Comment continuer à offrir une éducation française accessible à la fois à Londres, mais aussi partout dans le monde ? Quel avenir pour l’enseignement français à l’étranger ? Comment faire face aux frais de scolarité qui explosent alors que le système des bourses scolaires stagne ? C’est, entre autres, sur ces questions qu’ont planché les participants à une réunion organisée ce dimanche 22 juin dans la capitale britannique. Cette réflexion commune s’inscrit notamment dans le cadre des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger lancées en mars dernier. Lesfrancais.press était présent.
Bourses scolaires et hausse des frais de scolarité : le casse-tête
C’est donc au Lycée Français Charles de Gaulle de Londres, qu’en cette fin de dimanche après-midi, familles, enseignants et élus se sont réunis pour débattre ensemble du futur de l’enseignement en français à l’étranger. Cet échange public était organisé par l’association Français du Monde – ADFE dans le cadre des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger.
Au cours de cette réunion ont notamment été abordés les thèmes des bourses scolaires, de la hausse des frais de scolarité, du statut des enseignants détachés, du soutien aux écoles FLAM (Français Langue Maternelle), de la poursuite des études en France, Parcoursup, ou bien encore de l’inclusion des enfants en situation de handicap : autant de préoccupations concrètes qui agitent la communauté française de Londres, et donc les solutions, parfois, relèvent du casse-tête.
Un souhait commun : un enseignement plus accessible et équitable
En présence du sénateur des Français établis hors de France, Yan Chantrel, membre du Parti Socialiste, et des conseillers des Français du Royaume-Uni, Rémi Vazeille et Samy Ahmar, ainqi que de Catherine Smadja, présidente de Français du Monde à Londres, ce rendez-vous visait à donner la parole aux premiers concernés : les familles expatriées.
C’est Christophe Adol, professeur de sciences économiques et sociales au Lycée Français à Londres, et membre de Français du Monde, qui a animé les échanges avec rigueur et impartialité : « Chacun est invité à s’exprimer dans le respect, la neutralité et la concision. L’objectif est de faire émerger des préoccupations et propositions pour un enseignement plus accessible et équitable. » Les interventions, nombreuses et engagées, traduisaient une inquiétude largement partagée : la pérennité de l’éducation française à Londres, dans un contexte de pression budgétaire, de post-Brexit et de hausse des coûts.
Coût de scolarité : quand le Brexit alourdit la facture
Au cœur des échanges : la hausse continue des frais de scolarité au Lycée Charles de Gaulle, aggravée par l’application de la TVA depuis le Brexit. Une évolution qui s’inscrit dans un mouvement plus large : dans l’enseignement supérieur britannique, les étudiants européens paient désormais entre 14 000 et 46 000 euros par an, depuis qu’ils sont considérés comme internationaux. À l’image de ce qui se passe dans les universités, le réseau français à Londres devient inaccessible pour nombre de familles à revenus moyens, autrefois bénéficiaires de ce système d’excellence.
À Londres, scolariser ses enfants dans le système français devient un luxe, déplore des familles. Entre la perte de statut des enseignants et la baisse des aides, c’est la double peine pour les familles.
En effet, le Brexit a complexifié le recrutement d’enseignants titulaires de l’Éducation nationale. Entre démarches de visa, coûts de relocalisation et incertitudes administratives, peu de soutien du ministère, les vocations s’essoufflent. Résultat : les établissements recrutent localement, souvent en contrats précaires, sans garantie d’une formation équivalente.
Moins de bourses, plus d’inégalités
Dans ce contexte, les bourses scolaires, censées amortir les hausses, ne suivent pas le rythme de la demande. Le nombre d’élèves augmente, mais les budgets restent figés. Ce phénomène ne touche pas seulement le primaire et le secondaire outre-Manche. En 2023, seuls 1 857 étudiants français ont bénéficié d’une aide Erasmus pour le Royaume-Uni, contre plus de 10 000 en 2019. Cette raréfaction des aides accentue les fractures sociales, en particulier dans une ville comme Londres où le coût de la vie reste très élevé.
