Une crise sanitaire à 60 milliards d’euros par mois en France

La pandémie fait perdre 60 milliards d’euros de PIB en France par mois de confinement, selon les estimations de l’OFCE. Raison de plus d’accélérer la transition vers une société plus résiliente. Un article de notre partenaire, le Euractiv.

En prenant beaucoup de pincettes, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a publié, ce 30 mars, sa première estimation de l’impact économique d’un mois de confinement dans l’Hexagone. Soit une perte attendue de 2,6 points du PIB annuel ou 60 milliards d’euros en valeur absolue. Si son résultat est proche de l’évaluation réalisée par l’Insee — une chute de 3 points sur l’année —, « l’impact économique dépendra bien sûr de l’évolution des conséquences sanitaires dans les semaines à venir et des réponses politiques qui y seront apportées », a insisté Xavier Timbeau, directeur principal de l’Observatoire. Notons que les auteurs ont pris en compte les mesures annoncées de soutien économique, sans se risquer à une projection de plan de relance. Autre bémol : les conséquences économiques pourraient s’aggraver lors du deuxième mois de confinement, en raison d’un durcissement potentiel du dispositif et d’un épuisement du stock de produits essentiels. Dans tous les cas, la situation est inédite.

Baisse de la consommation des ménages

Selon l’Observatoire, 70 % de ces pertes sont imputables à la demande, principalement à cause de la baisse de 18 % de la consommation des ménages[1] et des investissements des entreprises empêchés par le confinement. 30 % relèvent en revanche de l’offre (arrêts de travail liés aux gardes d’enfant, difficultés d’accès au lieu de travail, droit de retrait, etc.).

Activités vitales

Confinement oblige, la restauration et l’hébergement sont les secteurs les plus touchés (arrêt quasi total), devant la fabrication et la réparation des matériels de transport, le commerce, la construction et les transports (division par deux de l’activité avec des effets directs sur la qualité de l’air). « Après la fin du confinement, des effets persistants sont aussi attendus dans le tourisme et le transport sur longue distance en raison de la fermeture des frontières », ajoute Xavier Timbeau. Parmi les moins touchés : l’agroalimentaire, l’agriculture, l’eau, l’énergie et les déchets, dont les activités restent vitales.

Chute du bilan carbone

Autre conséquence logique de la baisse de la consommation des ménages, le bilan carbone des Français a chuté de 62 % lors de la première semaine de confinement, par rapport à la moyenne hebdomadaire observée au début de l’année. Publié ce 30 mars par le site Greenly, ce résultat s’appuie sur l’étude des relevés bancaires de 500 citoyens. Il montre que cette chute repose surtout sur la baisse des émissions liées aux transports et de façon plus marginale sur la réduction dans le secteur de la restauration. À noter que la baisse du bilan carbone n’est pas généralisée à tous les secteurs. Les émissions liées aux achats en ligne ont déjà progressé de 2,5 % selon Greenly. « Cette crise sanitaire est l’occasion de réfléchir à l’après et aux façons de construire un monde plus écoresponsable qui ne nous prive pas de notre liberté », estime Alexis Normand, l’un des fondateurs.

Une relance verte ?

Le confinement étant prolongé jusqu’au 15 avril en France, l’heure du plan de relance n’a pas encore sonné au niveau du gouvernement. Inspirés, certains parlementaires, dont le député Matthieu Orphelin, avaient pourtant souhaité poser des jalons dès la loi d’urgence pour protéger « le climat, la biodiversité et la justice sociale ». Mais leur amendement déposé le 20 mars avait aussitôt été rejeté. « Les mesures de restructuration proposées par ces députés sont peut-être arrivées un peu tôt. La demande de résilience va sans doute être très forte dans les semaines à venir », estime Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine et expert à la convention citoyenne pour le climat.

Tirer (vraiment) les leçons de la crise ?

Le plan de relance de l’Union européenne donne aussi quelques indices. Dans les grandes lignes publiées le 26 mars à l’issue du sommet européen, les États membres affirment « devoir commencer à préparer les mesures nécessaires au retour à un fonctionnement normal des sociétés et des économies ainsi qu’à une croissance durable, intégrant notamment la transition verte et la transformation numérique, en tirant les leçons de la crise ». Une avancée notable alors que la Pologne et la République tchèque avaient annoncé quelques jours plus tôt leur volonté d’abandonner le Green Deal. « Ce pacte vert européen devrait être confirmé, voire rehaussé », estime Patrice Geoffron. Pour mémoire, le plan de relance suite à la crise de 2008 était « assez peu ambitieux (1 % de PIB additionnel) et surtout globalement indéterminé, avec une relance rond-point, un peu marron, un peu verte, et beaucoup d’occasions manquées », rappelle le professeur d’économie. Des occasions qu’il devient trop coûteux de rater.

[1] Une consommation qui prend en compte les dépenses de santé, d’éducation et de logement, contrairement à l’Insee.

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