Le réseau des Lycées français dans le monde fait la fierté de notre pays et de ses expatriés. Mais parmi plus de 500 établissements homologués par l’AEFE, quelques établissements connaissent de lourdes difficultés. Certains n’ont pas encore pu se rétablir après l’onde de choc de la pandémie, d’autres sont en proie à l’insécurité du pays où ils se situent, d’autres sont, eux, victimes de différends entre les parents et l’administration. En cette fin d’année, on fait un tour, non exhaustif, des Lycées français en péril dans le monde.
Lycée Alexandre Dumas à Port-au-Prince (Haïti)
Depuis septembre 2021 et le fameux courriel du ministère des Affaires étrangères qui ordonne le basculement des enseignements en distanciel, le Lycée français de Port-au-Prince sur l’île d’Haïti est fermé. Le motif : l’insécurité dans le pays le plus pauvre d’Amérique, deux mois après l’assassinat du président Jovenel Moïse. Depuis élus et familles craignent que les grilles de l’établissement ne puissent plus jamais rouvrir.
Mais il y a quelques jours le Lycée Alexandre Dumas (LAD) à Port-au-Prince a annoncé la réouverture de ses portes en septembre de cette année. Depuis plus de deux ans, les enseignements se faisaient uniquement en distanciel, une situation que ne cessaient de déplorer parents et élèves.
Lycée franco-éthiopien d’Addis-Abeba (Ethiopie)
Ce fut l’établissement d’excellence de toute une nation. Ouvert en 1948 à la demande de l’empereur Haïlé Sélassié, lui-même francophone, le lycée Guébré-Mariam occupe 4 hectares sur Churchill Avenue, les petits Champs-Elysées d’Addis-Abeba. Une fabrique d’élites idéalement nichée entre la mairie de la capitale éthiopienne, la banque centrale, les bureaux de la télévision nationale et l’hôpital du Lion-noir, le plus grand du pays.
L’établissement, qui tire son nom d’un résistant éthiopien à l’occupation de l’Italie fasciste, a vu défiler de prestigieux élèves : la famille de l’empereur, celle du « Négus rouge » Mengistu Haïlé Mariam, puis les enfants de Meles Zenawi, premier ministre de 1995 à 2012. L’actuelle présidente, Sahle-Work Zewde, y a fait ses classes avant de partir étudier en France. De nombreux diplomates de l’Union africaine, dont le siège se situe dans la capitale éthiopienne, y plaçaient leur progéniture.
Mais le lycée franco-éthiopien a perdu de sa superbe. Au point que certains diplomates français préfèrent aujourd’hui scolariser leurs enfants dans des écoles privées britanniques ou américaines, pourtant beaucoup plus chères.
Le tableau peint par les professeurs, administrateurs et parents d’élèves interrogés est sombre. L’établissement a connu quatre directeurs en quatre ans, dont deux ont été congédiés. Et il brille davantage aujourd’hui par sa mauvaise gestion que par le niveau scolaire de ses élèves.
Un déclassement dû, selon des enseignants, au manque de moyens. Le lycée a beau avoir été exempté par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2022 de payer la participation à la rémunération des résidents (PRR), soit une ristourne d’environ 1,2 million d’euros par an, il reste fragile.
Lycée Français International Georges Pompidou de Dubaï (Emirats arabes unis)
Au Lycée Français International Georges Pompidou de Dubaï, c’est la fracture entre les parents d’élèves et l’administration qui met en péril cet établissement.
Ainsi le Conseil de Gestion, organe pilotant une association réunissant les parents d’élèves, qui gère le foncier et le bâti accueillant l’établissement, a dénoncé la convention le liant à l’AEFE le 17 janvier 2023. Pourtant le collège à la tête de ladite association affirmait encore dans une newsletter envoyée aux parents en février vouloir maintenir la convention (qu’il a, donc, dénoncée sans en avoir informé les parents).
