Deux milliards de moins.
L’ONU vient de réviser ses prévisions pour la population mondiale en 2100 : seulement 8.5 milliards, au lieu de 10.5 milliards dans les études précédentes. Tout le monde peut se tromper. A regarder les anticipations passées, on peut même être sûr que tout le monde se trompe. Personne, à l’ONU comme ailleurs, ne révisera son analyse du futur pour un si petit écart. Deux milliards, quelle importance ?
Les chiffres ne comptent pas. Ni le nombre. L’essentiel est ailleurs : ce qu’ils suggèrent. Deux milliards d’êtres humains en moins, c’est peut-être une tragédie. A cause du Covid, d’une guerre, du terrorisme, du climat? Masquez-vous, armez-vous, isolez-vous.
2 milliards en moins, c’est peut-être une bonne nouvelle.
N’était-il pas impossible de nourrir 10.5 milliards d’êtres humains ? De les abreuver ? De les vêtir ?
Erreurs : les progrès de la productivité agricole peuvent nourrir facilement 12 milliards de personnes. 70% des êtres humains ont accès à une eau potable, du jamais vu dans l’histoire. Au dix neuvième siècle, 90% de l’humanité vivait dans une situation que l’on qualifie d’extrême pauvreté (équivalent à 1$ par jour) ; aujourd’hui, l’extrême pauvreté frappe 10% de l’humanité. Proportion inversée.
Désormais les pénuries n’existent plus, à moins d’être voulues. Pas de pénurie de pétrole, de cuivre, de cobalt, contrairement à ce qui est prédit depuis 80 ans. Mille miracles multiplient les petits pains et les ressources, grâce à l’évolution technologique, les capacités d’adaptation, la souplesse des prix, qui orientent les investissements.
Tertullien, père de l’Eglise, écrivait en l’an 200 :
« Nous sommes un poids pour le monde, les ressources suffisent à peine à combler nos besoins, lesquels exigent de grands efforts de notre part […], alors que la nature ne parvient déjà plus à nous nourrir. » Il se trompait, déjà.
La population mondiale n’atteignait pas 200 millions. 7.5 milliards aujourd’hui.
Le catastrophisme est une manipulation courante. Si le meurtre guette, la montée des eaux, la pluie acide, la faim, ou l’invasion, chacun confie son sort à des experts, des gardiens, un pouvoir vigilant, un Etat fort ou un gouvernement mondial. Le catastrophisme abreuve restrictions, réglementations, impôts et abus de pouvoir.
La plupart des catastrophes ne tombent pas du ciel. Ainsi la faim. La terre (les hommes) nourrit une population toujours plus nombreuse. Jamais autant d’êtres humains ne mangèrent à leur faim. Les crises alimentaires, aujourd’hui, ne viennent plus du manque de ressources, mais de la guerre. Et les guerres ne viennent pas de la rareté des ressources, plutôt de l’abondance. Comme les révolutions ne jaillissent pas de la misère, mais du partage de la richesse.
Entre 1980 et 2018, la population mondiale a augmenté de 71%. Le prix des 50 principales ressources consommées (alimentation, métaux, énergie) de 39%. Pénurie ? A l’inverse. En pouvoir d’achat, leur coût a diminué pour le consommateur de … 72% ! Parce que celui-ci s’est enrichi beaucoup plus vite.
2 milliards d’êtres humains en plus ou en moins, tout dépend de ce que l’on veut leur faire dire. Et où ils seront. Les grandes puissances démographiques seront-elles des grandes puissances ?
2050 : Inde 1.6 milliards d’habitants, Chine, 1.4, Nigeria 400 millions, en Afrique 2.5 milliards. Une puissance, les pays africains ? Un champ de bataille et de guerres civiles.
Le nombre ne fait pas la richesse, il peut entretenir la pauvreté. Il donne encore moins la puissance.
Les conquérants musulmans étaient 4.000 pour prendre l’Egypte. Une poignée de Conquistadores détruisit des empires hautement civilisés. A la bataille de Plassey, qui donna les Indes aux Britanniques, il n’y avait que 900 soldats britanniques. La Chine, déjà populeuse et riche, fut vaincue en 1860 par la France et le Royaume-Uni; la France avait 37 millions d’habitants, la Chine 440. Singapour commande l’Indonésie et non l’inverse.
Les chiffres et les nombres ne disent rien des rapports de force dans le futur. Mais à l’intérieur des nombres apparaissent les déséquilibres. La vieillesse du Japon, de la Corée, demain de la Chine en dit long sur leurs systèmes de retraite, d’épargne, les capacités d’innovation. En Afrique, l’explosion de la jeunesse promet des conflits et des enrôlements révolutionnaires. Paradoxalement, plus les populations sont jeunes, moins la vie vaut. L’Afrique est une nouvelle Asie, plus pauvre, puisque sa croissance croit moins que sa population. Une chance pour l’Europe, ou un drame.
Les systèmes de gouvernement, les organisations sociales , les capacités d’innovations décident de tout, pas les chiffres. Les Etats-Unis resteront, de loin, la première puissance du siècle. La Russie déclinera, pas à cause du déclin des populations, à cause de la vieillesse de ses structures.
Et l’Europe ? Elle n’est pas en mauvaise position pour conserver son indépendance. A condition qu’elle veuille être l’Europe et qu’elle veuille son indépendance. Evidemment, si elle ne veut rien…
Et la France ? Elle peut tout si elle se débarrasse du vieil Etat du XIXème sclérosé en bureaucratie, et invente l’Etat du XXIème siècle, souple, rapide, agile, efficace.
Comme l’ONU, la FAO, l’OMS, l’Unesco, et autres organisations internationales : jeunes et déjà sclérosées, elles doivent fermer ou changer. Il y a plus de smartphones actifs que d’êtres humains sur terre. La guerre se livre dans le cyberespace autant que dans le ciel. Des milliards de dollars s’échangent en secondes. Les Gafas en savent plus sur vous que le fisc. 4000 Hackers pourraient prendre le contrôle d’un Etat. Se tromper de deux milliards d’êtres humains ce n’est rien. Se tromper de monde, c’est plus grave.
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