations visant à abolir le principe d’unanimité est aujourd’hui plus solide que jamais.
« La guerre d’agression de la Russie a créé une toute nouvelle dynamique dans ce domaine, car l’UE a agi et réagi de manière unie et déterminée comme jamais auparavant », estime Mme Lührmann.
« Et je pense que les États membres sont de plus en plus conscients que nous devons vraiment adopter une position commune plus déterminée dans ce contexte géopolitique en évolution. Par conséquent, je pense qu’un débat sur cette question est assurément possible », a-t-elle ajouté.
L’élargissement de l’UE
Toutefois, la capacité d’action de l’UE est étroitement liée à son projet d’élargissement, a également souligné Mme Lührmann.
« En effet, les deux questions vont de pair. Et pour moi, il est clair que si l’UE s’élargit, nous devons également nous demander dans ce contexte de quelles institutions nous avons besoin pour cela », a-t-elle confié.
La ministre a ajouté qu’en ce qui concerne la perspective d’adhésion des Balkans occidentaux à l’UE, nous devons maintenant « réaliser des progrès significatifs » en ouvrant dès que possible les négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord.
« Pour moi, il est clair que nous devons tenir nos promesses. Et il y a des règles très claires dans le processus d’adhésion. Si des réformes sont entreprises, alors ces pays se rapprocheront un peu plus de l’UE », a-t-elle ajouté.
La réforme institutionnelle doit donc être engagée rapidement avant que ces pays ne rejoignent l’Union européenne.
« Nous, l’UE, devons faire notre travail et nous organiser sur le plan institutionnel afin de pouvoir fonctionner correctement dans une UE à 33 ou même plus », a-t-elle expliqué.
Une Europe à plusieurs vitesses ?
L’Allemagne est désormais également ouverte à une « Europe à plusieurs vitesses », une idée qui était encore considérée comme taboue sous l’ancienne chancelière Angela Merckel puisque cette dernière craignait qu’une intégration plus importante dans quelques États ne crée un fossé entre les États membres du bloc.
Mais à présent, un changement de cap est clairement perceptible avec le nouveau gouvernement allemand. Le chancelier actuel, Olaf Scholz, a notamment souligné lors de son discours inaugural au Bundestag en décembre dernier que certains États membres pourraient faire avancer l’intégration européenne « si tout le monde n’est pas encore prêt ».
Mme Lührmann a également déclaré que le développement de l’intégration des États les plus volontaires serait une « possibilité qui existe bien sûr ».
Cependant, « ce n’est pas le moment de prendre une décision aussi importante », a déclaré la ministre allemande en faisant référence à la guerre menée par la Russie en Ukraine. « Nous sommes dans un monde en plein bouleversement, et nous devons commencer ces débats maintenant », a-t-elle précisé.
Elle a également souligné que l’Allemagne poursuivait déjà cette approche dans certains domaines — par exemple, dans le cadre de la « coalition des volontaires » sur la politique migratoire mise en place par la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser.
« Mais à l’heure actuelle, compte tenu de cette crise globale, l’objectif du gouvernement fédéral est d’abord de faire en sorte que tout le monde reste ensemble et d’être aussi uni que possible, en particulier sur les grandes questions », a insisté Mme Lührmann.
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