Les conventions fiscales sont des traités internationaux visant à répartir le droit d’imposer entre deux États de façon à éviter que les entreprises et particuliers ne soient confrontés à des doubles impositions. De plus en plus, leur objectif est également de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale en limitant les possibilités de double non-imposition. Avec 121 conventions fiscales bilatérales, la France compte aujourd’hui le réseau le plus étendu au monde avec celui du Royaume-Uni.
15 ans sans nouvelles conventions
Après presque 15 années sans convention fiscale, la nouvelle convention signée le 4 février 2022 entre la France et le Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales est entrée en vigueur le 29 décembre 2023. Le 30 décembre 2023, c’est la nouvelle convention signée le 11 mai 2022 entre la France et la Grèce qui est entrée en vigueur et est venue se substituer à l’ancienne version en vigueur depuis le 31 janvier 1965.
Depuis quelques années, la France semble s’affairer à renégocier certains de ses accords bilatéraux en matière fiscale. Cinq autres conventions fiscales, avec la Belgique, Chypre, la Finlande, la Moldavie et le Rwanda, et un avenant à la convention fiscale avec la Suède sont en effet en attente de ratification après avoir été signés entre 2021 et 2023.
Belgique
Le 9 novembre 2021, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’un protocole. Cette nouvelle convention vise à moderniser les règles applicables, la convention actuelle datant de 1964 et restant assez éloignée des standards de l’OCDE, malgré les avenants successifs.
Les principales dispositions concernant les personnes morales et l’investissement immobilier ayant fait l’objet d’adaptation et de modifications sont présentées ci-dessous.
Bénéfice de la convention fiscale
La définition de « résident » est restreinte aux seules personnes assujetties à l’impôt dans l’un des deux États (article 4). La nouvelle convention insère à l’article 1er, une disposition pour l’imposition notamment des sociétés de personnes ou des entités transparentes fiscalement. On retrouve ainsi une clause présente dans l’Instrument Multilatéral permettant sous conditions à une entité fiscalement transparente de bénéficier des avantages de la convention.
Ainsi, un revenu de source française perçu par une société belge considérée comme fiscalement transparente pourra bénéficier de la convention si l’associé belge est imposé sur ce revenu. Toutefois, le protocole prévoit que les OPC et fonds de pension établis dans un État contractant et qui reçoivent des dividendes ou des intérêts provenant de l’autre État contractant bénéficient des avantages des articles 10 (dividendes) et 11 (intérêts).
Établissement stable
Les dispositions de la nouvelle convention (article 5) ne divergent pas du principe selon lequel les profits réalisés par une entreprise résidente d’un pays sont taxables dans ce pays sauf si l’entreprise réalise une activité dans l’autre pays par le biais d’un établissement stable dans cet autre pays.
La définition de l’établissement stable sous l’égide de la nouvelle convention est en ligne avec les travaux récents de l’OCDE et notamment les recommandations de l’action concernant ‘‘les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable’’, repris dans l’Instrument Multilatéral.
A noter, que les chantiers de construction sont considérés comme des établissements stables lorsque leur durée dépasse neuf mois, contre six dans la précédente convention. Cette durée de neuf mois se rapproche de celle prévue par modèle OCDE (douze mois).
Traitement des dividendes
L’on peut tout d’abord noter à l’article 10 consacré aux dividendes l’insertion de dispositions similaires à l’article 8 de l’Instrument Multilatéral, qui prévoit l’exonération totale des dividendes versés par une société résidente à toute société résidente de l’autre État membre détenant une participation d’au moins 10 %, à condition que cette participation ait été détenue pendant au moins 365 jours. Dans les autres cas, le taux réduit « standard » passe de 15 % à 12,8 %.
À cela, il convient d’ajouter que la nouvelle définition des dividendes inclut désormais les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale française, tandis que la convention de 1964 retenait une définition étroite du terme « dividendes », ce qui faisait tomber notamment les revenus réputés distribués dans la catégorie des « autres revenus », imposables exclusivement en Belgique. Cette nouvelle définition pourrait notamment aboutir à l’application d’une retenue à la source sur la fraction des intérêts excédentaires versés aux associés en application de l’article 39, 1-3° du CGI, sous réserve de la démonstration que le taux pratiqué est un taux de marché (démonstration réservée aux intérêts versées à des entreprises liées).
