Entre les discussions de plus en plus nombreuses sur une possible révision de la directive européenne sur les retours, et la proposition de la Commission de tripler les effectifs du corps permanent de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) pour les porter à 30 000 personnes, de nouveaux amendements pourraient conduire à une révision plus large de la structure.
En 2004, l’agence Frontex voit le jour avec l’objectif de répondre aux défis croissants de la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne (UE), mais aussi de renforcer la sécurité des frontières, de faciliter la coopération entre les États membres et de garantir une gestion efficace des frontières extérieures de l’espace Schengen.
Depuis sa création, l’agence européenne a subi de nombreux changements opérationnels et juridiques et est aujourd’hui l’une des plus grandes agences de l’Union.
Vers un renforcement de Frontex : la Commission européenne propose de tripler les effectifs
Les orientations politiques de la nouvelle Commission européenne présentées en juillet par Ursula von der Leyen comprennent une proposition visant à tripler le nombre de gardes-frontières et de gardes-côtes européens pour le porter à 30 000. Une mesure qui nécessiterait une modification du règlement de l’agence et donc le passage par une procédure législative en bonne et due forme.
Selon le règlement Frontex de 2019, l’agence a pour objectif d’atteindre 10 000 agents permanents d’ici 2027, afin d’aider les États membres de l’UE à contrôler les frontières sur le terrain et à mener des opérations de retours, ainsi qu’à lutter contre la criminalité transfrontalière.
« S’ils rouvrent les discussions sur le cadre existant, cela pourrait aller au-delà des discussions sur le corps permanent », explique Anastasia Karatzas, analyste politique au European Policy Center.
« Il s’agit d’une arme à double tranchant […] Cela pourrait devenir beaucoup plus important », a-t-elle ajouté.
Dans ses réponses écrites aux questions de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, posées en amont de son audition devant l’hémicycle, le commissaire désigné aux Affaires intérieures et à la Migration, Magnus Brunner, a soutenu la proposition d’étendre le rôle de Frontex.
Magnus Brunner note en effet que cela nécessiterait des changements législatifs, « par le biais d’une modification du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ».
Il s’est également engagé à plaider en faveur d’une évaluation approfondie « des besoins, des impacts, des implications pour les différentes parties prenantes et des coûts d’un tel amendement ».
« La révision du règlement Frontex a toujours été en suspens », a confié à Euractiv un responsable de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA).
En 2019, l’agence a évolué avec l’adoption d’un nouveau règlement qui a considérablement élargi ses pouvoirs et ses capacités, renforçant le mandat de Frontex pour aider les États membres de l’UE à gérer plus efficacement leurs frontières. Son budget avait également été significativement augmenté.
Comme la base juridique de Frontex date de 2019, il y a encore « de la place pour du changement », a ajouté le fonctionnaire.
« Un amendement du règlement serait bien sûr nécessaire s’ils veulent plus de corps permanents », a déclaré Anastasia Karatzas. « Mais cela devrait également être soutenu par une aide financière substantielle. »
Frontex au cœur des discussions sur les retours et la sécurité des frontières
Depuis 2015, le budget de Frontex a considérablement augmenté, passant de 143 millions d’euros à 922 millions d’euros en 2024.
Le renforcement potentiel de Frontex sera abordé lors des discussions sur le cadre financier pluriannuel, qui devraient débuter l’année prochaine pour la période 2028-2034.
« C’est en partie controversé, bien sûr, parce que l’expansion de l’aide financière s’est produite avec une certaine inquiétude qu’elle n’ait pas été accompagnée par des mécanismes de contrôle suffisants », a déclaré l’analyste à Euractiv.
Frontex a fait face à de maintes reprises à des critiques, en particulier en ce qui concerne les droits humains.
Ces pressions ont culminé avec la démission en 2022 de son ancien directeur, Fabrice Leggeri, aujourd’hui eurodéputé, suite à des révélations de mauvaise conduite et à la complicité présumée de l’agence dans les violations des droits humains.
Le débat actuel sur le renforcement des pouvoirs de Frontex et la modification de sa base juridique est lié au souhait plus large d’une nouvelle approche commune sur les retours, soutenue par un nouveau cadre législatif.
« Si vous soumettez un nouvel instrument de retour, vous devez renforcer les pouvoirs de Frontex », a déclaré l’Agence des droits fondamentaux de l’UE.
Magnus Brunner a fait allusion au renforcement du mandat de Frontex afin de mieux soutenir les États membres en matière de retours — ce qui relève actuellement du champ d’action de Frontex.
La discussion sur l’amélioration de l’efficacité des retours a été au premier plan pour la Commission et les États membres au cours des derniers mois.
La réorganisation des retours figure en bonne place dans les conclusions du dernier Conseil européen du 17 octobre dernier, les États membres ayant demandé à la Commission européenne de présenter « d’urgence » une proposition juridique sur les retours.
La Commission européenne a cherché à modifier en 2018 la directive sur les retours, initialement adoptée en 2005 et révisée en 2008, mais des désaccords politiques au sein du Parlement européen ont bloqué les efforts.
L’audition de l’aspirant commissaire Magnus Brunner est prévue pour le 5 novembre.
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