Lundi 28 février, dans la journée, l’annonce tombe ! L’ambassade de France et tout le personnel diplomatique et consulaire sont exfiltrés de Kiev. Les services vont se reconstituer, loin des combats, à la frontière avec la Pologne dans la petite agence consulaire de la modeste ville de Lviv. Il n’aurait rien à dire si le discours de l’ambassade française n’avait pas été aux antipodes. Alors que les fonctionnaires faisaient leurs cartons, ils indiquaient au téléphone et sur leur site aux Français de Kiev qu’il fallait rester chez soi, que c’était la meilleure disposition à prendre…. Logiquement, la colère monte ce mardi 01 mars, chez eux mais aussi chez de nombreux expatriés qui viennent de perdre confiance dans leur administration.
« Ils ont filé à l’anglaise »
L’expression proviendrait de l’ancien verbe « anglaiser », pour « voler ». Par la suite, on aurait utilisé « filer à l’anglaise » pour désigner la façon discrète dont part un voleur qui vient de faire son coup… C’est donc cette expression qui définit selon nos compatriotes sur place l’attitude des personnes en charge de la sécurité des expatriés dans ce pays. Comment en est-on arrivé là ?
Pour certains, c’est simple, l’ambassade, prise dans les jeux géopolitiques du Président de la République, ne pouvait désavouer Emmanuel Macron qui quelques heures avant l’invasion russe continuait à indiquer que ses palabres avec M. Poutine sauveraient la paix. En conséquence, alors que les autres chancelleries occidentales évacuaient leurs concitoyens dans la paix et le calme, les Français, confiants dans leur administration, continuaient à vaquer à leurs occupations quotidiennes.
Pour d’autres, c’est simplement une absence d’anticipation et un manque de moyens. Comme nous le confiait, sous couvert d’anonymat, un élu consulaire d’Afrique, habitué aux périodes de troubles, « il ne faut jamais écouter les diplo ». Des amis basés en Ukraine l’avaient appelé, il y a quelques jours. A tous, il leur a demandé de quitter le territoire, ceux qui ont écouté l’administration, le regrettent bien aujourd’hui alors qu’ils sont sous les bombes à Kiev ou dans les cohortes de réfugiés sur les routes.
Prise de conscience parisienne ?
Rapidement, au cabinet du Secrétaire d’Etat aux Français établis hors de France, on a bien compris qu’une erreur avait été faite. Dès lundi après-midi, branle-bas de combat, le Ministre Jean-Baptiste Lemoyne décide d’organiser un point de situation avec les parlementaires concernés (sénateurs et députés des Français de l’étranger).
On y apprend que 100% des agents sont mobilisés pour les Français sur place. La décision d’appeler chacun de nos compatriotes est prise. Pour les informer sur l’évolution des combats, les guider sur les routes, mais aucun soldat ne viendra les chercher. En téléconférence, on nous informe qu’une logistique sera rapidement mise en œuvre pour palier la pénurie d’essence en Ukraine afin de faciliter le départ de nos compatriotes par voie terrestre. Une logistique qui est forcément limitée, le dispositif français étant concentré à l’ouest du territoire ukrainien. Le message est clair : « Quittez les zones de combats et vous pourrez compter sur la France ». Avant, il faudra se contenter du coup de fil.
Pourtant, certains se retrouvent obligés de s’organiser par leurs propres moyens. Pour cela, ils se contactent sur les messageries cryptées pour constituer des convois vers les frontières (voir le reportage de BFMTV) afin de maximiser la sécurité du trajet, et surtout pouvoir s’entraider en cas de pépin, essence, ravitaillement, etc.
Autre problème, et cette fois qui n’est pas lié à l’organisation de cette « évacuation », beaucoup de Français ne sont pas recensés sur le registre des Français de l’étranger. Cette procédure n’est pas obligatoire et donc beaucoup de Français font l’impasse. Pourtant elle facilite les opérations en temps de crise et permet de mieux ajuster le dispositif que notre pays devrait déployer.
Solidarité pour les expatriés-réfugiés
L’autre sujet qui a animé la réunion : l’accueil des Français d’Ukraine. Pour certains, ils n’étaient pas envoyés par une entreprise mais ils vivaient leur vie tout simplement dans ce pays qu’ils avait adopté par mariage, lien familial ou tout simplement pour sa culture et son cadre de vie comme d’autres dans bien nombre de pays. En quittant dans la précipitation leur emploi, leur environnement social, mais aussi leurs économies et leurs biens, les expatriés sont, souvent, dans la même situation que les centaines de milliers d’Ukrainiens jetés sur les routes.
Un mouvement, initié par des élus consulaires des pays limitrophes à l’Ukraine, s’est organisé depuis ce week-end. Un formulaire en ligne permet de se signaler comme potentiel aidant (accueil dans les pays frontaliers, transport vers la France, vêtements et produits de première nécessité) ou tout simplement de se signaler comme réfugié d’Ukraine. En parallèle, la cellule de crise de l’ambassade désormais délocalisée à Lviv (disponible à ce numéro +380 32 297 08 31) propose aussi des solutions d’urgence parfois en coordination avec le dispositif citoyen et spontané né aux premières heures de la crise. Quand l’ambassade invitait encore les Français sur place à « rester en sécurité chez soi »…
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