Un plan de relance européen 2.0 ? Les conservateurs opposés à une nouvelle dette commune

Un plan de relance européen 2.0 ? Les conservateurs opposés à une nouvelle dette commune

Au Parlement européen, le centre-droit et les conservateurs sont fermement opposés à contracter une nouvelle dette commune au niveau de l’UE, alors que les appels à une Facilité pour la reprise et la résilience « 2.0 » se sont multipliés au cours des dernières semaines pour combler le déficit d’investissements publics.

En 2021, l’UE a mis en place un programme de financement considérable de 723 milliards d’euros pour aider les États membres à se remettre de la crise économique découlant de la pandémie de Covid et soutenir leurs transitions écologique et numérique, dans le cadre du plan « NextGenerationEU ».

La facilité prévoit des fonds permettant aux États membres d’investir 385 milliards d’euros sous forme de prêts, qui doivent être remboursés par les gouvernements nationaux, et de 338 milliards d’euros sous forme de subventions, ce qui signifie que les remboursements de la dette pour ces dernières seront financés par le budget de l’UE.

La date butoir pour les demandes de prêts étant désormais dépassée (août 2023) et les versements devant être finalisés d’ici 2026, les appels se multiplient pour créer un programme de suivi à la Facilité afin de garantir que les États membres puissent continuer à bénéficier de ces ressources vitales. En effet, de nombreuses économies nationales sont encore aux prises avec une croissance ralentie et font face à des obstacles à la transition énergétique (vraisemblablement à long terme).

Cependant, les eurodéputés de centre droit et conservateurs ne semblent pas favorables à de telles propositions, ce qui réduit la probabilité qu’un tel programme puisse voir le jour — du moins sous cette forme.

La Facilité pour la reprise et la résilience a été « conçue comme un instrument exceptionnel et unique dans une période de crise sans précédent », a expliqué Siegfried Mureşan, vice-président du Parti populaire européen (PPE) de centre droit, à Euractiv.

« Je sais que les socialistes vous diront toujours que la solution est de dépenser davantage l’argent des contribuables, mais […] l’argent ne résout pas toujours les problèmes », a-t-il dit, en référence à une déclaration faite par le commissaire à l’Économie Paolo Gentiloni, du parti italien de centre gauche Partito Democratico (Socialistes et Démocrates européens, S&D).

En effet, M. Gentiloni a déclaré lors d’une conférence de presse de la Commission consacrée au rapport intérimaire sur la Facilité la semaine dernière qu’il ne pensait pas que « la nécessité d’un soutien commun pour des objectifs et des projets communs s’achèverait en 2026 ».

Des arguments similaires ont été avancés par plusieurs groupes de réflexion spécialisés dans les transitions écologique et numérique, qui ont averti qu’un déficit d’investissements publics serait à craindre après la clôture de la Facilité.

« Nous sommes simplement confrontés à un déficit d’investissement qui se creusera à partir de 2026, c’est-à-dire au moment où l’instrument de relance expirera », a expliqué Nils Redeker, directeur adjoint du Centre Jacques Delors de Berlin, à Euractiv.

« Il manquera des fonds pour les investissements écologiques, pour les investissements dans le numérique ainsi que pour de nombreuses mesures de politique industrielle qui sont en cours de mise en œuvre », a-t-il ajouté.

Bien que la Facilité ait été mise en place durant la pandémie de Covid et répartie dans les pays qui ont été particulièrement touchés par la crise, 37 % des dépenses globales doivent être consacrées à des mesures environnementales, tandis que 20 % doivent être utilisés pour aider la numérisation, selon les règles établies par l’UE.

L’eurodéputé belge du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) et président de la commission des Budgets du Parlement, Johan Van Overtveldt, a souligné que la Facilité était destinée à aider les États à améliorer leur résilience économique globale.

