Guerre commerciale avec la Chine, c’est parti
. Sur le papier, les Etats-Unis ont moins à perdre que la Chine. Ils sont la première puissance économique mondial, ils sont moins dépendants du commerce mondial, ils ont le dollar. D’où l’étonnement de Trump de constater que loin de céder, la Chine a tenté de le manœuvrer. Les Chinois pensent avoir le temps et la capacité d’encaisser les coups : ils comptent en décennies et n’ont pas d’électeurs. Les dirigeants chinois seraient plus fragilisés en perdant la face qu’avec un ralentissement économique. La guerre commerciale sino-américaine ferait perdre 0.5% de Pib mondial, dit le FMI, payé par les Américains, les Chinois, et le reste du monde, à commencer par les pays les plus pauvres. Mais il n’y a pas que ce conflit, il y a un climat guerrier.
Le tour de l’Inde.Comme le déficit se creuse aussi avec l’Inde, Trump la menace aussi de sanctions commerciales. En face de lui, Modi, un Premier ministre triomphant, renforcé par les élections, ultranationaliste hindou. Se laisserait-il impressionné, lui qui envoya quelques troupes préélectorales au Pakistan?
Face au Mexique, un mur de taxes douanières.Parce qu’il ne peut pas construire son mur anti-immigrant, Trump taxe les produits mexicains pour obliger le gouvernement mexicain à contrôler lui-même l’immigration. Sauf que l’économie américaine a besoin des importations mexicaines.
L’Europe se demande quand viendra son tour. Trump promet au Royaume-Uni le jackpot d’un traité commercial très avantageux en cas de Brexit dur. Ce qui parait illusoire, mais ceux qui ont cru aux mensonges de Boris Johnson peuvent croire à ceux de Trump. D’autant que Trump milite aussi pour un nouvel accord de libre échange avec l’UE, enfonçant un coin entre la France et l’Allemagne. Merkel a regretté publiquement le refus français.
Dans le conflit avec l’Iran, l’arme économique joue déjà à plein. S’y ajoutent les menaces militaires.On en est passé aux menaces directes, aux dénonciations d’actions terroristes et aux livraisons d’armes record à l’Arabie saoudite, déjà en guerre contre le Yemen, tandis que le Qatar est victime d’un blocus.
Ceux qui disent que Trump est fou ont tort. Il est en campagne. Taper sur les Chinois, les Mexicains, les Allemands, les Français, les experts du FMI, qui alertent sur les folies d’une guerre commerciale, peut émouvoir les démocrates de New York, mais pas les Texans ni le Midwest. Trump doit conserver les Swing States arrachés aux Démocrates. Or les sondages donnent l’avantage à Joe Biden, favori des primaires démocrates, notamment dans l’Ohio et la Pennsylvanie.
Pour mobiliser ses électeurs, rien de tel que déclarer la guerre.Si l’économie tient, c’est la preuve que la stratégie est la bonne. Pour l’instant elle tient. Dix ans de croissance. Le chômage au plus bas. Les taux baissent. Le prix du pétrole aussi.
Maischaque jour qui passe augmente la probabilité de voir la fin du cycle. D’autant que les taxes sur les produits importés seront payées par les contribuables américains et non par les Chinois : 800$ par tête. Quand les Américains vont-ils s’en apercevoir ? Avant ou après les élections ? Si l’économie flanche, Trump dira que c’est la faute aux Chinois, Indiens, Mexicains et Européens.
A moins qu’une crise forte n’ait lieu avant, financière ou militaire.Notamment à cause de l’imprévisibilité de Trump. Les discours martiaux et nationalistes peuvent s’enflammer et créer des situations irréversibles. De coups de mentons en coups de mentons, de coups de bluffs en coups de bluffs, on se retrouve prisonnier de ses postures et des craintes que l’on a créées. Trump vit de l’imprévisible et croit grandir du conflit. La seule réponse à cela, c’est la devise du Cadre noir de Saumur: « Calme, droit, en avant ». Encore faut-il, pour la France comme pour l’Europe, aller en avant. Avec une nouvelle Commission, c’est le moment.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press