En ce premier quart de XXIe siècle, l’Europe est menacée de marginalisation. Sa croissance atone détone avec celle des États-Unis qui réussissent, au prix d’un déficit public abyssal, à conforter leur rang de première puissance économique mondiale.
L’Europe accumule plusieurs tares : déclin démographique, absence d’entreprises phares dans le secteur clef de l’information et de la communication, faiblesse de la recherche et développement, recul de la productivité. Elle semble s’être mise au bord de l’histoire depuis une vingtaine d’années, en se plaçant dans le rôle de la victime plus que dans celui d’acteur. Depuis la création de la monnaie unique qui concrétisa quarante ans de construction européenne, celle-ci est en panne de projets.
Les institutions européennes sont monopolisées pour gérer les crises de plus en plus fréquentes : subprimes, dettes souveraines, Brexit, covid, Ukraine, agriculture, etc. Les réponses apportées, souvent courageuses ou novatrices, avec notamment le programme Next Generation, ont été dictées par l’urgence et ne peuvent égaler les grandes avancées des précédentes décennies.
L’Europe n’est pas condamnée à devenir un petit cap asiatique sans avenir.
En matière économique, les prévisions sont souvent démenties. Dans les années 1980, de nombreux experts prédisaient que le Japon deviendrait la première puissance économique mondiale au début du XXIe siècle. Or, trente ans de déflation ont rendu caduc cette prédiction. La Chine est-elle vouée au même sort ?
Après avoir connu une croissance exceptionnelle, ce pays est confronté à des vents contraires susceptibles de l’empêcher de dépasser, d’ici 2050, les Etats-Unis qui, une fois n’est pas coutume, contredisent les pythies affirmant leur déclin inexorable. À l’aune de ces expériences, l’Europe n’est pas condamnée à devenir un petit cap asiatique sans avenir. Mais, face à l’accumulation des difficultés et aux craintes de déclassement, les peuples ont, ces dernières années, fait de l’Europe le bouc-émissaire de tous leurs maux.
Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à vouloir tourner le dos à soixante-dix ans de construction européenne, considérant que leur pays réussirait mieux seul qu’uni aux vingt-six autres ; qu’il serait plus compétitif face aux États-Unis, à la Chine, à l’Inde ou au Brésil ; qu’il serait capable de mieux se défendre face à la Russie ou à l’Iran. Nombreux sont ceux qui estiment le rôle excessivement bureaucratique de la Commission européenne dont le nombre de fonctionnaires est pourtant inférieur à celui du ministère de l’agriculture en France. Dans le même temps, une majorité d’Européens sont favorables à l’euro, la deuxième monnaie de réserve au monde qui a joué un rôle de paratonnerre lors des dernières crises.
Une des faiblesses du vieux continent est sa dépendance aux énergies fossiles importées.
La question n’est pas moins d’Europe mais mieux d’Europe. Un des échecs de la construction européenne a été son incapacité à favoriser l’émergence d’une identité européenne. Longtemps, le terrible souvenir de la Seconde Guerre mondiale a servi de ciment entre les peuples européens avec, comme symbole, le couple franco-allemand. Quatre-vingts ans après le débarquement du 6 juin 1944, ce souvenir s’érode et ne saurait suffire pour bâtir la politique européenne des trente prochaines années. Les États membres ont réussi à se dessaisir d’un des attributs majeurs de leur légitimité, la monnaie, mais n’ont pas été capables de le faire dans d’autres domaines tel que celui de l’énergie. Or, une des faiblesses du vieux continent est sa dépendance aux énergies fossiles importées. La guerre en Ukraine l’a prouvée de manière aigüe, plongeant l’Europe dans une réelle léthargie économique.
L’Europe souffre de l’absence de grands acteurs continentaux en matière énergétique et d’une stratégie réellement coordonnée entre les États membres. Cette situation peut apparaître étonnante quand, en 1951, le charbon et l’acier avaient constitué l’une des premières pierres de la construction européenne.
Les peuples en dehors de l’Union européenne qui vantent ses atouts quand ceux qui sont à l’intérieur en doutent.
Ce constat vaut évidemment pour le secteur de la communication et de l’information. Le succès des entreprises de ce secteur repose sur la gestion d’un grand nombre de données. Aucun des États membres de l’Union n’a la taille critique suffisante pour avoir de telles entreprises.
L’Europe souffre également de l’absence de marché unique de capitaux permettant de financer, en mutualisant le risque, les entreprises et en particulier celles de taille intermédiaire. Vingt-cinq ans après la création de l’euro, les marchés financiers demeurent segmentés et sont handicapés par leur manque de profondeur comparé à leurs concurrents américain ou chinois.
Aujourd’hui, ce sont les peuples en-dehors de l’Union européenne qui vantent ses atouts quand ceux qui sont à l’intérieur en doutent. Ce paradoxe qui prend la forme d’un désenchantement n’est pas une fatalité. L’Union européenne est le premier marché commercial du monde. Dotée d’une des populations les mieux formées, elle dispose de réels atouts pour faire mentir les sombres pronostics de déclin dont elle fait l’objet depuis plusieurs années.
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