Xavier Dupont de Ligonnès, retour sur un emballement médiatique

« A la suite des tests réalisés,il a été déterminé que l’homme arrêté n’était pas Xavier Dupont de Ligonnès » – Police écossaise

Des tests ont démontré que l’homme interpellé vendredi à l’aéroport de Glasgow n’est pas Xavier Dupont de Ligonnès, suspecté d’avoir assassiné sa famille et recherché depuis avril 2011, a annoncé samedi la police écossaise, laissant entier le mystère entourant cette affaire hors norme. « A la suite des tests réalisés (pour confirmer son identité), il a été déterminé que l’homme arrêté (vendredi) n’était pas l’homme » recherché par les autorités françaises et il a donc été remis en liberté, peut-on lire dans un communiqué de la police écossaise.

Ce dernier rebondissement vient s’ajouter aux nombreuses fausses pistes auxquelles se sont heurtés les enquêteurs tout au long de huit années d’investigations pour tenter de déterminer le sort de ce père de famille soupçonné d’avoir tué sa femme et leurs quatre enfants à Nantes (Loire-Atlantique). Visé par un mandat d’arrêt international, l’homme d’aujourd’hui 58 ans est introuvable depuis le 15 avril 2011.

Une issue à cette affaire, objet de plusieurs livres et documentaires, semblait pourtant s’esquisser après l’arrestation vendredi d’un homme à la descente d’un avion sur le tarmac de l’aéroport de Glasgow, en Ecosse.

Sur la base d’empreintes digitales, il a pendant plusieurs heures été soupçonné d’être le principal suspect de la tuerie de Nantes, dont le visage s’affichait en une de plusieurs quotidiens français ce samedi, tandis que ce coup de théâtre présumé bousculait la programmation des chaînes d’information.

Le doute n’a cessé de grandir dans la matinée, alimenté par les témoignages des voisins de l’homme interpellé, un retraité habitant à Limay dans les Yvelines. Les empreintes digitales relevées sur cette personne ne correspondent que très partiellement à celles de Xavier Dupont de Ligonnès, seulement cinq points sur 13 étant identiques, a dans un premier temps rapporté BFM TV. L’âge de la personne et son physique ont encore renforcé les interrogations. Des tests ADN l’ont finalement mise hors de cause, avait précisé une source policière française.

« Je reste prudent. Des enquêteurs partent en Ecosse ce matin avec des éléments d’identification » – Pierre Sennès – Procureur de Nantes

RECHERCHÉ DEPUIS PLUS DE HUIT ANS

Dans un entretien accordé à Ouest-France, le procureur de Nantes avait réitéré ce samedi son appel à la prudence. « Je reste prudent. Des enquêteurs partent en Ecosse ce matin avec des éléments d’identification », avait déclaré Pierre Sennès au quotidien régional. « Il convient d’attendre le résultat de cette investigation demandée par le juge d’instruction pour avoir des certitudes ».

Xavier Dupont de Ligonnès a été repéré pour la dernière fois en 2011 aux abords d’un hôtel de Roquebrune-sur-Argens (Var). En proie à des problèmes d’argent, Il avait acheté un silencieux et des munitions qui semblent avoir servi au crime. Il s’était inscrit à un club de tir peu avant le quintuple meurtre. Il mentait sur ses activités professionnelles, se disait ruiné et envisageait de supprimer sa famille plus d’un an avant les faits, dans un courriel adressé en janvier 2010 à sa maîtresse, retrouvé par la police. Au long de ses huit années et demie d’incertitudes, l’enquête a oscillé entre les pistes d’un suicide ou d’une fuite, tentant d’exploiter des centaines de signalements.