Traitement des intérêts
La nouvelle convention prévoit à l’article 11 l’imposition exclusive des intérêts dans l’État de résidence du bénéficiaire effectif, en lieu et place d’une retenue à la source au taux maximum de 15 % prévue par la convention précédente. Ce changement devrait avoir peu d’impact dans la pratique, étant données les législations nationales respectives des deux États.
En accord avec le modèle OCDE, les nouvelles dispositions de l’article 11 prévoient que le bénéfice du traité est uniquement accordé à proportion de la partie ‘‘arm’s length’’ des intérêts distribués. Ainsi, lorsque le taux d’un intérêt est considéré excessif au regard de la relation entre les deux parties, la portion des intérêts considérés excessive sera taxable conformément au droit national et aux autres provisions applicables de la nouvelle convention.
Investissement immobilier
Sur le plan immobilier, la nouvelle convention se réfère sans surprise à la définition donnée par l’État dans lequel le bien immobilier est situé (article 6).
S’agissant des gains en capital (article 13), la nouvelle convention reprend la définition standard de la prépondérance immobilière du modèle OCDE, mais contrairement à l’instrument multilatéral et à d’autres conventions récentes (telle la convention conclue avec le Luxembourg), la définition ne comprend pas de durée d’appréciation de la prépondérance immobilière. En l’occurrence, les dispositions de la nouvelle convention font écho à l’arrêt du Conseil d’État qui avait eu l’occasion de se prononcer sur l’imposition en France de plus-values de cessions de parts de SCI sous l’empire de l’actuelle convention fiscale avec la Belgique au motif que ces parts étaient soumises au même régime fiscal que des biens immobiliers situés en France.
En outre, la nouvelle convention, dans son article 10 (dividendes), prévoit le bénéfice du taux réduit de retenue à la source sur les distributions réalisées par les véhicules d’investissements immobiliers exonérés d’impôts (tels les SIIC et OPCI), pour autant que le bénéficiaire effectif détient directement ou indirectement une participation représentant moins de 10% du capital de ce véhicule.
Enfin, l’impôt sur la fortune immobilière français (« IFI ») est désormais visé par la nouvelle convention franco-belge. Il est à noter que pour la première fois l’IFI est expressément visé dans une convention fiscale conclue avec la France, alors que cet impôt a remplacé l’impôt sur la fortune (« ISF ») en 2018.
La nouvelle convention franco-belge ne donne à la France le droit d’imposer à l’IFI que les immeubles situés en France (article 21, paragraphe 1) ainsi que les titres de société à prépondérance immobilière en France (article 21, paragraphe 2) détenus par un résident belge. Les paragraphes 4, 5 et 6 de l’article 21 n’ont pas vocation à s’appliquer à l’heure actuelle dès lors que le champ d’application de l’IFI, en droit interne, se limite aux biens et actifs immobiliers, sauf à ce que soit rétabli un jour l’ISF.
Dispositifs anti-abus
Le préambule de la nouvelle convention reprend la formule de l’article 6 de l’Instrument Multilatéral visant à éviter les possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite via des pratiques d’évasion ou de fraude fiscale.
Par ailleurs, la nouvelle convention introduit des clauses de bénéficiaire effectif au sein des articles 10 (dividendes), 11 (intérêts) et 12 (redevances).
En outre, la nouvelle convention établit à l’article 28 une règle générale anti-abus fondée sur le « critère de l’objet principal » en prévoyant qu’un avantage conventionnel ne sera pas accordé s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l’octroi de cet avantage était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction ayant permis, directement ou indirectement de l’obtenir, à moins qu’il soit établi que l’octroi de cet avantage dans ces circonstances serait conforme à l’objet et au but des dispositions de la convention.
Cette clause va donner à l’administration fiscale française une alternative aux dispositions françaises anti-abus, qui sont formulées de manière plus restrictive. Un véhicule d’investissement dédié qui serait mis en place en vue de bénéficier des dispositions favorables de la nouvelle Convention pourrait ainsi tomber sous le coup de ces dispositions.
Chypre
Le 11 décembre 2023, les représentants de Chypre et de la France ont signé une nouvelle convention fiscale qui se substituera à la convention du 18 décembre 1981, actuellement en vigueur, telle que modifiée par le MLI (convention consolidée en vigueur depuis le 1er janvier 2019 pour la France et le 1er mai 2020 pour Chypre).
