Au début de l’année 2020, l’économie française végétait du fait du ralentissement des échanges mondiaux occasionné notamment par la guerre commerciale sino-américaine et la succession de crises sociales (gilets jaunes et réforme des retraites). Une récession de faible ampleur était attendue. Avec la crise sanitaire, celle-ci a évidemment pris une dimension sans commune mesure.
Comme ses partenaires économiques, la France a connu en 2020 une diminution de son PIB sans comparaison depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En base annuelle, depuis 1950 jusqu’à cette année, le PIB n’avait baissé qu’à trois reprises : -1 % en 1975, -0,6 % en 1993 et – 2,9 % en 2009. En 2020, la contraction devrait atteindre 11 points. Trois années de croissance ont été ainsi effacées.
En 2020, comme lors des précédentes crises, mais avec des moyens démultipliés, les pouvoirs publics ont déployé des dispositifs de soutien aux personnes et aux entreprises.
Soutien public massif
Pour le premier choc pétrolier, les pouvoirs publics sont intervenus à contretemps, en 1975 avec un déficit public de 2,9 % du PIB. En 1993 et 2009, les gouvernements respectifs ont réagi rapidement avec, à la clef, un déficit public qui a atteint respectivement 6,4 % et 7,2 % du PIB. Pour la crise sanitaire, dès les premiers jours du confinement du mois de mars, le gouvernement a mis en place le chômage partiel et les différents dispositifs de soutien aux entreprises. En 2021, au vu de l’évolution sanitaire de ces dernières semaines, les politiques de soutien seront certainement maintenues durant le premier trimestre, voire le deuxième. Le déficit public devrait se situer autour de 8 % du PIB.
Une part non négligeable du déficit, de 33 à 50 %, est monétisé par la Banque centrale européenne (BCE), le rendant financièrement supportable d’autant plus que les taux restent négatifs. La dette publique représente désormais 120 % du PIB contre 98 % en 2019 dont 33 % sont pris en charge par la BCE. Du fait de la forte intervention des pouvoirs publics, la baisse du PIB est jusqu’à maintenant relativement indolore tant pour les ménages que pour les entreprises. Les revenus après le premier confinement avaient baissé de 5 % par rapport à leur niveau d’avant crise.
Avec les nouvelles prises à l’occasion du deuxième confinement, la contraction serait, en fin d’année, plus faible. Le taux de marge des entreprises a diminué de plusieurs points entre mars et septembre avant de rebondir au cours du troisième trimestre. Le nombre d’emplois a, au vu de la baisse du PIB, diminué assez faiblement (-4 %). Ce recul limité s’explique notamment par le recours important au chômage partiel. Le nombre de faillites est très faible, autour de 32 000 par mois, ce qui constitue le niveau le plus faible enregistré depuis 2002. Avant la crise sanitaire, il s’élevait à plus de 50 000 par mois.
La phase critique est à venir
Les prêts garantis par l’Etat, le chômage partiel, et le fonds de solidarité ont contribué au maintien en vie de nombreuses entreprises. La phase critique pour l’économie française, comme pour les autres, sera celle des mois qui suivront la fin de la crise sanitaire devant amener une normalisation des politiques publiques.
Afin d’atténuer le choc, tous les Etats ainsi que l’Union européenne ont élaboré des plans de relance. Le passage d’une phase à une autre se traduira par le ralentissement de la monétisation des déficits publics même si, en la matière, la BCE a déjà indiqué que ce processus n’est pas d’actualité à court terme.
Le retour de la contrainte budgétaire sera un cap difficile à franchir d’autant plus que dans certains pays dont la France et l’Allemagne des échéances électorales importantes se rapprochent. Si les entreprises ont jusqu’à maintenant bien résisté, un certain nombre d’entre elles connaissent une forte dégradation de leurs bilans avec un recul de leurs marges, une diminution de leurs fonds propres, une baisse ou une disparition de leurs profits ainsi qu’ une hausse de l’endettement, même si une partie des nouveaux crédits est stockée sous forme de réserves de liquidités.
Anesthésie économique
Les profits des entreprises devraient diminuer de deux points de PIB en 2020 quand leur endettement est passé de 1000 à 1200 milliards d’euros.
L’anesthésie économique dans laquelle évolue depuis dix mois la France devrait cesser au cours du premier semestre. Les faillites retardées artificiellement devraient alors intervenir ; à celles qui auraient dû avoir lieu avec ou sans la crise sanitaire s’ajouteront celles qui y seront directement liées.
Plusieurs secteurs seront plus exposés que les autres. L’hébergement, la restauration, les transports, le commerce de détail, l’aéronautique et l’automobile seront en première ligne. Pour conjurer le risque de faillite, Les entreprises mettront en œuvre des politiques de redressement de leurs marges bénéficiaires. Ces politiques pourraient amener à de fortes réductions d’emploi et à des délocalisations. Elles pourraient également conduire à une baisse importante de l’investissement.
En 2021, celui-ci pourrait être inférieur de 10 % à son niveau d’avant crise. L’hébergement/restauration concerne en France 1,35 million d’actifs, les transports 1 million, la construction de matériels de transports, 300 000 et la distribution 3,5 millions. Ces secteurs clefs pour la France devront tout la fois faire face aux conséquences de la crise sanitaire et à la digitalisation ainsi que, pour certains d’entre eux, à la transition énergétique.
Instabilités
Le contexte économique peut conduire à une réelle et durable marginalisation de la France dont les points forts sont aujourd’hui fragilisés. Cette situation n’est pas sans risque sur la vie démocratique du pays.
La faible croissance des revenus, le chômage élevé et l’absence de perspectives ont provoqué une contestation de plus en plus de violente d’une partie de la population et une montée des votes en faveur des partis dits non-gouvernementaux. Dans tous les pays, les périodes générant le plus d’instabilité économique et sociale sont celles qui suivent une crise. Les années 2021/2023 seront dangereux pour les Etats occidentaux qui, depuis dix ans, sont confrontés à une succession de crises.
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