Autopsie d’une affaire médiatique

Tout commence, peu après 20h30 donc, ce vendredi, Le Parisien annonce que, selon « ses informations », Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté à Glasgow. La nouvelle est exceptionnelle, l’affaire étant l’une des plus grandes énigmes criminelles de ces dernières décennies en France. Ce coup de théâtre enflamme donc les rédactions, qui s’activent pour confirmer son arrestation. A 21h01, l’AFP, qui est liée par contrat à la plupart des médias d’information dont L’Express, confirme l’info en citant une « source proche de l’enquête ». D’où sa reprise à la Une de nombreux sites, radios, télés, et quotidiens papiers alors en plein bouclage pour leur publication du lendemain matin.

Au total, l’Agence dispose de quatre sources policières françaises différentes, comme elle le révèle ce samedi. D’après ces contacts, « selon la police écossaise » les empreintes digitales de l’homme interpellé à Glasgow « correspondent » à celles du suspect numéro 1 du quintuple assassinat de Nantes. Il n’y a donc pas de conditionnel dans ce que rapportent les Ecossais à leurs collègues français. Les enquêteurs, prudents, attendent cependant « les comparaisons ADN pour être complètement certains », selon ces sources.

Peu après 23h, la police écossaise, sollicitée par le bureau de l’AFP à Londres, indique dans un communiqué transmis à l’Agence : « Un homme a été arrêté à l’aéroport de Glasgow et demeure en garde à vue à la suite d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités françaises ». « L’enquête se poursuit pour confirmer son identité ». C’est la seule communication officielle de la police écossaise à ce stade. Par ailleurs, une autre source souligne auprès de l’AFP que l’homme voyageait avec un passeport volé en 2014. Sur celui-ci figure le nom de Joao Guillaume, résident à Limay (Yvelines), dont le pavillon est perquisitionné. De nombreux journalistes se rendent alors sur les lieux, bien qu’à cet instant, une première réserve est officiellement émise: le procureur de Nantes Pierre Sennès appelle, auprès de l’AFP, à la « prudence ».

Aucune explication sur l’origine de l’erreur

Les enquêteurs « vont donc faire des vérifications en Ecosse auprès de la personne » arrêtée « pour s’assurer que c’est bien Xavier Dupont de Ligonnès », indique le procureur. « Donc il convient, en l’attente de ces vérifications, d’être prudent (…) Il y a une suspicion sur les empreintes, mais c’est en cours de vérification, en cours de confirmation ». Tôt samedi matin, les voisins et amis de Joao Guillaume, expriment de forts doutes sur un lien possible avec le fugitif. Trop connu à Limay, trop impliqué chez Renault où il travaillait, trop rond de visage, trop vieux et surtout trop différent puisqu’il lui manque un doigt, pour être l’homme recherché.

Parallèlement, les sources policières de la veille expriment aussi leur doute sur la correspondance des empreintes et sur l’identité de l’homme interpellé. L’AFP fait état de ce doute peu avant 11h, ce samedi. Enfin, à 12h55, elle annonce que l’individu arrêté à Glasgow n’est pas Xavier Dupont de Ligonnès après un test ADN, en citant une source proche de l’enquête. A ce stade, les sources françaises ou écossaises citées n’ont fourni aucune explication sur l’origine de l’erreur.

De son côté, Le Parisien a présenté samedi ses excuses à « la famille des victimes » et à la personne interpellée à tort en Ecosse. Par la voix de Stéphane Albouy, directeur des rédactions, le quotidien exprime aussi pour l’ensemble de ses lecteurs, ses « plus sincères regrets d’avoir rendu publique une information qui s’est révélée être erronée ». Pour sortir ce qui s’apparentait à un immense scoop, sa rédaction s’était appuyée sur cinq sources judiciaires françaises, « à différentes strates de hiérarchie, autant centrales que régionales. C’était à un très haut niveau de vérification ». A l’évidence, pas suffisant.

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  • L'AFP est, avec l'Associated Press et Reuters, une des trois agences de presse qui se partagent un quasi-monopole de l'information dans le monde. Elles ont en commun, à la différence de son prédécesseur Havas, de ne pas avoir d'actionnaire mais un conseil d'administration composé majoritairement d'éditeurs de presse.

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