Lors de son discours la Première ministre a défendu « les avancées » du débat parlementaire pour « améliorer la réforme des retraites », en citant par exemple les carrières longues et la pension des mères de famille. De quoi faire dire à Élisabeth Borne qu’elle n’a « jamais été aussi loin » dans « le compromis ». Si ces quelques phrases n’ont pas été suffisantes, la peur de déstabiliser un peu plus le pays et de renvoyer les députés vers leurs électeurs l’ont été et les motions de censure ont été rejetées lors des votes qui se sont finalisés à 18h45.
De facto, la réforme tant décriée est donc adoptée. Fin de l’histoire ? Pas sûr !
Le vote
Deux mentions de censure étaient mises au vote ce lundi 20 mars. La première réunissant plusieurs partis autour des élus de l’outre-mer a failli réussir l’exploit de faire tomber le gouvernement. A 9 voix près, le gouvernement reste donc en place et la réforme est adoptée.
La deuxième était présentée par le Rassemblement national et n’a réuni que 94 votes.
Si le résultat est conforme à ce qu’attendait Elisabeth Borne, le faible écart de voix est aussi un message d’alerte qui risque de précipiter son départ.
Réunion de crise à Matignon
Élisabeth Borne recevra ce soir à 21h à Matignon les présidents des groupes de la majorité à Matignon. Autour de la table, se trouveront donc du côté de l’Assemblée nationale Aurore Bergé (Renaissance), Laurent Marcangeli (Horizons), et Jean-Paul Mattei (Modem). Pour le Sénat, François Patriat (Renaissance) et Claude Malhuret (Les Indépendants) seront également présents, tout comme Yaël Braun-Pivet, la présidente du Palais-Bourbon.
Au cours de la soirée, les convives devront inventer une stratégie pour calmer la colère du peuple qui s’est exprimée immédiatement Place Vauban et qui redoublera dès jeudi pour la journée de grève générale.
Dans les couloirs, certains voient cette invitation comme un « pot de retraite » de la Première ministre alors que le nom de Gérald Darmanin circule pour la remplacer à l’hôtel de Matignon.
Les Français de l’étranger partagés
Du côté des Français de l’étranger, nous avons mené une consultation à laquelle plus de 3300 personnes ont répondu en 48h.
On y apprend que 51% des expatriés qui ont participé à cette enquête soutiennent le mouvement social, 4% d’entre eux n’ont pas d’avis, tandis que 45% sont favorables à la réforme, mais pas forcément au gouvernement, ils ne sont que 21,5% à soutenir la réforme et le gouvernement.
Certains pourront dire que c’est tout simplement car les Français de l’étranger ne sont pas concernés par cette réforme. Que nenni, parmi les 3347 personnes qui ont répondu, ils sont 45% à compter principalement sur leurs droits acquis en France pour liquider leur retraite.
La bonne nouvelle que l’on découvre dans cette consultation, c’est que 48% des Français de l’étranger comptent revenir en France pour vieillir heureux et en paix dans leur pays.
Les intersyndicales et la gauche vent debout
En France, comme chez les Français de l’étranger, les forces de gauche, partis politiques comme syndicats, sont vent debout face à ce « passage en force ».
Pour le réseau scolaire hors de France, l’intersyndicale appelle déjà dans tous les cas à la grève jeudi 23 mars si la réforme n’est pas retirée par le Président de la République. Il faut donc s’attendre à un mouvement de masse dans les Lycées et écoles à travers le monde.
« Avec le rejet de cette motion de censure, le texte issu de la Commission mixte paritaire est adopté. À l’ UNSA Éducation, nous demandons au président de surseoir à la promulgation de cette loi. Cette réforme reste pour nous inutile, injuste et brutale. Plus que jamais, nous appelons les personnels en poste à l’étranger à se mettre en grève jeudi 23 mars et à participer aux rassemblements d’initiative locale devant les représentations françaises à l’étranger.«
Adrien Guinemer – Chargé de mission « Hors de France » : AEFE, MLF, MEAE – trésorerie, numérique, communication et Hors de France
Du côté de nos élus, nous avons sollicité les élus de la majorité qui ont préféré décliner notre proposition. A droite, comme leur groupe à l’Assemblée nationale, deux camps, pro et contre la réforme, se dessinent et naturellement eux non plus n’ont pas voulu s’exprimer. Tandis que le RN à travers son nouveau président de fédération des Français de l’étranger, l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle nous a fait parvenir sa réaction, alors qu’il était en déplacement en Afrique du Sud.
« 9 petites voix seulement nous en séparent. C’est évidemment un échec de la part du gouvernement qui doit en tirer des conclusions. Borne doit démissioner ! Macron doit respecter la majorité des Français et retirer son texte ! «
Jean-Lin Lacapelle – Député européen et responsable des Français de l’étranger pour le Rassemblement national
A gauche, évidemment, les réactions furent plus nombreuses. Yan Chantrel, ancien élu consulaire à Montréal et sénateur PS des Français de l’étranger, nous annonce que lui et ses collègues vont saisir le conseil constitutionnel tout en préparant le dépôt d’un projet de loi pour un référendum d’initiative partagée. Une astuce constitutionnelle qui permettra le gel d’éventuels décrets d’application de la réforme adoptée ce jour pour au minimum 9 mois.
« Cette réforme est massivement rejetée par les Français et Françaises et n’est couverte par aucune onction démocratique et parlementaire. C’est pourquoi nous saisissons le Conseil constitutionnel pour la faire censurer. Ce gouvernement n’ayant aucun mandat et aucune légitimité pour faire cette réforme, nous avons déposé une proposition de loi afin de permettre le lancement d’un référendum d’initiative partagé afin de donner la parole au peuple.«
Yan Chantrel – Sénateur des Français de l’étranger
La présidente de la fédération des Français de l’étranger et élue consulaire en Belgique, Cécilia Gondard, se félicite évidemment des actions proposés par ces parlementaires mais s’inquiète aussi, dans un communiqué de presse, du « risque insensé de la fracturation du pays » et des conséquences qui vont accroître la défiance de nos compatriotes à l’égard des institutions.
« Les Français ne veulent pas de cette réforme. Le PS se bat contre cette réforme. Les syndicats la rejettent également. Et il n’a manqué que 9 voix pour que la motion de censure ne passe. Il est temps que le gouvernement retire cette réforme. Le combat continue. Nous avons déposé un RIP au Conseil constitutionnel. Nous ne lâchons rien. Les prochains jours seront donc propices à la fracture de la nation française et à l’émergence de mouvements violents dans l’Hexagone.«
Cécilia Gondard, présidente de la fédération des Français de l’étranger du parti socialiste et élue consulaire en Belgique
Adoptée ou non ? Injuste ou non ? Cette réforme restera comme une cicatrice dans les mandats d’Emmanuel Macron et peut-être la porte ouverte à une séquence de violences urbaines et d’immobilisme politique. Dans tous les cas, ce fut une mauvaise affaire pour le gouvernement.
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