Alors que certains internautes à travers le monde se plaisent à tourner en dérision l’identité française sur TikTok avec le slogan moqueur « I don’t wanna be French » (je ne veux pas être français), les Français ont contre-attaqué avec panache. Sous le hashtag détourné « Wanna be French », une vague de vidéos fièrement tricolores inonde les réseaux sociaux : Jeux olympiques de Paris 2024, patrimoine culturel, carte Vitale, baguette de pain ou encore Tour de France. Le passeport tricolore (re)devient un atout de choix. Même des célébrités comme Victor Wembanyama, ou des élus, comme le maire de Marseille Benoit Payan, y apparaissent pour mettre en avant la richesse de l’Hexagone.
Qu’est-ce qu’être Français ?
Ce sursaut de fierté nationale, porté autant par des anonymes que par des personnalités publiques et des institutions — à l’instar de l’Armée de terre —, remet au goût du jour une question essentielle : qu’est-ce qu’être Français ? Et surtout, comment le devient-on ? Une interrogation d’autant plus pertinente pour les Français établis à l’étranger, ou pour ceux qui, ayant quitté la nationalité française à la faveur d’un mariage ou d’une double nationalité, souhaitent aujourd’hui renouer avec leurs racines.
La nationalité française : une histoire de transmission et d’adhésion
On ne naît pas toujours Français, mais on peut le devenir. Et cela depuis longtemps. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas la Révolution française mais, cent ans plus tard, la loi de 1889 qui marque un tournant décisif : au nom de l’universalisme républicain, la IIIe République consacre le droit du sol, autrement dit la possibilité de devenir Français en raison de sa naissance en France, même de parents étrangers.
Ce droit, qui fait aujourd’hui débat dans certains cercles politiques, continue d’exister : un enfant né en France de parents étrangers peut devenir Français à sa majorité, s’il a vécu sur le sol français pendant au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. Cette transmission automatique symbolise une volonté forte d’inclusion dans la République.
Devenir Français : les grandes voies d’accès
Pour les étrangers vivant en France, ou pour les conjoints de Français, les voies d’accès à la nationalité sont multiples. Elles relèvent de deux grands types de procédures : la naturalisation par décret, et l’acquisition par déclaration.
La naturalisation par décret
C’est la procédure la plus classique. Elle concerne les étrangers majeurs résidant en France de manière régulière et continue depuis au moins cinq ans (réduits à deux en cas d’études supérieures en France). Elle suppose de remplir un certain nombre de conditions : intégration républicaine, maîtrise de la langue française, connaissance des droits et devoirs du citoyen, et surtout un projet de vie en France. Cette voie a connu un ralentissement notable en 2023, avec une baisse de 33,8 % des acquisitions par décret, selon les chiffres officiels. Ce recul s’explique notamment par des difficultés techniques liées à la généralisation de la procédure de dématérialisation sur l’ensemble du territoire. En 2024, les autorités attendraient un effet de rattrapage.
L’acquisition par déclaration
Cette procédure est plus rapide, car elle repose sur un lien personnel ou familial avec un citoyen français. Elle concerne principalement :
- les conjoints de Français (après quatre ans de mariage et de vie commune, réduits à trois si le couple a résidé en France),
- les ascendants de Français,
- les frères et sœurs nés en France de parents étrangers,
- les enfants recueillis par l’Aide sociale à l’enfance.
Les acquisitions par mariage ont progressé de 18,2 % en 2023, sans toutefois retrouver les niveaux d’avant la crise sanitaire de la COVID-19. Quant aux déclarations au titre de la fratrie ou de l’ascendance, elles augmentent également, bien qu’elles restent numériquement modestes. Cette procédure est souvent celle utilisée quand une personne est mariée avec un Français, et que leur résidence se trouve hors de France.
Le cas spécifique du recouvrement de la nationalité française
Parmi les publics peu visibles mais nombreux, il en est un qui mérite une attention particulière : les Français de l’étranger ayant perdu leur nationalité, souvent dans le cadre d’un mariage à l’international. Lorsqu’un citoyen français épouse un étranger, il peut, dans certains cas, acquérir la nationalité de son conjoint et perdre la nationalité française, soit par obligation (certains pays n’acceptant pas la double nationalité), soit volontairement, pour des raisons administratives, professionnelles ou familiales.
Mais que se passe-t-il en cas de divorce ou de séparation définitive ?