« En tant que parent, je n’ai entendu parler de cette information que grâce à la casquette de représentante des parents au Conseil d’Établissement quand j’ai assisté à un CEE (Conseil d’Établissement Extraordinaire) le 20 février 2023. L’AEFE et le proviseur nous ont convoqué à cette réunion d’urgence pour voter la contestation à la dénonciation de la convention par notre CDG en janvier«
Une membre du Conseil d’établissement sous couvert de l’anonymat
En fait, la convention actuelle contient des clauses qui ne sont plus compatibles avec la loi émiratie en vigueur depuis 2021. Ce texte réglemente les affaires familiales et personnelles des non-Musulmans. Cette loi devait permettre de garantir les droits des non-Musulmans que ce soit en termes de culture, de coutumes et de langues mais aussi de protéger l’intérêt supérieur des enfants par exemple lorsqu’il est question de séparation parentale.
Ainsi Le Lycée Français International Georges Pompidou s’est affilié au mois de juin à la CDA. Une administration créée pour contrôler la gouvernance du milieu associatif de l’émirat de Dubaï et les flux financiers s’y rapportant. Le Comité de gestion, le CDG, est maintenant responsable légal auprès de la CDA. Si cela n’a pas d’impact sur le fonctionnement quotidien de l’établissement, les risques financiers et juridiques pour les parents se sont retrouvés amplifiés.
Alors que l’établissement est en déficit chronique, le Comité de gestion s’est opposé à la nomination d’une nouvelle administratrice financière nommée par l’AEFE. Pourtant, ce principe avait été acté en 2018 lorsque l’AEFE avait dû renflouer les caisses en urgence après une décennie de mauvaise gestion. Mais les nouveaux enjeux légaux dans l’Émirat poussent les parents à vouloir reprendre la main afin d’éviter qu’un cumul de déficits, dont ils seront responsables in fine, se constitue. Une position que conteste évidemment l’AEFE.
Pour d’autres parents, dont certains membres du Conseil d’établissement (CDG+élus+AEFE+corps professoral+associations tierces de parents d’élèves), c’est le signal pour la nomination de professionnels pour la gestion de la nouvelle association qui a dû être constituée pour répondre aux exigences de la loi des émirats. Ils désirent ainsi qu’un professionnel RH avec des formations pédagogiques françaises, qu’un comptable et qu’un secrétaire de l’association soient recrutés au moins pour le début de la mise en place de cette nouvelle structure.
Lycée Charles-de-Gaulle à Londres (Royaume-Uni)
Ce fut un coup dur pour le prestigieux établissement français. À Londres, le lycée Charles-de-Gaulle a reçu la pire note de l’inspection scolaire britannique, l’Ofsted, comme nous vous l’indiquions en mars de cette année.
De quoi refroidir les parents d’élèves, qui engagent des frais de scolarité de 10.000 euros par an. L’Ofsted a rendu son rapport de 15 pages en janvier dernier. L’évaluation, elle, date de novembre dernier. La note attribuée au lycée français de Londres est«inadéquate». C’est la pire appréciation parmi les trois autres proposées dans l’évaluation de l’Ofsted. Au total, 3450 élèves âgés de 3 à 18 ans sont inscrits au lycée Charles-de-Gaulle, qui dépend de l’AEFE, l’agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Si le rapport souligne l’excellence académique du lycée, il pointe toutefois du doigt des problèmes de méthodologie : «Ce que les élèves apprennent et le calendrier des apprentissages ne sont pas clairement définis. Cela ne répond pas aux normes des écoles indépendantes», note l’inspection.
Le rapport soulève aussi des dysfonctionnements à propos de la sécurité et du bien-être des élèves: «Les responsables [du lycée] n’ont pas reçu une formation suffisante pour les aider à comprendre leur rôle dans la protection de l’enfance», «Ils n’identifient pas et ne gèrent pas bien les risques. La tenue des dossiers est mauvaise». «Les élèves ne sont pas en sécurité», complète le rapport.
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