Un romancier enraciné dans le terroir bordelais ; voici la description très sommaire d’Eric Remus. L’homme, un humaniste tourné vers les autres, un esthète du vin, mérite davantage que cette trop rapide présentation. Pour le découvrir, nous vous invitons à partir à la rencontre de son univers de fiction.
Car cet ardent défenseur de Saint Emilion, où il a été propriétaire d’un domaine, reprend la plume. « Une étrange rumeur » est un roman construit « entre grands vins et grands sentiments ». Puisqu’il met en scène pour la deuxième fois le personnage de Victor Soubéran. Un double de l’auteur, sommelier de génie que nous avions découvert à travers « Iouréléguy mon amour » un premier opus publié voilà quatre ans.
Un livre mieux qu’un roman. Une découverte documentée de la fabrication du vin.
Dans cette nouvelle fiction Victor vient au secours d’Audrey, héritière de Château Phoebus. Ce domaine prestigieux de Saint Emilion est en difficulté. Et Victor va participer au redressement de la situation tout en découvrant l’amour et la quiétude qu’offrent les sentiments partagés. Mais c’est sans compter sur les nuages qui vont s’accumuler au-dessus de l’idylle.
Il ne sera pas question de spoiler le récit et son intrigue captivante. Mais de simplement rappeler que les grands vins de Bordeaux font, dans la vraie vie aussi, parfois les frais d’esprits mal avisés. À l’ombre plusieurs fois centenaire de ces temples du vin, des esprits mercantiles sont parfois prêts à sacrifier les traditions du terroir sur l’autel de l’argent. L’étrange rumeur du titre est celle de la diffamation. Qui menacera la relation d’amour de Victor et Audrey. A l’image d’une époque qui, hélas, fait le lit de toutes les diffamations dont les réseaux sociaux sont hélas la vitrine quotidienne.
Le vin en France : Une affaire de passion et de tradition
Cependant, ce livre est justement mieux qu’un roman. Il nous offre une découverte documentée de la fabrication du vin. Avec ses aléas climatiques, ses incertitudes et la profonde satisfaction de produire un nectar unique issu de terroirs singuliers à la profonde subtilité géologique. Le vin ne sera jamais en France un produit de plus sur les rayons de vente. Mais une affaire de passion et de tradition.
Le livre est écrit par un connaisseur. Qui a produit du vin amoureusement. Qui sait aussi que ce processus de création est aussi fragile que celui d’un roman. Que les romans « longs en bouche » sont les meilleurs et qu’ils réclament un sens de l’architecture pour tenir en haleine le lecteur comme l’amateur de Bordeaux. C’est la grande histoire du vin que narre aussi ce récit à la fois simple dans son motif et colorée dans son déroulement. Il peut se lire indépendamment du premier opus. Nous avons interrogé le romancier viticulteur sur son roman charpenté.
Lesfrancais.press : « Eric, nous vous retrouvons pour ce nouvel opus qui replonge le lecteur dans l'univers familier du vin et reprend la figure machiavélique de Malfroy découverte dans Irouléguy mon amour (2021). Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire cette suite intitulée "Une étrange rumeur" ? »
Eric Remus : « Quand je gérais un domaine à Saint-Emilion, Château Edmus, j’étais toujours surpris par l’intérêt que le vin suscite dans des publics extrêmement divers. Mettez un vigneron à une table et c’est généralement lui qui est le centre de l’attention et attire les questions. Après avoir cédé mon domaine, j’avais voulu partager mon expérience tout en assouvissant mon plaisir pour inventer et raconter des histoires.
« L’univers du vin combine plaisir, culture et travail »
Eric Remus
Au départ, je pensais plus à des histoires indépendantes qui auraient le monde du vin comme dénominateur commun. Ce n’est qu’après avoir achevé Irouléguy mon amour, et même après sa publication, que je me suis rendu compte qu’on pouvait considérer que l’aventure se terminait sur un point d’interrogation. Alors, comme j’avais encore des choses à dire sur mon expérience, j’ai décidé de poursuivre l’intrigue dans Une étrange rumeur en la situant à Saint-Emilion au cœur d’une propriété viticole, la rivalité entre Victor, jeune sommelier devenu viticulteur, et Malfroy, négociant vindicatif, étant rythmée par les travaux à accomplir tout au long de l’élaboration d’un millésime, en l’occurrence le 2005. »
Lesfrancais.press : « Qu’est-ce qui suscite selon vous cet intérêt pour l’univers du vin ? »
Éric Remus : « Il combine plaisir, culture, et travail. Plaisir de savourer, suivant les circonstances, un vin de soif gouleyant ou un grand cru d’exception. Culture car on déguste rarement un vin sans s’interroger sur sa région de provenance et, avec la géographie, on en vient rapidement à vouloir comprendre l’histoire, et elle vient de loin, qu’on évoque un vin de bourgogne, un claret bordelais, ou un pinotage de Stellenbosch.
