Trump, un choc économique et militaire pour l’Europe ? 

Trump, un choc économique et militaire pour l’Europe ? 

L’Union européenne a été, par son positionnement géographique et par sa dépendance aux hydrocarbures importés, la zone économique la plus touchée par la guerre en Ukraine. Face à la vague inflationniste, la Banque centrale européenne a été contrainte d’opérer dix relèvements successifs de ses taux directeurs qui ont contribué à un ralentissement de la croissance. Celui-ci a été accentué également par les tensions commerciales avec la Chine. L’Europe pourrait être à nouveau aux premières loges en cas d’élection de Donald Trump au mois de novembre prochain et si ce dernier met en œuvre son programme. 

Les enquêtes d’opinion menées au mois de janvier donnent ce dernier gagnant contre Joe Biden avec une avance de 2 à 4 points. Le programme de Donald Trump en cas d’application comporte des dispositions qui potentiellement pourraient modifier plusieurs équilibres géopolitiques.

Taxer de 10% les importations européennes

Au niveau des échanges, il prévoit une augmentation des droits de douane d’au moins 10 % sur toutes les importations européennes. Cette mesure ralentirait la croissance en Europe comme aux États-Unis. Elle aurait, pour ces derniers, un fort effet inflationniste. 

Donald Trump entend sortir les États-Unis de l’Organisation Mondiale du Commerce, ce qui pourrait se traduire par la fin du système qui a prévalu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (accords Gatt, etc.). Le candidat a, par ailleurs, annoncé son intention de sortir une nouvelle fois des Accords de Paris, ce qui pourrait aboutir à d’importantes tensions commerciales entre ceux qui les appliquent et les autres, notamment autour de la question de la taxe carbone.

États-Unis
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Désengagement de la défense européenne

Au-delà de l’économie, Donald Trump a promis un désengagement des États-Unis de la défense européenne avec une éventuelle sortie de l’OTAN. Il a ainsi mentionné qu’il arrêterait de soutenir l’Ukraine. 

La mise en œuvre de ces promesses de campagne contraindrait l’Europe à se réorganiser. L’Union européenne sera-t-elle, alors, en capacité de compenser la défection américaine auprès de l’Ukraine ? En l’état, que ce soit tant pour la fourniture du matériel que pour les munitions, les moyens européens sont limités. Il faudrait multiplier par deux ou trois l’effort en faveur de l’Ukraine. Or, l’Union européenne s’est engagée dans un processus de réduction des déficits publics, ceux-ci s’étant élevés à 3 % du PIB en 2023. Cette diminution des déficits intervient au moment où les États européens sont confrontés au vieillissement de leur population induisant un accroissement des dépenses en matière de retraite, de santé et de dépendance. 

Après la chute de l’URSS, en 1991, tous les États européens ont fortement réduit leurs dépenses militaires qui représentent 1,7 point de PIB, contre 3,5 points de PIB aux États-Unis. Seule la Grèce consacre plus de trois points de PIB à la défense, en lien avec la persistance des tensions avec la Turquie. Depuis 2016 et surtout depuis 2022, les États européens ont décidé d’augmenter leurs dépenses militaires mais elles restent nettement en deçà des États-Unis. En 2022, elles s’élevaient à 1,9 % du PIB en France, à 1,7 % en Italie, à 1,5 % en Espagne et à 1,4 % en Allemagne.

Forces centrifuges

Une sortie de l’OTAN des États-Unis obligerait les Européens à prendre à leur charge des dépenses aujourd’hui mutualisées (communication, recherche, transports, etc.). Elle poserait le problème de la dissuasion nucléaire dont seraient exclus les pays non dotés de la bombe atomique (la totalité des membres à l’exception de la France et du Royaume-Uni). L’instauration d’une dissuasion européenne suppose l’établissement d’une doctrine d’emploi et une répartition des charges. Le départ des États-Unis obligera les États européens à accroître leurs effectifs militaires et à revoir leur politique d’équipement. 

Ce départ s’accompagnant de la fin de l’aide à l’Ukraine pourrait amener à la défaite de cette dernière ou à l’engagement d’une négociation difficile avec la Russie. Elle placera de facto les pays de l’Est de l’Union européenne en première ligne face à cette dernière. Ils seront contraints soit d’augmenter leur effort de défense, soit de se rapprocher de la Russie avec un risque d’éclatement de l’Union européenne. La Hongrie traduit bien l’existence de forces centrifuges même si cet Etat reste dépendant des aides européennes. 

Ce scénario catastrophe n’est pas pour le moment anticipé par les investisseurs qui n’imaginent pas la survenue d’une grave crise économique et géopolitique en Europe dans les prochains mois. L’idée que Donald Trump ne puisse pas se présenter ou qu’il puisse être battu prédomine, à moins qu’il ne puisse pas réellement appliquer son programme. Il n’en demeure pas moins que l’Europe pourrait rapidement être contrainte d’arbitrer parmi ses priorités d’ici le printemps 2025.

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