Taxe sur le tabac : l’UE peut-elle se passer des fumeurs ?

Taxe sur le tabac : l’UE peut-elle se passer des fumeurs ?

Dans sa proposition pour le cadre budgétaire 2028-2034, la Commission prévoit de lever environ 2 000 milliards d’euros, dont la majeure partie proviendrait encore des contributions nationales. Mais une part croissante devrait désormais venir de nouvelles « ressources propres » collectées directement à l’échelle de l’UE. Parmi celles-ci, la taxe sur le tabac figure en bonne place.

La taxation du tabac rapporterait 11,2 milliards d’euros par an, soit près de 20 % des 58,3 milliards d’euros de ressources propres que l’UE prévoit de percevoir chaque année. Pour mettre cela en perspective, le premier chiffre représente le montant annuel perçu par l’Italie en 2023.

Sur sept ans, cela représente 78,4 milliards d’euros, soit suffisamment pour financer une part importante des dépenses de défense prévues par l’Union.

Un mécanisme de prélèvement uniforme

Concrètement, la Commission propose que 15 % des recettes fiscales liées au tabac perçues par chaque État membre soient versées directement dans le budget européen. Un taux fixe, quel que soit le niveau des taxes nationales. Ainsi, les contributions varieront selon les pays : la France, par exemple, taxe fortement le tabac, tandis que la Bulgarie applique des taux bien plus faibles.

La taxe serait prélevée quel que soit le niveau des taxes nationales sur le tabac.

Il est important de noter que cette taxe de 15 %, appelée «ressource propre provenant des droits d’accise sur le tabac» (TEDOR), n’est pas liée à la révision en cours de la directive sur la taxation du tabac (DTT), que la Commission a proposée jeudi 17 juillet et qui fera bientôt l’objet de négociations séparées.

Présentée le 17 juillet, la révision de la DTT vise à augmenter considérablement les taux de taxation du tabac dans toute l’UE. Elle suggère une augmentation de 139 % sur les cigarettes, de 258 % sur le tabac à rouler et, pour la première fois, des taxes élevées sur les nouveaux produits tels que les cigarettes électroniques, le tabac chauffé et les sachets de nicotine.

Auparavant, des sources de la Commission à Bruxelles avaient évoqué la possibilité d’utiliser les recettes supplémentaires générées par la révision de la DTT pour financer le budget de l’UE. Mais ce projet a été abandonné, la proposition de budget 2028-2034 introduisant la TEDOR comme une ressource propre autonome fondée sur le tabac.

 

taxe sur le tabac ©Getty Images/Jens Kalaene_picture alliance
©Getty Images/Jens Kalaene_picture alliance

Toutefois, si la révision de la DTT est adoptée, elle augmenterait indirectement encore davantage les recettes de l’UE. Ainsi, même si le taux de 15 % reste inchangé, le budget de l’UE augmenterait parallèlement aux recettes fiscales nationales.

Concrètement, dans le cadre de la DTT actuelle ou de sa version révisée, les États membres seront toujours tenus de contribuer à hauteur de 15 % de leurs recettes fiscales totales sur le tabac. Cela s’applique même à des pays comme la France, qui impose déjà des taxes sur le tabac supérieures à la moyenne actuelle de l’UE, ce qui signifie que les nouvelles hausses fiscales prévues dans le cadre de la révision de la DTT n’auront pas d’incidence sur les niveaux actuels.

Commerce illicite

L’un des principaux défis liés à la perception de la taxe de 15 % sera de lutter contre la croissance des marchés noirs.

Bruxelles, faisant écho à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), rejette les affirmations selon lesquelles une augmentation des taxes entraînerait une augmentation du commerce illicite. Les responsables européens affirment au contraire que c’est l’absence de convergence fiscale au sein de l’Union qui alimente le commerce illicite du tabac.

Toutefois, reconnaissant ce risque, la Commission a proposé un taux d’imposition plus faible pour le tabac à narguilé (shisha), dont le marché noir s’est développé dans de nombreux pays de l’UE, en particulier en Allemagne.

Selon un rapport d’Europol de 2025, les pays où les taux d’accise et de TVA sont élevés sont plus vulnérables à la vente illicite de produits soumis à accise.

Et si l’objectif d’une génération « sans tabac » se concrétisait ?

L’argument selon lequel une augmentation des taxes sur le tabac entraînerait une recrudescence du marché noir est l’un des arguments souvent avancés par l’industrie du tabac.

Cependant, la crédibilité de cet argument est limitée. Les groupes antitabac y voient une tentative de saper les efforts en matière de santé publique. Et cela renvoie aux antécédents de l’industrie.

Dans les années 1980, les fabricants de tabac ont commercialisé les cigarettes à filtre et «légères» en les présentant comme «moins nocives», une affirmation aujourd’hui largement réfutée. Les organisations de santé affirment que la même erreur est en train de se reproduire aujourd’hui, l’industrie vantant les mérites des cigarettes électroniques et autres alternatives comme étant «moins nocives».

L’Association des ligues européennes contre le cancer a salué la proposition de hausse des taxes de la Commission, la qualifiant d’étape vers la création d’une génération sans tabac.

Toutefois, cela soulève une question pratique : que se passera-t-il si l’augmentation des taxes est couronnée de succès et que les gens arrêtent complètement de fumer? Cela creuserait-il un trou dans le budget de l’UE?

La Commission répond par la négative. Elle fait valoir que les 11,2 milliards d’euros de recettes annuelles prévues tiennent déjà compte d’une baisse de la consommation de tabac au fil du temps.

En outre, l’UE estime que les pays de l’UE économiseraient 6 milliards d’euros supplémentaires par an en coûts de santé liés au tabac.

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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