« L’objectif présidentiel est de doubler les effectifs d’élèves dans le réseau AEFE d’ici 2030. Mais on ne double pas les budgets »
Yan Chantrel, sénateur des Français établis hors de France
Aussi, le sénateur Yan Chantrel a dénoncé une incohérence criante :
« Depuis 2018, l’objectif présidentiel est de doubler les effectifs d’élèves dans le réseau AEFE d’ici 2030. Mais on ne double pas les budgets. On impose même des restrictions. Résultat : les écoles les plus chères sont favorisées, et la mixité sociale recule. »
Ecoutez l’interview de Yan Chantrel
Le constat est sévère : le pourcentage de bénéficiaires diminue, laissant de côté de nombreuses familles françaises en difficulté au Royaume-Uni.
Les écoles FLAM, un pilier en péril
Autre sujet central : le rôle essentiel des écoles FLAM (Français Langue Maternelle), véritables relais de la langue et de la culture pour les enfants binationaux ou hors réseau AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger). Portées à bout de bras par des bénévoles et manquant de financements pérennes, ces écoles sont pourtant cruciales pour le maintien du lien avec la francophonie.
« L’école FLAM de mon quartier accueille 50 enfants chaque samedi. On fonctionne avec des bouts de ficelle », confie une responsable associative.
« Sans aide structurelle, on ne tiendra pas. »
Inclusion : les enfants en situation de handicap, toujours oubliés
Enfin, la question de l’inclusion scolaire reste taboue dans de nombreux établissements français à l’étranger. Si en France, les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) sont devenus un rouage essentiel, leur présence reste rare hors Hexagone, faute de cadre juridique et de financement.
« Mon fils est autiste. Il a été refusé à plusieurs écoles françaises à Londres, faute de solution d’accompagnement », a confié un père, la voix serrée.
Des propositions envoyées aux Assises de la protection sociale
Pour Samy Ahmar, conseiller des Français du Royaume-Uni, la hausse des frais de scolarité a un impact directe « Le réseau de l’AEFE se vide de ses classes moyennes depuis des années, or cela va s’accélérer sans action publique, ni vision ». C’est aussi l’objet de cette rencontre à Londres : remonter des cas concrets pour élaborer de nouveaux projets.
Ecoutez l’interview de Samy AHMAR
Pour son collègue, élu consulaire également, Rémi Vazeille, ce type de rencontre citoyenne est ainsi essentiel : « On a souvent du mal à aller à la rencontre des Français de l’étranger. Ce débat, c’est une belle réussite. L’éducation reste la priorité numéro un. Il faut renouveler ce type d’échange régulièrement. ».
Les propositions formulées ce jour seront transmises au niveau national dans le cadre des Assises, avec l’espoir d’influer sur les décisions gouvernementales.
Un réseau d’écoles françaises à l’étranger à préserver, un avenir à écrire
Ce rendez-vous londonien a mis en lumière une réalité partagée : l’enseignement français à l’étranger est un bien commun, aujourd’hui fragilisé par les coupes budgétaires, le Brexit et la montée des inégalités. En seulement trois ans, le nombre d’étudiants français inscrits dans les universités britanniques a chuté de 26 %. Le signal est clair : la destination Royaume-Uni, autrefois phare, devient un parcours du combattant pour les familles françaises.
Mais face à ces vents contraires, une communauté reste debout. « Une école, c’est plus qu’un bâtiment. C’est une promesse, un trait d’union entre les générations et les cultures », a rappelé une intervenante en fin de débat.
« Il ne tient qu’à nous de la faire vivre. »
Auteur/Autrice
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Alexander Seale est franco-britannique. Né et habitant au Royaume-Uni, il est correspondant pour lesfrancais.press, LCI (France) et LN24 (Belgique) à Londres.
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