« Si la nécessité d’un second instrument se fait sentir, je répondrai tout simplement que nous n’avons pas bien utilisé l’argent de la Facilité initiale », a-t-il ajouté. « Et […] si l’argent a été bien dépensé, il n’y aura pas besoin d’un nouveau dispositif. »

« Donc, dans un cas comme dans l’autre, il faut l’arrêter. Certainement pas le renouveler », a-t-il conclu.

plan de relance européen
En 2021, l’UE a mis en place un programme de financement considérable de 723 milliards d’euros pour aider les États membres à se remettre de la crise économique découlant de la pandémie de Covid et soutenir leurs transitions écologique et numérique, dans le cadre du plan « NextGenerationEU ». [EPA-EFE/Andreu Dalmau]

Les socialistes veulent un nouveau fonds

La Facilité qui prend fin en 2026 et le cadre financier pluriannuel régissant le budget de l’UE se terminant en 2027, le prochain Parlement européen, qui entrera en fonction après les élections de juin, sera confronté à la tâche ardue de trouver de nouvelles solutions pour les financements à plus long terme.

Toutefois, la planification financière à long terme est généralement effectuée par les dirigeants de l’UE lors de réunions spéciales, comme cela s’est produit à l’été 2020 lors de l’adoption du programme européen « NextGenerationEU».

Selon les derniers sondages, le PPE restera le groupe le plus important du prochain Parlement européen, tandis que le groupe CRE pourrait se hisser en troisième position.

Le groupe S&D, qui arrive en deuxième position, est favorable à un nouveau programme pour succéder à l’actuelle Facilité.

« Les transitions numérique et climatique, la défense, la mise en œuvre du pilier européen des droits sociaux ou l’autonomie stratégique de l’UE — des priorités clés de l’UE — nécessitent d’énormes investissements », a déclaré Margarida Marques (S&D), vice-présidente de la commission des Budgets, à Euractiv.

« Il sera donc nécessaire de prévoir un niveau conséquent de capacité d’investissement de l’UE afin de mettre en œuvre ces priorités [tout en] évitant la fragmentation du marché et l’augmentation des divergences », a-t-elle ajouté, faisant référence à l’après 2026.

Comment rembourser la dette ?

M. Mureşan, du PPE, a toutefois déclaré qu’il serait prématuré de discuter d’un nouveau programme, notamment parce qu’on ne sait toujours pas comment la dette déjà perçue dans le cadre de l’actuelle Facilité sera remboursée.

Sur les fonds initialement disponibles, 291 milliards d’euros de prêts ont été demandés, et la part de subventions a été entièrement utilisée.

En ce qui concerne ces dernières, M. Mureşan a déclaré : « Il n’est pas clair qui et comment [nous] rembourserons cette moitié du programme européen “NextGenerationEU”».

« Et à moins que cela ne soit clarifié, je déconseille fortement, très fortement, de nous endetter davantage et de faire peser un fardeau de dette supplémentaire sur les épaules des citoyens européens », a-t-il poursuivi.

En 2021, la Commission européenne a proposé de nouvelles sources de revenus pour le budget de l’UE afin de financer le remboursement de la dette, notamment en utilisant une partie des recettes du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE), qui sont actuellement principalement affectées aux budgets nationaux.

Cependant, « peu de progrès a été réalisé » sur ces propositions, a déclaré un porte-parole de la Commission à Euractiv.

D’autres propositions incluent le prélèvement d’argent sur le nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (MACF) ainsi que des paiements supplémentaires provenant des budgets nationaux, comme par exemple ceux basés sur les bénéfices des entreprises.

« Toutes les propositions sont sur la table », a déclaré le porte-parole, ajoutant que « la Commission exhorte les États membres à se mettre d’accord sur de nouvelles ressources propres dès que possible ».

Si aucun accord sur de nouvelles sources de revenus ne peut être trouvé, le remboursement de la dette devra légalement être financé par le budget de l’Union, ce qui risquerait d’entraîner une réduction des fonds alloués à d’autres programmes européens.

« Même sans l’introduction de ressources propres, le remboursement du programme européen “NextGeneration” par le biais du budget de l’UE est garanti », a souligné le porte-parole.

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