La France et Chypre devront, une fois les procédures internes de ratification effectuées, se notifier l’accomplissement de ces procédures.
Dividendes
La nouvelle convention prévoit que les dividendes sont imposables dans l’État de résidence de leur bénéficiaire ainsi que dans l’État de source.
Toutefois, aucune RAS ne pourra être appliquée si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement tout au long d’une période de 365 jours au moins 5 % de la société qui verse les dividendes. La RAS sera plafonnée à 15 % dans tous les autres cas (vs. une RAS de 10 % si le bénéficiaire effectif est une société détenant au moins 10 % du capital du payeur, et 15 % dans les autres cas, prévue par la convention dans sa version actuellement en vigueur).
Notons que la convention retient une définition large des dividendes (revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’Etat dont la société distributrice est un résident).
Intérêts
Le droit d’imposer les intérêts sera exclusivement attribué à l’État de résidence du bénéficiaire effectif.
La convention actuellement en vigueur prévoit, elle, un partage du droit d’imposer, avec une RAS maximale de 10 %.
Redevances
La convention prévoit un partage du droit d’imposer, mais précise que les redevances provenant d’un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre État contractant seront soumises à une RAS ne pouvant excéder 5 % (l’actuelle convention prévoit une RAS plafonnée à 5 % uniquement pour les redevances payées pour l’usage, ou la concession de l’usage de films cinématographiques y compris les films et bandes magnétiques audiovisuelles utilisées pour la télévision).
Gain en capital
La convention comprend des dispositions spécifiques aux gains en capital tirés de l’aliénation d’actions, de droits ou de participations dans des entités tirant leur valeur principalement de biens immobiliers.
Il est ainsi précisé que les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions ou de droits ou participations similaires (tels que des droits ou participations dans une société, un trust, une fiducie ou toute autre entité), sont imposables dans l’autre État contractant si, à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent l’aliénation, ces actions, droits ou participations similaires tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans cet autre État (inspiré de l’article 9 du MLI).
Finlande
Le 4 avril 2023, les représentants de la Finlande et de la France ont signé une nouvelle convention fiscale qui se substituera à la convention du 11 septembre 1970, actuellement en vigueur, telle que modifiée par le MLI (convention consolidée en vigueur depuis le 1er juin 2019).
Avant de pouvoir entrer en vigueur, la nouvelle convention doit être soumise à approbation parlementaire et ratification par la France et la Finlande, lesquelles devront ensuite mutuellement se notifier l’accomplissement de ces procédures.
Dividendes
La nouvelle convention prévoit que les dividendes sont imposables dans l’État de résidence de leur bénéficiaire ainsi que dans l’État de source.
Toutefois, aucune RAS ne pourra être appliquée si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement tout au long d’une période de 365 jours au moins 5 % de la société qui verse les dividendes. La RAS sera plafonnée à 15 % dans tous les autres cas.
Par ailleurs, la définition des dividendes est élargie (revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale française).
Intérêts
Le droit d’imposer les intérêts sera exclusivement attribué à l’État de résidence du bénéficiaire effectif. Notons que la convention actuellement en vigueur prévoit un partage du droit d’imposer, avec une RAS maximale de 10 %.
Redevances
Les redevances provenant d’un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre État contractant seront exclusivement imposables dans cet autre État – pas de changement sur ce point par rapport à l’actuelle convention.
Gains en capital
La convention comprend des dispositions spécifiques aux gains en capital tirés de l’aliénation d’actions, de droits ou de participations dans des entités tirant leur valeur principalement de biens immobiliers.
Il est ainsi précisé que les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions ou de droits ou participations similaires (tels que des droits ou participations dans une société de personnes, un trust ou une fiducie), sont imposables dans l’autre État contractant si, à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent l’aliénation, ces actions, droits ou participations similaires tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans cet autre État (conformément en cela à l’article 9 du MLI).
En revanche, le droit d’imposition est alloué au pays du cédant en l’absence de prépondérance immobilière.
Moldavie
La convention entre la France et la Moldavie a été signée le 15 juin 2022. La date d’entrée en vigueur n’est pas encore fixée. Le projet de loi d’approbation a été déposé à l’Assemblée nationale par le Gouvernement le 31 octobre dernier.
Notons, à titre liminaire, que la convention ne sera pas couverte par le MLI – la Moldavie ne figurant pas, pour l’heure, au rang des Etats signataires.
