Après une relative stabilité des taux d’intérêt dans les années 2010, ces derniers sont en hausse constante depuis un an. Au premier trimestre 2021, selon l’hebdomadaire « The Economist », les taux directeurs des banques centrales d’un panel de 58 économies avancées et émergentes, représentant 90 % du PIB mondial, s’élevaient à 2,6 %. Au dernier trimestre de 2022, ce chiffre était passé à 7,1 %. L’endettement est en forte hausse depuis le début du siècle et s’est accéléré avec la survenue de l’épidémie de covid et la guerre en Ukraine.
La dette totale de ces pays a atteint à 298 000 milliards de dollars, soit 342 % de leur PIB contre 255 000 milliards de dollars (320 % du PIB) en décembre 2019. Plus l’endettement progresse, plus les agents économiques sont sensibles à la hausse des taux d’intérêt. En 2021, le montant total des intérêts à acquitter a atteint 1 040 milliards de dollars, soit 12 % du PIB des pays concernés. En 2022, du fait de la hausse des taux et de l’endettement, ce montant a dépassé 1 300 milliards de dollars, soit 14,5 % du PIB.
Le coût des dettes pourrait atteindre d’ici 2030 entre 17 et 20 % du PIB
Les effets de la hausse des taux en cours se feront réellement sentir d’ici quatre à cinq ans avec l’arrivée à échéance des emprunts souscrits à faibles taux et la montée en puissance de ceux souscrits à des taux plus élevés. Compte tenu des besoins publics et des volumes de dettes passées, la hausse des taux ne devrait pas provoquer immédiatement un ralentissement de l’endettement des agents économiques. Au rythme actuel, toutes choses étant égales par ailleurs, le coût des dettes pourrait atteindre d’ici 2030 entre 17 et 20 % du PIB. Un tel ratio a été constaté dans les années 1980 quand les taux d’intérêt avaient fortement augmenté. Au moment de la crise financière, aux États-Unis, le ratio des 20 % avait même été dépassé.
L’augmentation des services de la dette serait explosive pour les pays émergents ou en développement déjà en surendettement. Comme dans les années 1980, des plans d’annulation ou de consolidation des dettes publiques et privées pourraient être nécessaires pour éviter la banqueroute de plusieurs États.
L’inflation pourrait alléger la facture de la dette comme ce fut le cas après la Seconde Guerre mondiale ou après les chocs pétroliers. Les investisseurs tendent néanmoins à s’en protéger en demandant de plus en plus des obligations indexées à l’inflation. Face à l’augmentation des taux d’intérêt, les États et les agents économiques ne sont pas tous dans la même situation. Ainsi, au Danemark, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande ou en Suède, les ménages se sont fortement endettés ces dernières années et sont plus exposés aux variations de taux que dans d’autres pays. Leur niveau d’endettement représente plus de deux fois leurs revenus annuels.
Au niveau des États, les plus exposés à l’augmentation des taux sont le Ghana, l’Egypte, le Brésil et l’Argentine. Selon « The Economist », l’Italie est également dans une situation de vulnérabilité. Les États-Unis se classent 17e et le Royaume-Uni 19e sur 58 parmi les États soumis à un éventuel risque de surendettement public.
Ghana, Egypte, Brésil, Argentine sur la corde raide
Les économies émergentes empruntent de plus en plus dans leur propre monnaie et non en dollar pour limiter les effets de taux et de change. Celles qui ont néanmoins des dettes extérieures élevées auront besoin d’aide. L’Argentine a récemment conclu un accord de renflouement avec le FMI. L’Égypte dont les taux des obligations d’État à moyen terme sont supérieurs de quatre à cinq points de pourcentage au-dessus de leurs niveaux d’avant la pandémie, est sur la corde raide. Le Ghana, qui a récemment rejoint l’Argentine dans le camp des pays en grande difficulté, s’engage maintenant dans un resserrement budgétaire et monétaire pour tenter d’obtenir le soutien du FMI.
En ce qui concerne la situation financière des entreprises, la France, le Luxembourg et la Hongrie figurent dans le trio des pays les plus fragiles.
Les entreprises françaises particulièrement endettées
Les entreprises françaises sont particulièrement endettées, avec un ratio dette/résultat brut d’exploitation de près de neuf. Ce ratio est plus élevé que ceux constatés au sein des autres pays de l’OCDE à l’exception du Luxembourg. La dette des entreprises françaises a fortement augmenté depuis les années 2007/2009. L’épidémie de Covid-19 a donné lieu à une progression sans précédent, d’environ 150 milliards d’euros, de la dette des entreprises en lien avec la distribution à près de 700 000 entreprises des PGE (Prêts Garantis par l’État).
Au cœur des relations internationales dans les années 1980 et au début des années 2010, la question des dettes pourrait de nouveau occuper les gouvernements d’autant plus si la croissance de l’économie mondiale poursuivait son processus d’érosion. Le temps de l’argent facile semble avoir vécu.
Les pays occidentaux restreignent leurs aides aux pays en développement compte tenu de l’augmentation de leurs besoins d’investissement. La transition énergétique dont le coût pour les pays de l’OCDE dépasse 2 000 milliards de dollars et l’augmentation des dépenses militaires laissent peu de place pour l’aide au développement.
Laisser un commentaire