Pour une relance du marché unique européen

Pour une relance du marché unique européen

Enrico Letta, l’ancien Président du Conseil italien, a remis un rapport sur l’avenir du marché unique européen qui assure en théorie depuis 1993 la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux au sein des États membres. Le rapport Letta insiste sur la nécessité d’un « marché financier européen plus intégré et plus robuste », « essentiel pour exploiter le plein potentiel » économique de l’Union. Il suggère une « union de l’épargne et des investissements » afin de retenir en Europe les flux de capitaux. À cette fin, il préconise une harmonisation réglementaire, la création d’un produit d’épargne de long terme européen, une garantie publique européenne pour soutenir l’investissement dans la transition écologique, des réformes pour favoriser les partenariats public-privé, le développement de la titrisation, la création d’une Bourse européenne pour les start-up de la « Deep Tech » (intelligence artificielle, quantique, biotechnologie). 

Ces idées sont amplement partagées par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie français, mais ne font pas consensus au sein des 27 États membres, aucune avancée sur ce sujet n’ayant été enregistrée depuis dix ans.

Une surenchère pour attirer des entreprises

Le rapport demande également de rediriger une partie des aides publiques accordées aux entreprises par les États membres vers « le financement d’initiatives et d’investissements paneuropéens». 

Actuellement, les États membres pratiquent une surenchère au niveau des aides pour attirer des entreprises. Dans le projet d’Enrico Letta, ils seraient contraints de consacrer « une portion » de leurs aides vers des financements européens. L’objectif serait la mise en œuvre d’une politique industrielle européenne cohérente.

Une fragmentation pénalisante dans les télécoms et l’énergie

Le rapport souligne que des progrès doivent notamment être réalisés au niveau des télécommunications et l’énergie. Dans le domaine des télécommunications, le marché n’a pas été réellement unifié et prend la forme de 27 marchés nationaux. Cette « fragmentation » freine la croissance des opérateurs paneuropéens et les pénalise face à la concurrence internationale. Elle génère des surcoûts pour les entreprises et les ménages. L’Europe compte plus de 100 opérateurs téléphoniques ayant en moyenne 5 millions d’abonnés. Aux États-Unis, le nombre moyen d’abonnés est de 107 millions. En Chine, ce nombre avoisine les 500 millions. 

Dans l’énergie, la faiblesse de la concurrence se traduit par des divergences de prix entre les États. Les réseaux sont insuffisamment interconnectés. Enrico Letta préconise la réalisation d’investissements financés par l’émission d’obligations européennes vertes. 

marcheunique

240 milliards de budgets dans la défense

Des progrès sont nécessaires sur le terrain de la défense. Si l’ensemble des budgets cumulés en la matière atteignent 240 milliards d’euros, soit un niveau proche de celui de la Chine (275 milliards) et trois fois supérieur à celui de la Russie, il reste néanmoins inférieur à celui des États-Unis, près de 850 milliards de dollars. L’Union européenne souffre d’un sous-investissement chronique en matière d’équipements militaires. 80 % de ceux qui ont été fournis à l’Ukraine, depuis le début du conflit, ont été achetés en dehors de l’Union. Enrico Letta demande « un soutien direct à travers le budget de l’Union » pour financer des initiatives communes de R&D et d’achats communs. Il souhaite la création d’un marché commun pour l’industrie de défense. 

En France, Christian Noyer, ancien Gouverneur de la Banque de France, a présenté un rapport sur la nature des principaux obstacles à lever pour mieux mobiliser les investissements privés dans la transition écologique et numérique de l’Europe. Comme Enrico Letta, il plaide en faveur d’un marché unique des capitaux européens. Le marché des capitaux en Europe est sous-dimensionné. Pour être concurrentiel au niveau mondial, il devrait s’accroître de 60 %. 

Un marché de capitaux sous-dimensionné

Le rapport Noyer préconise le développement d’un produit d’épargne paneuropéen de long terme. Ce produit devrait avoir les caractéristiques suivantes : déblocage au moment du départ à la retraite ou à l’occasion de certains évènements de la vie, souscription au sein de l’entreprise avec abondement possible de l’employeur, octroi d’avantages fiscaux, allocation de l’épargne avec 80 % en supports d’actifs européens. 

Comme Enrico Letta, l’ancien gouverneur propose de faciliter la titrisation. Cette pratique financière permet de transformer des créances ou des prêts détenus par une banque en titres financiers négociables. Cette opération libère le bilan des établissements bancaires, ce qui leur permet de redéployer leurs fonds propres. 

Le rapport Noyer propose aussi d’assouplir le cadre réglementaire et prudentiel des banques et des compagnies d’assurances en revoyant les directives en vigueur. Les grandes zones économiques sont plus souples que l’Europe ce qui leur permet d’attirer plus facilement des capitaux. 

Christian Noyer se prononce également en faveur d’une supervision unique des marchés de capitaux européens. L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) n’a actuellement que des pouvoirs limités. Sa gouvernance devrait être revue, avec la création d’un comité exécutif composé d’un nombre restreint de membres permanents. Le rapport Noyer insiste enfin sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement du « postmarché » (les opérations qui sécurisent et valident une transaction boursière) dans la mesure où la chaîne de traitement des opérations sur titres fait intervenir en Europe bien plus d’acteurs qu’aux États-Unis.

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