De nombreuses personnes expriment alors le désir de retrouver la nationalité française, surtout lorsqu’elles conservent un lien fort avec la culture ou la famille en France. La loi française prévoit cette possibilité à travers la procédure dite de « réintégration » dans la nationalité française. Celle-ci est encadrée, mais elle permet à d’anciens Français de redevenir citoyens, à condition qu’ils manifestent une réelle volonté d’appartenance à la nation et qu’ils soient de bonne moralité. Cette voie est particulièrement importante pour les Français installés à l’étranger, notamment en Asie ou en Afrique, et qui souhaitent rétablir un lien juridique et symbolique avec la France.
Les autres cas : par le sang versé et par décision judiciaire
La nationalité française peut également être acquise dans des circonstances exceptionnelles. La loi du 29 décembre 1999, dite loi du « sang versé« , offre aux légionnaires étrangers blessés au combat pour la France la possibilité de devenir français de plein droit. En cas de décès, leurs enfants mineurs résidant avec eux peuvent également acquérir cette nationalité. Ce geste fort incarne une reconnaissance de l’engagement militaire, au-delà des origines.
Par ailleurs, certaines décisions de justice peuvent également aboutir à l’acquisition de la nationalité française, par exemple dans des cas d’apatridie, d’adoption plénière ou de regroupement familial exceptionnel.
La France, pays de fierté et de liberté
Dans le contexte numérique où l’image des nations se construit aussi sur les réseaux sociaux, le phénomène « Wanna be French » n’est pas qu’un réflexe de fierté nationale. Il révèle surtout l’attachement profond à un modèle français : universalisme, laïcité, protection sociale, diversité culturelle. Comme l’exprimait un internaute, moqueur et admiratif à la fois : « In France we say : nous au moins, on a la carte Vitale».
Plus qu’un simple slogan, c’est une réponse aux critiques superficielles adressées à la France : ses grèves, ses manifestations, ses débats houleux… Mais aussi ses valeurs : liberté d’expression, pluralisme, solidarité. Autant d’éléments qui, bien souvent, suscitent admiration et envie à l’international.
La fuite des cerveaux américains : et si la France devenait terre d’asile scientifique ?
Ce climat de liberté pourrait bien séduire de nouveaux publics : les chercheurs américains, de plus en plus nombreux à envisager l’exil en raison des politiques de restriction aux États-Unis. Selon le magazine Point du 30 mars, faisant écho au magazine américain Nature, « 75 % des chercheurs basés aux États-Unis envisagent de quitter le pays ». Une opportunité que la France entend bien saisir. Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord, avait également fait de son côté une consultation, avec des résultats similaires.
Au niveau du gouvernement, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, l’a confirmé ce 10 avril, devant la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat : « Nous sommes aujourd’hui dans une situation que personne n’aurait imaginée ». Entre les coupes budgétaires drastiques dans les agences fédérales comme le National Institutes of health (NIH) ou la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), et les atteintes répétées à la liberté académique, de nombreux scientifiques cherchent un nouvel horizon. Et ce nouvel horizon pourrait bien être tricolore.
Plusieurs universités françaises, comme Aix-Marseille, PSL ou Jussieu, ont déjà mis en place des dispositifs d’accueil avec des financements pouvant atteindre un million d’euros sur trois ans, incluant salaires, équipements et soutien logistique. Ces programmes visent à attirer des postdoctorants, mais aussi des chercheurs confirmés, pour enrichir le paysage scientifique français.
De TikTok à l’administration : une fierté française à reconquérir
Que l’on soit né à l’étranger, marié à un Français, ou ancien citoyen ayant perdu sa nationalité, les voies pour rejoindre ou retrouver la nationalité française sont nombreuses, accessibles, et adaptées à des parcours de vie divers. Du mouvement « Wanna be French » aux démarches concrètes pour devenir Français, il pourrait donc y avoir un fil rouge : le désir d’appartenance à notre pays.
Si certains chercheurs américains choisissent effectivement de s’installer durablement en France, ils pourraient, à terme, solliciter la nationalité française. Un tel mouvement confirmerait que le phénomène « Wanna be French » ne se limite pas à une tendance sur les réseaux sociaux, mais correspond aussi à une réalité concrète d’adhésion à un mode de vie et à un système de valeurs. Pour les Français établis à l’étranger, cette dynamique rappelle que la nationalité française reste accessible, et que la possibilité d’y revenir existe pleinement. Et comme Lesfrancais.press le titrait dernièrement pour un de ses articles : « le passeport français vaut de l’or », il est ainsi toujours bien classé dans les index sur le nombre de destinations auxquelles leurs détenteurs peuvent accéder sans visa préalable. Alors, « Wanna be French »…
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Auteur/Autrice
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Gilles Roux est un juriste, entrepreneur et auteur français qui vit dans la région de Mannheim en Allemagne depuis plus de 35 ans.
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