Le Lycée français d’Alicante, géré par la Mission laïque française, a été poursuivi en justice au tribunal régional par les parents d’un de ses élèves alors que ces derniers avaient refusé de payer les frais pour l’année scolaire 2019/20, alléguant que la continuité pédagogique n’avait pas été assurée. Pour ces parents, la mise en place du distanciel était une rupture du service. Le tribunal d’Alicante, après plusieurs retournements, a décidé de suivre ces derniers.
Une seule famille
Le 21 mars 2021, le lycée français international Pierre Deschamps d’Alicante a déposé une demande de paiement solidaire de la somme de 1335 euros, plus intérêts, plus frais, à l’encontre d’un parent qui a refusé de payer les frais de scolarité et qui du coup a déscolarisé son enfant de l’établissement.
Le 7 novembre 2022, le lycée français international Pierre Deschamps d’Alicante a ratifié sa demande auprès du tribunal et le parent a aussi ratifié son refus de payer.
Le juge a alors procédé à demander aux parties intéressées de régler leur différent à l’amiable, estimant que 30% de réduction serait la juste mesure à l’encontre du parent. L’établissement a refusé cette proposition et a demandé le paiement du montant total.
Le 23 novembre 2022, le juge a procédé au jugement de ce litige, condamnant ainsi le LFIA à appliquer 35% de réduction sur la somme demandée, estimant que l’entreprise n’avait pas rempli ses obligations de prestations de service.
La cour a souligné que le confinement fut une situation surprenante pour toutes les parties concernées, mais il n’en est pas moins vrai que de nombreuses écoles ont pu s’adapter à cette nouvelle situation en maintenant les cours en ligne dans leur intégralité, ce qui ne s’est pas produit dans cet établissement, donc compte tenu de cette réduction du service contracté, le juge a convenu de modérer le pourcentage des droits fixés à 35% au cours des mois où le confinement était en vigueur.
35% de remboursement pour tous ?
La décision du tribunal imposerait donc au Lycée français de réduire les frais de scolarité des élèves pour le trimestre concerné. Cela crée donc une jurisprudence qui va contraindre la Mission Laïque française à rembourser les parents visés par la procédure comme le reconnaît le président de l’association dédiée à l’éducation hors de France depuis 1902, Jean-Marc Merriaux.
« Nous sommes au bout du processus juridique. Cela crée une jurisprudence mais à la portée, exclusivement, locale. Nous allons donc rembourser les parents de cet élève.«
Jean-Marc Merriaux, président de la Mission Laïque française
Si le Lycée français d’Alicante va, évidemment, se plier à la décision de justice, la Mission Laïque française regrette cette décision qui est prise sur la base d’heures de cours dispensés par vidéo et ce sans prendre en compte l’effort pédagogique qui a été porté par toute l’équipe de l’établissement scolaire.
En effet, l’équipe de la Mission Laïque française a choisi pendant la pandémie de privilégier l’accompagnement personnalisé au maintien d’heures de cours en téléconférence.
« Les professeurs appelaient personnellement chaque élève, pour les accompagner sur leurs propres difficultés rencontrées lors de la réalisation des exercices donnés, une solution que nous avons trouvé plus pertinente que d’imposer 8 heures d’écran aux élèves. Les études ont démontré l’inefficacité d’une telle méthodologie ».
Jean-Marc Merriaux, président de la Mission Laïque française
Sur la plan financier, la limitation du remboursement à 35% des frais sur quelques mois ne devrait pas mettre en danger le bilan de l’établissement et si cela s’avérerait, Jean-Marc Merriaux nous rappelle que les établissements de la Mission laïque française sont dans un réseau mutualiste, et ce dernier jouera son rôle si nécessaire.
Une jurisprudence qui pourrait être dupliquée ailleurs ?
Suite à cette décision, d’autres parents dans le monde pourrait être tentés de lancer d’autres procédures auprès de leur juridiction locale. La fédération des associations de parents d’élèves, l’UNAPE, se félicite, elle, de cette décision.
« Durant le confinement, nombre de nos associations membres se sont manifestées dans ce sens envers les directions de leurs établissements respectifs et ce sans avoir eu gain de cause.«
Sabri KHELIF – Président de l’UNAPE
Pour Sabri Khelif, cette décision de justice avalise leurs revendications et les conforte dans leurs convictions. Un état d’esprit qui démontre une volonté de remettre le coût de la scolarité hors de France au coeur du débat. En effet, les frais d’écolage sont en nette augmentation, du fait de l’inflation, de rattrapage post Covid, etc., l’UNAPE espère donc que cette décision favorisera la prise en compte de leur demande de gel des barèmes.
D’autres associations de parents d’élèves, elles, n’ont pas envie d’attendre un geste des établissements scolaires et portées par cette décision, réfléchissent à solliciter la justice dans leurs pays.
Un risque que le corps politique comme l’AEFE perçoivent. L’Agence qui chapeaute tous les réseaux scolaires homologués rappelle que pendant cette période exceptionnelle tous les acteurs étaient mobilisés pour assurer l’avenir des enfants.
« L’Agence rappelle que durant cette période, tous les établissements homologués, avec le soutien de l’opérateur public AEFE, ont été entièrement mobilisés et ont travaillé pour assurer la continuité pédagogique au bénéfice de tous les élèves«
L’AEFE au site Lesfrancais.press
Pour le député des Français de la Péninsule ibérique, Stéphane Vojetta, s’il faut tirer leçon de cette décision de justice, il ne faut surtout pas rentrer dans une judiciarisation des rapports entre les établissements scolaires et les parents d’élèves. Pour lui, comme pour l’AEFE, il faut remettre dans le contexte et garder confiance dans le réseau qui a su se mobiliser.
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