Tunisie-France : après la mort d’un Tunisien à Marseille, tensions diplomatiques et montée des sentiments anti-français au Maghreb

Tunisie-France : après la mort d’un Tunisien à Marseille, tensions diplomatiques et montée des sentiments anti-français au Maghreb

Le 2 septembre 2025, un ressortissant tunisien, Abdelkader Dhibi, est abattu par la police française à Marseille après avoir blessé cinq personnes au couteau. L’événement, qualifié de « meurtre injustifié » par Tunis, a déclenché une crise diplomatique et relancé le débat sur les relations franco-maghrébines, déjà mises à mal par une défiance croissante envers la France dans la région.

Cinq personnes blessées à Marseille

Mardi 2 septembre 2025, dans le quartier animé de Belsunce à Marseille, un homme de 35 ans, Abdelkader Dhibi, armé de deux couteaux et d’une matraque, blesse cinq personnes avant d’être neutralisé par la police. Selon le procureur de Marseille, l’individu, en situation régulière sur le territoire français, aurait agi dans un contexte de troubles psychiatriques et non de radicalisation. Les forces de l’ordre, alertées par des témoins, ont ouvert le feu après que l’assaillant a eu ignoré leurs sommations et menacé une patrouille en civil. L’intervention, justifiée par la nécessité de neutraliser une menace immédiate, a suscité une vive polémique en France, où certains s’interrogent sur le recours à la force létale.

L’émotion est palpable dans la cité phocéenne, déjà marquée par plusieurs épisodes de violences urbaines. Le ministre de l’Intérieur a salué le professionnalisme des policiers, tandis que la justice antiterroriste a été saisie pour éclaircir les motivations de l’assaillant. Cependant, l’absence de lien avéré avec le terrorisme et le profil psychologique du suspect ont nourri des débats sur les protocoles d’intervention policière.

Un homme a été abattu par la police à Marseille, dans le quartier de Belsunce, après avoir poignardé et blessé cinq personnes. - ©A. Vella / AFP

Un « meurtre injustifié » ?

Dès le lendemain, la Tunisie a réagi avec fermeté. Le ministère des Affaires étrangères a convoqué le chargé d’affaires français à Tunis pour dénoncer un « meurtre injustifié » et exiger une enquête « rapide et transparente ». Le président Kaïs Saïed a ordonné le rapatriement du corps et promis de défendre les droits de la famille du défunt. Sur les réseaux sociaux, la mort d’Abdelkader Dhibi a provoqué une vague d’indignation, avec des accusations de « crime d’État » et des appels à boycotter les produits français.

Laurent Caizergues, conseiller des Français de l’étranger en Tunisie et Libye, nuance cette réaction : « La réponse tunisienne s’inscrit dans une démarche consulaire classique, mais le choix des termes reflète le style direct des autorités actuelles. Les liens franco-tunisiens restent solides au quotidien, portés par des milliers de familles, d’étudiants et d’entrepreneurs. Les réseaux sociaux amplifient les voix les plus radicales, sans refléter l’opinion générale. » Il souligne aussi une « désaffection linguistique » chez les jeunes Tunisiens, liée à l’arabisation du système scolaire et à la montée de l’anglais, plus qu’à un rejet politique de la France.

Laurent Caizergues
Laurent Caizergues élu des Français de Tunisie et directeur "Afrique" à Crystal Finance. ©Crystal finance

Pour les Français expatriés en Tunisie, la situation est délicate. Certains craignent des représailles, bien que les autorités tunisiennes aient réaffirmé leur engagement à protéger tous les étrangers sur leur sol. Les associations de Français à l’étranger appellent à la prudence et au dialogue, tout en rappelant l’importance des échanges économiques et culturels entre les deux pays.

En Tunisie comme au Maghreb, un sentiment anti-français en hausse ?

L’affaire de Marseille s’inscrit dans un contexte régional marqué par une défiance croissante envers la France. Au Maroc, en Algérie et en Libye, les critiques contre Paris se multiplient, alimentées par des discours panarabistes, des tensions postcoloniales et une concurrence accrue avec d’autres puissances comme la Chine ou la Turquie. En Algérie, les relations sont tendues depuis des années, notamment sur les questions mémorielles et migratoires. Au Maroc, une élite intellectuelle et politique dénonce régulièrement l’ingérence française, tandis que la jeunesse se tourne vers l’anglais et les réseaux sociaux pour contourner l’influence culturelle française.

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire