Vivez-vous dans un pays sûr ?

Vivez-vous dans un pays sûr ?

Où sortir la nuit sans peur ? En Islande, au Nicaragua, à Paris ? Où sévit le crime? Vivez-vous dans un pays sûr ? Les pays policés sont-ils les pays policiers ? Les assassins ont-ils peur des gendarmes et des juges ? Les statistiques officielles ne sont pas toujours fiables. La législation change. Est criminel ici qui ne le serait pas ailleurs. Les citoyens ne signalent pas toujours les crimes. Seule la mort est un fait incontestable. Pour comparer les pays, le taux d’homicide est le meilleur outil. Le nombre d’assassinés par habitant dit bien le degré de violence d’une société.

Soit, beaucoup de tentatives d’homicides échouent. La médecine fait des miracles; elle peut expliquer la baisse du taux d’homicide, pas les différences entre les États-Unis et le Canada, le Brésil et l’Uruguay, l’Inde et la Thaïlande. Il y aurait deux tentatives pour un homicide réussi, rapport assez stable dans le temps. Le taux d’homicide reste l’indicateur le moins contestable pour comparer les niveaux de violence entre pays.

La mer de la tranquillité baigne l’Asie, les monts de la douceur dominent l’Europe.

Selon ce critère, les pays les plus sûrs du monde sont le Japon, 0.2 homicides pour 100 000 habitants, Singapour et la Chine : 0,5.  La mer de la tranquillité baigne l’Asie.

Et les monts de la douceur de vivre dominent l’Europe: Islande, Norvège, Autriche, Allemagne, Espagne, Suisse, Danemark, Irlande, Portugal, Slovénie ne dépassent pas le taux de la France : 1.3 assassinats pour cent mille voisins. On crie à l’assassin dans les journaux télévisés plus souvent qu’on en voit. Le crime n’attire pas que le criminel.   

Il est des pays où le meurtre est un pain quotidien. Les taux d’homicide explosent en Amérique latine : De 52 en Jamaïque, à 19 au Brésil, en passant par le Venezuela (40), le Mexique ou la Colombie (25). Avec un taux colombien, la France aurait 20 fois plus de morts chaque année. L’Afrique est à l’unisson : 46 homicides par habitant en Afrique du Sud. Au Nigeria, le bureau des statistiques annonçait 600.000 assassinés en 2023, bien plus que les 15.000 habituels.  Mais selon l’ONUDC, le nombre total d’homicides dans le monde serait de 460 000. Le Nigeria comme bien d’autres, ne sait compter ni les morts ni les vivants : ils seraient 220 millions.

Des pays où le meurtre est un pain quotidien.

Au-delà du Nigeria,  du Mexique , de la Colombie, de la Birmanie, il y a des pays où la criminalité est forte sans prendre les allures d’une guerre civile. États-Unis et Russie hébergent bien des assassins. Le taux d’homicide approche 7 homicides pour 100.000. La touristique Thaïlande n’est pas tranquille : 9,5. L’Inde se calme : 2.9. Moins que le Maroc, 1.9 ; ou l’Algérie, 1.5. 

Des taux supérieurs à ceux de la France, où le taux d’homicide a été divisé par deux entre 1994 et 2012 : de 2,4 à 1,2.  Il est remonté à 1,3 aujourd’hui. Même si la France est moins tranquille que ses voisins, on tue deux fois moins en France qu’il y a trente ans.

Infographie - le taux français est de 1,2% ©LFP
Infographie - le taux français est de 1,2% ©LFP

Qui sont les victimes ? 81% des hommes, tués par d’autres hommes. En majorité jeunes, et pauvres. Les femmes sont souvent assassinées par leur conjoint, Les hommes plutôt par des inconnus. Qui sont les tueurs ? Encore des hommes, à 90 %, plutôt jeunes. L’homicide est genré.  

Qu’est ce qui explique la violence ? La richesse, les inégalités, la sévérité, le nombre de policiers, la nature du régime ? Une certitude: la religion n’explique rien. Les athées ne tuent pas plus que les croyants. L’Amérique religieuse est violente du nord au sud, l’Europe et la Chine mécréantes sont paisibles. L’Inde cultive mille dieux, le Maghreb un seul, ils ont des taux d’homicides comparables.

Les pays les plus sûrs sont les démocraties.

Les régimes policiers ne sont pas les plus sûrs. Qui irait se plaindre d’un policier dans un régime autoritaire? Tout dépend de la confiance en la justice. Et de la corruption. Si la Chine connaît un taux bas (est-il fiable?) avec une politique pénale sévère. Elle est un des rares pays autocratiques à se classer parmi les plus sûrs du monde. En Russie, policiers, juges et prisons pullulent ; le crime et le meurtre aussi.

Les pays les plus sûrs sont les démocraties. Certaines sont violentes comme le Brésil ou les États-Unis, mais la plupart musellent la criminalité bien mieux que les régimes autoritaires. La faiblesse des démocraties contre le crime est un mythe, un reste de propagande mussolinienne. Dans les autocraties, les juges sont aux ordres. Ces régimes s’associent au crime organisé, comme en Amérique latine, quand elles ne l’organisent pas elles-mêmes, comme au Moyen Orient.

