Les critères de Maastricht, imposés à l’origine pour la monnaie unique, en vertu desquels le déficit public ne devait pas dépasser 3 % du PIB et la dette publique 60 % du PIB, ont toujours été, en France, contestés en France. Pourquoi pas 6 et 100 % du PIB ? Pour quelles raisons, serions-nous condamnés à être rigoureux ?
L’emprunt est la première source de financement des Etats
Aujourd’hui, les tenants de l’orthodoxie budgétaire semblent avoir été défaits en rase campagne. On assiste à la progression de la dette publique à des niveaux sans précédent en période de paix. Elle dépasse ainsi 115 % du PIB en France et pourrait continuer à augmenter jusqu’en 2030. L’emprunt est devenu la première source de financement des États occidentaux.
Avec les rachats de titres publics par la banque centrale et les taux négatifs, l’endettement serait devenu indolore et sans limite. La question même de son remboursement n’est plus un tabou. Un ministre de l’Économie, sans être déjugé, peut déclarer que la dette des entreprises pourrait être effacée. Des experts affirment sans hésitation que les États peuvent dépenser sans compter et monétiser sans fin leur dette, la banque centrale n’étant que leur prolongement.
Seuls les Etats riches peuvent s’endetter
La monétisation des dettes publiques est un luxe que seuls les États riches peuvent s’offrir grâce à la force de leur monnaie. Un pays en développement ou émergent n’a pas la même latitude. Le recours à la planche à billets entraînerait immédiatement une dépréciation de sa monnaie et une augmentation des taux d’intérêt. Avec la fonte des réserves des changes, il pourrait se trouver dans l’impossibilité d’importer. En 2012, c’est pour éviter un tel scénario que la Grèce est restée au sein de la zone euro.
Avec les accords de Bretton Woods en 1944, les alliés ont souhaité mettre un terme au protectionnisme et à la manipulation des monnaies. À cette fin, il était demandé aux États de veiller à limiter les déficits publics et les déficits de leur balance des paiements courants. Au prix de quelques tensions avec certains États indélicats, le Fonds Monétaire International a veillé au respect de ce cadre. Ce dernier s’est fissuré avec la crise financière pour exploser avec l’épidémie de la covid-19. Pour certains experts, la rigueur budgétaire est une scorie de la Seconde Guerre mondiale qui n’a plus lieu d’être soixante quinze ans après.
Chaque Etat souhaite s’affranchir des contraintes collectives
Ces règles d’un autre temps auraient été prises en réaction des errements des années 1930. Elles seraient aujourd’hui sans fondement. Le retour aux vieilles pratiques monétaires n’est pas sans lien avec le renouveau des idées nationalistes voire protectionnistes. Chaque État souhaite s’affranchir des contraintes collectives et du principe de rareté.
Ainsi, d’un côté, les pouvoirs publics n’en finissent pas de souligner la finitude et la fragilité du monde dans lequel nous évoluons ; de l’autre, ils prônent la dépense sans fin.
Abuser de la monnaie se paie cher
Au-delà de cette contradiction, une bataille monétaire entre les grandes zones économiques pourrait intervenir à moyen terme. La monnaie n’est pas un voile, elle est un élément clef de la souveraineté ; en abuser se paie cher à un moment ou un autre. Dans l’histoire, tous les pays qui ont recouru de manière massive à la création monétaire ont connu la banqueroute. Il en fut ainsi, en France, avec les assignats en 1797. Aujourd’hui, de plus en plus d’investisseurs entendent se prémunir de ce risque en optant pour les cryptomonnaies et notamment le bitcoin.
Un nouveau cadre
Les solutions de facilité ne le sont qu’à court terme. La manipulation monétaire qui est à l’œuvre depuis une dizaine d’années est une source de déstabilisation tant à l’intérieur des États qu’entre eux. Le Fond Monétaire International devrait, dès la fin de la crise sanitaire, s’engager dans une refondation du système monétaire et financier pour éviter son délitement complet avec la reformulation de règles de bonne gestion et de moyens pour assurer une croissance équilibrée.
L’élaboration d’un nouveau cadre suppose une convergence de vue entre les pays du G20, cadre qui ne devra pas pénaliser les pays émergents et en développement.
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