Une nouvelle révolution conservatrice ?

Une nouvelle révolution conservatrice ?

L’instabilité politique s’installe aux États-Unis. En 2020, Donald Trump n’avait pas enchaîné un deuxième mandat consécutif. En 2024, les démocrates n’y sont pas davantage parvenus. Entre 1992 et 2016, les trois présidents – Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama – avaient, en revanche, réussi à être réélus, bien que leurs partis respectifs aient subi des défaites au Congrès, en particulier lors des élections de mi-mandat. En 2020, la défaite de Donald Trump s’explique notamment par la pandémie de Covid-19, tandis que celle de Kamala Harris, en 2024, est en grande partie la conséquence de la vague inflationniste et de l’immigration. La question est désormais de savoir quelle politique sera mise en œuvre par le nouveau président.

En janvier prochain, Donald Trump devrait disposer de tous les pouvoirs : l’exécutif, le législatif et une Cour suprême favorable. Certes aux Etats-Unis, le système institutionnel permet un équilibre raffiné des pouvoirs évitant certains excès. Néanmoins, le nouveau Président aura ainsi la possibilité, durant les deux prochaines années, de refaçonner les États-Unis et d’influencer le monde. Lors de son premier mandat, il avait dû composer avec un Congrès souvent frondeur, ce qui ne devrait pas être le cas cette fois-ci. Appliquera-t-il à la lettre son programme ou fera-t-il preuve d’un réel pragmatisme au risque de donner un plus de véracité au fameux dicton « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » ?

Des points de convergence existent entre les deux partis

Au-delà des discours de campagne virulents, des points de convergence existent entre les deux partis, ce qui pourrait conduire à une relative continuité de la politique américaine dans plusieurs domaines. En matière de protectionnisme, par exemple, Joe Biden avait conservé les grandes lignes de politique de Donald Trump. Ce dernier prévoit certes d’amplifier encore les augmentations de droits de douane, en les généralisant à tous les pays. Si tel était le cas, les conséquences potentielles seraient multiples. Les pays touchés par ces augmentations prendraient, sans nul doute, des mesures de rétorsion, enclenchant un cycle de fermeture des frontières sans précédent depuis 1945. L’Organisation mondiale du commerce pourrait, soit exclure les États-Unis, soit perdre toute crédibilité en raison de son incapacité à faire respecter les accords commerciaux multilatéraux établis au cours des quatre-vingts dernières années. Quoi qu’il en soit, le commerce international serait affecté avec, à la clé, un net ralentissement.

Les pays les plus touchés seraient ceux de l’Union européenne, pour lesquels les États-Unis sont un client majeur, ainsi que les pays émergents ou en développement dont la croissance dépend de leurs exportations.

Des États-Unis plus protectionnistes et de moins en moins prévisibles

L’isolationnisme américain pourrait aussi entraîner des conséquences en matière de sécurité pour l’Europe. Les États du Vieux Continent pourraient être amenés à accroître leurs dépenses militaires, alors même qu’ils cherchent à réduire leurs déficits publics.

@adobestock
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Des États-Unis plus protectionnistes et de moins en moins prévisibles pourraient, à terme, affaiblir le dollar. Pour l’instant, la devise américaine demeure la monnaie de référence mondiale : la moitié des échanges mondiaux et 60 % des réserves en devises sont libellés en dollars, l’euro étant loin derrière. La Chine aspire à attirer davantage de pays dans sa sphère financière. Toutefois, l’absence de transparence de son marché financier et sa faible profondeur dissuadent pour l’instant les investisseurs internationaux d’utiliser le renminbi. Les autorités chinoises comptent néanmoins sur les éventuelles erreurs américaines et sur le yuan numérique de la banque centrale (e-yuan) pour renverser cette tendance.

Briser l’Union européenne, un rêve qu’il partage avec Vladimir Poutine ?

Bien que ses premières déclarations se veuillent rassurantes, Donald Trump n’avait pas ménagé l’Union européenne lors de sa campagne. Un de ses rêves, souvent exprimé à demi-mot, ne serait-il pas de briser l’Union européenne, un rêve qu’il partage avec Vladimir Poutine ? Cela pourrait toutefois avoir l’effet inverse, obligeant les Européens à relancer le processus d’intégration, en panne depuis l’échec du référendum sur le traité constitutionnel en France, il y a près de vingt ans.

Plus de quarante ans après la « révolution conservatrice » des années 1980, Donald Trump sera-t-il à l’origine d’une nouvelle révolution économique et géopolitique ? Après la décennie perdue des années 1970 et la guerre du Vietnam, Ronald Reagan avait su replacer les États-Unis à la tête des puissances occidentales avec une politique néolibérale. L’implosion de l’URSS, incapable de rivaliser technologiquement et économiquement, est l’une des victoires indirectes attribuées à l’ancien acteur devenu président. Avec son slogan « Make America Great Again », Donald Trump semble vouloir détourner les États-Unis du reste du monde, jugé source de problèmes et sans intérêt pour la population américaine. Le nouveau président ne pourra cependant ignorer que ses décisions sont susceptibles de modifier le cours de l’histoire.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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