Autrefois volubile et tout puissant, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, affaibli et aphasique depuis un AVC en 2013, a été contraint à la démission mardi, après s’être accroché aussi longtemps que possible au pouvoir malgré la maladie.
« Boutef », comme l’appellent familièrement ses compatriotes, détient le record de longévité à la tête de l’Etat algérien, mais voulait briguer un nouveau quinquennat en 2019, à l’occasion de ses 20 ans au pouvoir. Le mandat de trop.
Elu pour la première fois en 1999, constamment réélu au premier tour avec plus de 80% des voix en 2004, en 2009 et 2014, ce 5e mandat semblait pourtant acquis aux yeux du régime en début d’année.
Mais l’annonce de sa candidature a déclenché, à partir du 22 février, des manifestations massives et une contestation inédite, de la part d’une population outrée par un tel projet.
Jusqu’au bout, Abdelaziz Bouteflika aura tout de même voulu s’accrocher au pouvoir aussi longtemps que possible: après avoir d’abord reporté sine die la présidentielle du 18 avril tout en restant en fonctions, le président, lâché par plusieurs fidèles, avait fait savoir lundi qu’il démissionnerait, mais seulement d’ici l’expiration de son mandat, le 28 avril.
Sommé de quitter le pouvoir immédiatement mardi par un de ses principaux fidèles, le général Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major de l’armée, il a finalement jeté l’éponge.
– « Je suis l’Algérie » –
Diminué par les séquelles d’un AVC depuis des années, celui qui fut à 26 ans le plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde, dans un pays tout juste indépendant, renvoie désormais l’image d’un vieillard tassé dans un fauteuil roulant, qui ne s’adressait plus de vive voix à ses concitoyens depuis 2013 et n’apparaissait quasiment plus en public.
Un contraste saisissant avec le début de son mandat en 1999, où il s’affichait en orateur volubile et en dirigeant hyperactif.
« Je suis l’Algérie toute entière », lance en accédant au pouvoir celui dont le destin se confond avec l’histoire de son pays.
Né le 2 mars 1937 à Oujda au Maroc, dans une famille originaire de la région de Tlemcen dans le nord-ouest algérien, Abdelaziz Bouteflika rejoint dès 19 ans l’Armée de libération nationale (ALN) qui combat la puissance coloniale française.
A l’indépendance du pays en 1962, il est, à 25 ans, ministre des Sports et du Tourisme, avant d’hériter un an plus tard du portefeuille convoité de la diplomatie, qu’il conserve jusqu’en 1979, une époque où l’Algérie s’affiche en leader du « tiers-monde ».
En 1965, il soutient le coup d’Etat de Houari Boumédiène -alors ministre de la Défense- qui s’empare du pouvoir en déposant le président Ahmed Ben Bella.
S’affirmant comme le dauphin de Boumédiène, qui décède en 1978, il est pourtant écarté de la succession par l’armée, puis progressivement de la scène politique, sur fond d’accusations de malversations, qui le poussent à l’exil à Dubaï et Genève.
– Président tout puissant –
C’est pourtant l’armée qui l’impose en 1999 comme candidat du pouvoir à la présidentielle, qu’il remporte seul en lice après le retrait de ses six adversaires dénonçant l’organisation de fraudes.
Sa première priorité: rétablir la paix, alors que l’Algérie est plongée dans la guerre civile depuis 1992 contre une guérilla islamiste (quelque 200.000 morts en dix ans selon un bilan officiel).
Deux lois d’amnistie, en 1999 puis en 2005, largement adoptées par référendum, convainquent de nombreux islamistes de déposer les armes.
Accusé par ses détracteurs d’être une marionnette de l’armée, M. Bouteflika travaille à desserrer l’emprise de la puissante institution.
Promettant qu’il ne sera pas un « trois quarts de président », il devient un président tout puissant.
Il impose au Parlement de supprimer la limitation du nombre de mandats pour en conquérir un 3e en 2009, puis brave les oppositions affichées jusqu’au sein de l’appareil sécuritaire pour en gagner un 4e, un an après un AVC ayant entraîné trois mois d’hospitalisation à Paris et d’importantes séquelles.
Affaibli physiquement, il n’en renforce pas moins ses pouvoirs en dissolvant début 2016 le tout-puissant Département du Renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets), après avoir congédié son chef, le général Mohamed Médiène, alias « Toufik », jadis considéré indéboulonnable.
Mais ce 4e mandat se déroule sur fond de dégringolade des prix du pétrole que l’économie algérienne, très dépendante des hydrocarbures, subit de plein fouet.
Les caisses sont vides et il n’est plus possible d’acheter la paix sociale, comme en 2011, alors que le Printemps arabe balayait plusieurs dirigeants de la région et que les cours du pétrole flambaient.
Au-delà des difficultés économiques enfle surtout la frustration d’une population « humiliée » de l’image que renvoie ce président mutique et paralysé de l’Algérie.
la rédaction avec l’AFP
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