Elle intègre toutefois un certain nombre de dispositions phares du MLI, à l’instar de la clause générale anti-abus du « Principal Purpose test » (art. 7 du MLI), qui y est reprise (art. 27).
Établissement stable
La convention inclut, en son article 5 relatif à l’établissement stable, la nouvelle notion d’agent dépendant, susceptible de conduire à la caractérisation d’un établissement stable (personne qui conclut habituellement des contrats, ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats, qui de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise étrangère). Elle comporte également la clause visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable par des accords de commissionnaires.
En revanche, s’agissant des exceptions en faveur d’activités spécifiques (présence d’un établissement stable écarté, par exemple, pour des activités, de stockage, d’exposition, ou de livraison de marchandises), la convention n’ajoute pas, de manière systématique pour chacune des activités listées, la condition qu’elle présente un caractère préparatoire ou auxiliaire (et retient donc « l’option B » offerte par l’article 13 du MLI).
La convention comprend, par ailleurs, dans son article 9 relatif aux entreprises associées, l’ajustement prévu par le MLI dans l’hypothèse où un État contractant inclut dans les bénéfices d’une entreprise résidente, des bénéfices sur lesquels une entreprise de l’autre État contractant a déjà été imposée (art. 17 du MLI).
Dividendes
S’agissant des dividendes, la convention instaure une période de détention minimale et ininterrompue de 365 jours (cf. art. 8 du MLI), qui, couplée à une détention minimale directe de 10 % de la société distributrice, permettra de bénéficier d’une retenue à la source de 5 % (art. 10).
Double résidence
Enfin, la convention prévoit qu’en cas de double résidence d’une personne morale, celle-ci sera considérée comme un résident seulement de l’État où son siège de direction effective est situé (art. 4.3 de la convention, inspiré de l’art. 4 du MLI, au titre duquel la France avait pourtant formulé une réserve).
Rwanda
La France et le Rwanda ont signé, le 22 juin 2023, une convention fiscale bilatérale. Jusqu’à présent, les deux Etats n’étaient liés pas aucun accord en matière fiscale. Notons, à titre liminaire, que cette convention ne sera pas, non plus, couverte par le MLI – le Rwanda ne figurant pas, pour l’heure, au rang des Etats signataires. Elle intègre toutefois un certain nombre de dispositions phares du MLI, à l’instar de la clause générale anti-abus du « Principal Purpose test » (art. 7 du MLI), qui y est reprise à l’identique (art. 28).
Établissement stable
La convention inclut, en son article 5 relatif à l’établissement stable, la nouvelle notion d’agent dépendant, susceptible de conduire à la caractérisation d’un établissement stable (personne qui conclut habituellement des contrats, ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats, qui de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise étrangère). Elle comporte également la clause visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable par des accords de commissionnaires.
En revanche, s’agissant des exceptions en faveur d’activités spécifiques (présence d’un établissement stable écarté, par exemple, pour des activités de stockage, d’exposition, ou de livraison de marchandises), la convention n’ajoute pas, de manière systématique pour chacune des activités listées, la condition qu’elle présente un caractère préparatoire ou auxiliaire (et retient donc « l’option B » offerte par l’article 13 du MLI).
La convention comprend, par ailleurs, dans son article 9 relatif aux entreprises associées, l’ajustement prévu par le MLI dans l’hypothèse où un État contractant inclut dans les bénéfices d’une entreprise résidente, des bénéfices sur lesquels une entreprise de l’autre État contractant a déjà été imposée (art. 17 du MLI) – avec un tempérament toutefois lorsqu’une des entreprises en cause s’avère être passible d’une pénalité pour fraude fiscale.
Dividendes
La convention prévoit que les dividendes sont imposables dans l’État de résidence de leur bénéficiaire, ainsi que dans l’État de source.
La RAS sera toutefois plafonnée à 7,5 % si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement tout au long d’une période de 365 jours au moins 25 % de la société qui verse les dividendes. La RAS sera plafonnée à 15 % dans tous les autres cas.
Notons que la convention retient une définition large des dividendes (revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’État dont la société distributrice est un résident).
Intérêts, Redevances et Honoraires pour services techniques
La convention prévoit un partage du droit d’imposer, avec une RAS maximale de 10 %.
Auteur/Autrice
-
Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
Voir toutes les publications