Ukraine : la reconnaissance des régions séparatistes par Vladimir Poutine pousse l’UE à adopter des sanctions

Ukraine : la reconnaissance des régions séparatistes par Vladimir Poutine pousse l’UE à adopter des sanctions

La reconnaissance par le Président russe Vladimir Poutine des Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, dans l’est de l’Ukraine, ce lundi 21 février, devrait contraindre l’Union Européenne à accélérer sa décision d’imposer des sanctions à Moscou.

Alors que les ministres des Affaires étrangères de l’UE se réunissaient à Bruxelles, M. Poutine a présidé une réunion soigneusement mise en scène de son puissant Conseil de sécurité nationale au cours de laquelle de hauts responsables de l’administration ont demandé à Moscou de reconnaître l’indépendance des deux régions ukrainiennes contrôlées par les rebelles.

« Ceux qui ont choisi la voie de la violence, de l’effusion de sang et de l’anarchie n’ont pas reconnu et ne reconnaissent pas d’autre solution au problème du Donbas que la voie militaire », a déclaré M. Poutine dans une allocution télévisée, après avoir discouru pendant près d’une heure.

« C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire de prendre la décision, attendue depuis longtemps, de reconnaître sans délai l’indépendance et la souveraineté de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk », a-t-il déclaré.

Kiev peut maintenant soit accepter la perte d’une énorme partie du territoire, soit risquer d’être entraînée dans une escalade militaire avec son voisin beaucoup plus puissant, qui aurait massé près de 190  000 soldats à ses frontières selon les responsables occidentaux.

Ces derniers jours, ceux-ci ont averti que les dirigeants séparatistes avaient entrepris des opérations « sous faux drapeau », cherchant apparemment à créer un prétexte pour une intervention militaire russe en Ukraine.

Les autorités séparatistes ont également lancé une évacuation de civils à grande échelle, affirmant qu’il y aurait une attaque imminente des forces armées ukrainiennes.

Le Président ukrainien Volodymyr Zelenskiy a nié à plusieurs reprises ces allégations et a déclaré que ses forces avaient reçu l’ordre de rester calmes.

cracked concrete wall with painted eu, russia and ukraine flags ©Stock Adobe

Des sanctions, mais quand ?

La décision russe met l’UE au pied du mur et l’oblige à mettre à exécution ses menaces de sanctions.

Avant l’annonce de Poutine, Josep Borrell, le chef de la diplomatie du bloc, avait confié aux journalistes dans la matinée que, si nécessaire, il convoquerait une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l’UE pour « présenter les sanctions au moment opportun », lesquelles pourraient ensuite recevoir le feu vert politique et être approuvées via la phase écrite de la procédure d’imposition de sanctions.

Selon un diplomate européen, l’un des scénarios envisagés était de savoir si les États membres décideraient d’imposer des sanctions à la Russie si celle-ci venait à reconnaître les Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk dans l’est de l’Ukraine.

« S’il y a annexion, il y aura des sanctions, et s’il y a reconnaissance, je mettrai les sanctions sur la table et les ministres décideront », a déclaré M. Borrell aux journalistes après la réunion des ministres des Affaires étrangères du bloc à Bruxelles qui a duré près de dix heures.

« Nous appelons le Président Vladimir Poutine à respecter le droit international (…) Nous sommes prêts à riposter en faisant un front uni et fort au cas où il déciderait d’ignorer ces appels », a annoncé M. Borrell aux journalistes.

La décision de la Russie a annulé de facto les accords de paix de Minsk de 2015, qui visaient à résoudre le conflit entre la Russie et l’Ukraine, et a torpillé une tentative de dernière minute de l’Occident d’organiser un sommet pour éviter la guerre.

Au cours des derniers mois, l’UE s’est employée à dresser une liste de sanctions en représailles à une éventuelle agression militaire de Moscou, sans pour autant divulguer trop de détails sur son contenu, tandis que le seuil de déclenchement de ces mesures punitives restait à déterminer.

Selon plusieurs diplomates européens, une « grande majorité » s’est dégagée lundi en faveur de « sanctions claires et rapides », tandis qu’une poignée seulement est restée du côté de la prudence pour « attendre et voir ce que M. Poutine fera ».

Dans une déclaration en réaction à cette reconnaissance russe de Donetsk et de Louhansk, les dirigeants de l’UE ont déclaré que le bloc répondrait par des sanctions « contre ceux qui sont impliqués dans cet acte illégal ».

Toutefois, cela suggérerait des sanctions individuelles et ciblées plutôt que de mettre en œuvre le paquet de sanctions en tant que tel, ce qui risque de ne pas être bien accueilli par les fervents partisans d’une réponse plus ferme à l’égard de Moscou.

L’Ukraine et l’Europe de l’Est font pression

Les États-Unis et leurs alliés européens ont déclaré que toute attaque déclencherait des sanctions sévères à l’encontre de Moscou, mais Kiev souhaite que celles-ci soient imposées dès à présent. C’est en tout cas ce qu’a déclaré le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, à Bruxelles plus tôt dans la journée de lundi.

« Nous attendons que des décisions soient prises », a déclaré M. Kuleba aux journalistes dans la matinée.

« Nous pensons qu’il y a des motifs valables et légitimes pour imposer au moins certaines sanctions dès maintenant afin de démontrer que l’UE ne se contente pas de parler de sanctions, mais qu’elle joint également le geste à la parole », a-t-il ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que l’UE et ses partenaires réagiraient « avec unité, fermeté et détermination », mais que la décision finale revenait aux États membres.

La Lettonie et la Lituanie ont soutenu la demande d’imposer immédiatement certaines sanctions prévues à l’encontre de la Russie pour « montrer que l’UE réagit », contrairement à la majorité des États membres de l’UE.

Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, a estimé que l’UE « devrait envisager plus qu’une simple invasion » pour déclencher des sanctions, car l’Ukraine subit déjà des conséquences économiques et autres du renforcement militaire russe à ses frontières.

« Certaines choses ont déjà commencé, elles entraînent déjà un coût, et elles devraient justifier une réponse », a expliqué M. Lansbergis aux journalistes à Bruxelles.

Un fonctionnaire de l’UE a confié à EURACTIV que « nous sommes maintenant dans une période exceptionnelle et les exceptions à la procédure habituelle sont toujours possibles — à condition que les États membres en conviennent [à l’unanimité], ils peuvent proposer des solutions nouvelles, flexibles et innovantes [à condition que le traité le permette] afin que les sanctions soient adoptées rapidement ».

Au-delà des sanctions contre la Russie, la Lituanie a également appelé l’UE à imposer des sanctions supplémentaires à la Biélorussie pour avoir accueilli des troupes russes sur son territoire, suggérant que de telles mesures pourraient cibler les exportations de pétrole et de potasse et ainsi combler les failles dans les sanctions qu’elle a déjà imposées à l’encontre de Minsk.

« Nous devons être très clairs sur le coût du renforcement actuel pour la Biélorussie », a expliqué M. Landsbergis aux journalistes à Bruxelles.

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