La politique pénale est-elle l’explication première ? Au Salvador, le taux d’homicide a chuté de 51 à moins de 2. Bukele, « le dictateur le plus cool de la terre », a conduit 80.000 personnes en prison sur 6.3 millions d’habitants. Un record mondial de 1200 personnes incarcérées pour 100.000 habitants. Ceux qui restent en liberté l’ont triomphalement réélu. Un cas à part.

Il n'y a pas de corrélation entre taux d'incarcération et taux de criminalité.

Il n’y a pas de corrélation entre taux d’incarcération et taux de criminalité. Les États-Unis ont le taux d’emprisonnement par habitant le plus élevé au monde : 666. (Avec l’Iran et la Chine). La Russie (420) ou le Brésil (320) ont des taux d’incarcération très élevés, et des taux d’homicides également. Comme le Japon: (45), les pays d’Europe du Nord ont des taux d’homicides faibles et des taux d’emprisonnement également faibles. Ils mènent une politique d’accompagnement postpénal exemplaire. Aussi le taux de récidive, une des clés de la baisse de la criminalité, est-il très bas. Cela implique un suivi contraignant, moins coûteux que la répétition du crime. Suivre les délinquants pas à pas après la prison paie, car la prison ne règle rien. Elle est même souvent l’école du crime.

Infographie Taux d’incarcération pour 100 000 habitants dans l’OCDE ©Alternatives économiques
Infographie Taux d’incarcération pour 100 000 habitants dans l’OCDE ©Alternatives économiques

La prévention du crime par la présence policière explique-t-elle le degré de violence ? 455 policiers pour 100.000 habitants en Italie, 295 en Allemagne, des résultats semblables. La France, avec 329, se situe au-dessus de la moyenne européenne. Les chiffres les plus bas : 139 en Finlande, 200 en Suède, sont ceux des pays les plus « sûrs ». La Russie avec près de 600 pour 100.000, atteint un des taux les plus élevés du monde. Le Maroc et l’Algérie 400, le Brésil 300, comme le Mexique ou l’Afrique du Sud. Les États-Unis 250, le Japon 200. Le nombre de policiers n’a donc aucun rapport avec le nombre de crimes. À l’encontre des idées reçues.

Serait-ce la punition du crime, l’efficacité de la justice, qui expliquerait le taux de violence ? En Inde, il n’y a qu’un juge pour 100.000 habitants, 30 en Russie. En Europe, 22 en moyenne. 11 en France. Un ratio comparable aux États-Unis, Chine, Maroc, Brésil. Là encore, aucun rapport entre le nombre de juges, les délais de jugement et le degré de violence d’une société.

Le nombre de policiers n’a aucun rapport avec le nombre de crimes. À l’encontre des idées reçues.

De même, curieusement l’implantation des mafias n’augmente pas le crime. Très présentes au Japon, en Chine, où les homicides sont rares. Très puissantes aussi aux États-Unis, Mexique, Brésil, Colombie, Russie où les homicides sont très élevés. Parfois les mafias font régner l’ordre. Parfois elles attisent la guerre civile. Le crime organisé peut choisir, selon son intérêt,  l’ordre des affaires ou le désordre des États.

Cette carte présente les endroits dans le monde où la mafia est présente. ©Actualix.com
Cette carte présente les endroits dans le monde où la mafia est présente. ©Actualix.com

Pauvreté, richesse, inégalités engendrent la violence ? Maroc, Algérie, Inde ont des taux bien plus faibles que les riches États-Unis. Les inégalités explosent en Chine, en Inde, la criminalité y est faible.

L’immigration non plus n’explique pas les différences. La Suisse, avec 29% d’immigrés, est paisible. Comme l’Allemagne. La Russie, terre d’émigration, ne l’est pas. Le Canada, qui accueille beaucoup d’immigrés (21% de la population) est plus sûr que les États-Unis, qui en accueillent aussi, mais moins (15%)

Pourquoi un pays est-il plus ou moins sûr ? L’accès aux armes plutôt que le mobile du crime, explique le crime. Certains pays contrôlent le commerce des armes, d’autres non. Le taux d’homicide en est le reflet. La Suisse, qui autorise les armes, est une exception. Elle montre un autre facteur clé, qui n’est pas n’est pas législatif, mais culturel, mental.

La loi est dans la tête avant d’être dans la rue ou le tribunal. Le contrôle social pèse fortement en Suisse, comme en Chine ou en Inde, dans des cadres différents. Le contrôle social peut ne pas être exercé par l’État, il l’est de façon stricte par les familles et les communautés. Chacun est vu par son voisin. En Chine, par le parti. En Amérique, du nord au sud, le criminel n’est pas honteux. En Suisse, les crimes sont cachés dans les coffres. 

La violence ne s’explique ni par le régime politique, ni le système pénal, ni la présence policière, ni la richesse, les inégalités, la jeunesse ou l’immigration. Sa cause profonde semble être ailleurs. L’histoire de la violence suppose une histoire des mentalités. Les remèdes sont dans les modèles, et l’éducation. Pour apaiser les sociétés, réécrire le « code culturel » est plus sûr que de réécrire le code pénal.

Laurent Dominati

a.Ambassadeur de France

a.Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire dédiée aux Français de l’étranger, France Pay

Laurent Dominati
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