Le Premier ministre du Tchad et candidat à la présidentielle du 6 mai, Succès Masra a appelé, lors de sa tournée électorale dans le sud du pays ce week-end, ses militants « à être la sentinelle du vote » en prenant en photos les procès-verbaux de dépouillement du scrutin. Il s’est tout de suite attiré les foudres de l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) qui a mis en garde contre toute prise de photo, au risque d’encourir la rigueur de la loi.
Un code électoral peu rigoureux
Au Tchad, le code électoral ne prévoit ni l’affichage des procès-verbaux de dépouillement dans les bureaux de vote, ni leur remise aux mandataires des candidats. Seule possibilité pour les candidats d’y avoir accès, ils peuvent obtenir ces PV plus tard au démembrement de l’Ange, dont dépend le bureau de vote. Un dispositif qui suscite la méfiance des candidats. C’est dans ce contexte que Succès Masra, Premier ministre, ancien leader de l’opposition et adversaire du président-candidat Mahamat Idriss Déby, a appelé ses militants « à être la sentinelle du vote » en prenant en photos les PV de dépouillement du scrutin.
Les Transformateurs se sont donc dit « surpris » par cette sortie de l’Ange émettant l’interdiction de prise de photos. « Il s’agit de participer à rendre transparente la présidentielle » : voilà comment le vice-président des Transformateurs justifie la demande du candidat Succès Masra à ses militants de prendre en photo les résultats du scrutin dans leurs bureaux de vote respectifs. « La loi prévoit que le dépouillement soit fait publiquement et les résultats lus à haute voix », explique Sitack Yombatina, avant de se demander ce qui « fait peur à l’Ange au point d’imposer une interdiction de prises de photos dans les bureaux de vote qui n’a pas été prévue par le code électoral »
Une campagne sous tensions
Au départ, chacun des candidats a commencé sa campagne dans son couloir, en déroulant son projet de société et en multipliant les promesses de toutes sortes.
Mais au fil de la campagne, les choses ont commencé à changer surtout pour les deux principaux candidats. Le président de transition, Mahamat Idriss Déby, a pris de l’assurance, alors que son Premier ministre Succès Masra, souvent présenté comme « un faire-valoir », a rendu coup pour coup.
Des tensions ont commencé à apparaître au début de la deuxième semaine de campagne, des coups des griffes verbales échangées par meeting interposées, au point que l’Ange, l’organe chargée d’organiser les élections, a dû appeler au calme. « Ceux qui pensaient que Masra Succès avait un deal avec le président Déby et qu’il était un accompagnateur se sont trompés parce qu’on sent un désir de vaincre. Du côté de Mahamat Idriss Déby, il y a aussi évidemment ce désir de vaincre. Au début, chacun voulait montrer qui il était et quel projet il portait, mais de plus en plus, ils attaque l’autre sur ses faiblesses. On pensait qu’il ny aurait pas d’engouement pour cette élection. Or, on remarque que de jour en jour, les Tchadiens s’y intéressent », analyse le sociologue tchadien Gondeu Ladiba.
Le politologue Évariste Ngarlem Toldé confirme : « Succès Masra semble jouer son va-tout, de son côté Mahamat Idriss Déby ne lâche rien. » Conséquence, cette dernière semaine de campagne risque d’être « une semaine de tous les dangers », selon les deux chercheurs.
Déjà, le parti de Succès Masra a dénoncé dimanche soir des arrestations de certains de ses membres à Mongo, des « militants persécutés » ailleurs ou encore l’incendie d’un de ses sièges locaux dans le 1er arrondissement à Ndjamena samedi.