Travail enfin, parce qu’on devine, avec un verre en main, toutes les opérations que le vigneron doit accomplir pour parvenir au résultat final avec toujours la nécessité de composer avec l’impondérable qu’est la météo. Les caprices de la météo jouent d’ailleurs un rôle important dans le déclenchement de l’intrigue dans Une étrange rumeur. »
Lesfrancais.press : « C'est formellement votre troisième roman publié. Est-ce que la technique de l'écrivain, comme avec les bons vins, s'aiguise et prend de la valeur avec le temps ? »
Éric Remus : « La valeur attend-elle le nombre des années ? Il faut distinguer le style de l’écriture et l’architecture d’un récit. La qualité et l’originalité d’un style sont à mon avis innées. Ce talent, on l’a ou pas. En revanche, la construction de l’intrigue, c’est peut-être ce que vous appelez la technique de l’écrivain, peut se perfectionner, notamment par la lecture analytique des auteurs reconnus. Je ne lis plus de la même façon qu’il y a quelques années.
« Plus que promouvoir une région, c’est d’abord les métiers du vin que j’ai voulu présenter. »
Eric Remus
Il m’arrive souvent, quand j’ai terminé un livre captivant, de le parcourir à nouveau pour comprendre le cheminement de l’histoire, en apprécier les rebondissements et reconnaître les cailloux semés ici ou là pour aider ou dérouter le lecteur. Cet exercice répété a certainement influencé ma façon d’organiser la progression de l’intrigue et l’a sans doute améliorée.
Lesfrancais.press : « Le bordelais est une région qui fait rêver à travers la planète et en particulier le vignoble de Saint Emilion qui vous est cher. Au-delà de la posture de l'écrivain, y a-t-il en vous aussi un promoteur d'une région française et d'un patrimoine culturel avec le vin ? »
Éric Remus : « Je connais bien Saint-Emilion pour y avoir travaillé et mieux le Bordelais que d’autres régions viticoles françaises. Le Bordelais est le théâtre d’Une étrange rumeur alors que, dans Irouléguy mon amour, la cavale de Victor l’avait amené à parcourir les vignobles du monde. Mais, plus que promouvoir une région, c’est d’abord les métiers du vin que j’ai voulu présenter dans leur diversité, sommelier dans Irouléguy mon amour, viticulteur dans Une étrange rumeur avec les différentes tâches qu’il doit accomplir dans les vignes, dans le chai et pour vendre le vin.
Et plus encore que cette présentation initiatique, c’est la confrontation entre Victor et Malfroy, sous forme d’une chasse à l’homme où la proie, pour sa survie, devient chasseur, qui doit aiguiser la curiosité le lecteur et lui donner envie de tourner les pages. L’univers du vin est omniprésent mais contextuel. Un professeur de sommellerie m’avait dit qu’il conseillerait la lecture d’Irouléguy mon amour à tous ses étudiants pour qu’ils s’imprègnent de l’atmosphère du métier sans s’en rendre compte et en se distrayant. C’était pour moi un beau compliment car c’était bien mon intention. J’espère qu’un professeur d’œnologie réagira de même après avoir lu Une étrange rumeur. »
Lesfrancais.press : « En tant qu'observateur du monde du vin, de la mondialisation de ce marché qui connaît une concurrence certaine et ne permet plus aux vins français de se reposer sur leurs lauriers, comment voyez-vous l'avenir pour nos vins à l'exportation ? Le marché américain risque d'être plus inaccessible si des barrières douanières s'élèvent ... »
Éric Remus : « Le monde des vins fins est en plein bouleversement. Le marché chinois s’est nettement contracté par rapport à ce qu’il était il y a encore quatre-cinq ans et le marché russe est de l’histoire ancienne. Les Etats-Unis sont un marché important et, en dépit de droits de douane augmentés, devraient le rester grâce au prestige des grands vins français, au pouvoir d’achat des Américains et au niveau de prix élevés des vins californiens.
« En matière d’achat de vin, La fidélité qu’on pouvait avoir pour tel ou tel domaine disparait au profit de la recherche d’une « expérience. »
Eric Remus
Outre ces tendances macro-économiques, le comportement des consommateurs change. La fidélité qu’on pouvait avoir pour tel ou tel domaine disparaît au profit de la recherche d’une « expérience », condition pour accepter un niveau de prix qui rémunère convenablement le producteur. Cette expérience peut être un séjour œnologique, une association « met-vin » validée par un grand chef ou un grand sommelier, l’apparition de son vin dans un film ou une série que l’on fera rebondir sur ses propres réseaux sociaux ou encore le lancement d’une cuvée unique et limitée. Les grands châteaux se démènent pour trouver une « story » originale accentuant le fossé entre les propriétés qui peuvent dédier des ressources au marketing et ceux qui n’en ont ni le temps ni les moyens et peinent à écouler leur production à des niveaux de prix satisfaisants. »
Vers une trilogie possible…
Lesfrancais.press : « Vous êtes en phase de promotion de ce livre qui nous l'espérons rencontrera son public. Continuez-vous à écrire ? »
Éric Remus : « Merci de vos encouragements. Les prochaines semaines, je vais en effet les consacrer à trouver les « stories » originales pour promouvoir Une étrange rumeur ! Ensuite, j’espère retrouver la discipline pour m’atteler à la suite et fin de ce qui formerait une trilogie. Cette fois, j’en ai consciemment ouvert la possibilité dans la conclusion d’Une étrange rumeur. »
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Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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