Enfin une nouvelle positive ! La Corée du nord interdit à ses habitants de se suicider. Pour Kim Jong Un, les suicides représentent un « acte de trahison contre le socialisme ». Tandis que les missiles survolent la mer du Japon, la famine sévit de temps en temps en Corée du nord, qui fournit des munitions à la Russie, avec l’aval, forcément, de la Chine. Du pain ou des canons ? Les deux vont parfois ensemble.
A regarder la Corée du sud, devenue en un demi-siècle une démocratie où le niveau de vie par habitant est un des plus élevés du monde, on comprend qu’un pays s’est effectivement suicidé, celui de Kim Jong Un.
Il n’est pas le seul. Il a choisi la bombe plutôt que le développement. Tous les dictateurs, à la suite de Poutine, ont compris que l’arme nucléaire leur assurait une sorte d’impunité internationale. La course au nucléaire a repris : l’Iran, mais aussi l’Arabie saoudite, qui menace, si les États-Unis ne lui donnent pas accès à leur technologie nucléaire, de s’en remettre aux Chinois.
Tous les pays s’arment. La guerre en Ukraine a rendu la guerre à nouveau possible ; c’est une des raisons pour laquelle il est de l’intérêt de toute l’Humanité que la Russie perde : que la guerre perde.
Pour faire la guerre à la guerre, il faut des armes. Jamais les dépenses militaires n’ont été aussi élevées depuis trente ans : 2240 milliards de dollars, 2,2% du PIB mondial ( https://www.sipri.org/). Les Etats-Unis (39%) et la Chine (13%) représentent 52% des dépenses.
L’Europe se réarme. Les dépenses militaires augmentent de 36% en Finlande, 27% en Lituanie, 12% en Suède, 11% en Pologne. L’Allemagne a lancé un budget supplémentaire de cent milliards d’euros, premier budget militaire européen, devant la France. Ensemble, les pays européens seraient le deuxième budget militaire mondial. Mais ils ne sont pas ensemble.
Seuls peuvent entrer au Conseil de sécurité ceux qui sont capables de se défendre par eux-mêmes, comme la France, pas l’Allemagne.
La France a adopté une nouvelle loi de programmation militaire. Fait remarquable, elle a été adoptée, malgré un contexte politique de guérilla permanente, à une très large majorité. Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, a réussi à convaincre les groupes de ne pas rejouer la guerre des retraites sur la défense nationale : exploit remarqué. Il avait quelques arguments : le premier était que, pour la première fois, la précédente loi de programmation avait été intégralement respectée. Ensuite, le contexte mondial, qui oblige au réarmement, hélas. Puis, le nécessaire maintien de la dissuasion nucléaire : la France est le seul pays de l’UE à disposer de l’arme nucléaire. Ce qui explique d’ailleurs sa présence au Conseil de sécurité de l’ONU. Les Allemands peuvent y prétendre encore longtemps, tant qu’ils ne seront pas capables d’assurer leur sécurité, ils n’y auront pas leur place. Seuls peuvent entrer au Conseil de sécurité ceux qui sont capables de se défendre par eux-mêmes, ce qui est le cas de la France, par la force nucléaire, mais pas seulement.
Lecornu d’expliquer les investissements dans l’espace, le cyber, l’intelligence artificielle, la surveillance des fonds marins, les robots…
L’originalité de cette loi, c’est qu’elle ne fait pas qu’augmenter le budget des armées. Les esprits chagrins regrettent que l’on n’augmente pas le nombre de chars. Les articles se multiplient pour expliquer que la France ne saurait faire face à « une guerre de haute intensité comme en Ukraine ». Mais contre qui ? L’Allemagne, la Suisse ? Des chars, dans quelle plaine ? Ils n’ont pas compris, contrairement aux auteurs de la loi, que la guerre future se jouait ailleurs. Et Lecornu d’expliquer les investissements nouveaux dans l’espace, le cyber, le renseignement, l’intelligence artificielle, la surveillance des fonds marins, les robots… Les courageux combattants ukrainiens avaient-ils une chance sans les satellites américains ? Qu’est-ce que « l’autonomie stratégique » sans l’autonomie du renseignement, du spatial, du cyber ?
La stratégie française consiste à faire partie de tous les clubs où se retrouvent les grandes puissances : nucléaire, aéronautique, spatial, renseignement, cyber, porte-avion nucléaire, forces spéciales, etc. Les pays qui font partie d’autant de clubs spécialisés ne se comptent pas sur les doigts d’une main. L’atout de la France (qui en fait le troisième exportateur mondial) est aussi son handicap : elle est de plus en plus seule à défendre une « Europe européenne ». L’Allemagne joue d’autant moins le jeu que son gouvernement est divisé, incertain.
De plus en plus seule à défendre une « Europe européenne », l’autre handicap de la France est sa fragilité financière
L’autre handicap de la France est sa fragilité financière. De plus en plus, elle dépend de la Banque centrale européenne, c’est-à-dire de l’Allemagne. Ceux qui osent parler de Frexit sont aveugles : sans l’Europe, la France serait considérée au bord de la banqueroute. N’importe quel gouvernement devrait prendre des mesures drastiques. L’augmentation de 0% à 2,5% des taux d’intérêt (encore négatifs avec l’inflation) a coûté 18 milliards d’euros. Avec 413 milliards d’euros répartis sur sept ans pour les armées, on mesure à quel point ce sont les finances qui font (aussi) la crédibilité de la défense. Et l’on comprend les doutes des Allemands et des Polonais.
La guerre est toujours économique. La destruction du barrage de Kakhovka n’est que le dernier exemple d’une destruction systématique des installations électriques civiles en Ukraine (ce qui est considéré comme crime de guerre par les Conventions de Genève).
L’arme économique est plus meurtrière que les bombes. L’Holodomor, « extermination par la faim », reconnu comme génocide par le Parlement français, avait fait périr plus de 4 millions d’Ukrainiens sur 31 millions d’habitants en 1932 et 1933. En 1970, la guerre du Biafra prit fin à cause d’un blocus alimentaire qui causa plus d’un million de morts, par la faim. Ce n’est qu’en 1977 que l’arme de la faim fut interdite dans les Conventions de Genève. En Éthiopie, au Mali, en Birmanie, au Nigéria, dans le Soudan du Sud, en Syrie, au Yémen, en Ukraine, la famine est une arme actuelle.
Il y a plus de Kim Jong Un qu’on ne le croit sur la planète. Et plus nombreux encore ceux qui les utilisent.
La guerre au Soudan a déplacé 900.000 personnes en quelques semaines. Plus de 100 millions de personnes sont des déplacés « forcés » dans le monde (la moitié dans leur propre pays). Selon la Banque mondiale, 23 pays, représentant une population totale de 850 millions d’habitants, ont été le théâtre de conflits. Syrie, Venezuela, Afghanistan, Soudan du Sud, Myanmar, Ukraine, sur tous les continents, des conflits, où se mêlent bombes, pillages, viols et chantage à la faim, obligent les populations à fuir. Entre 2020 et 2022, le nombre de personnes victimes de conflits armés nécessitant une assistance alimentaire est passé de 100 millions à 166 millions.
Pétrole, blé, bombes, forment le trio infernal des armes de guerre. Et de la diplomatie, sous forme de chantage (surtout avec le nucléaire). S’y ajoute la monnaie. Elle, a le mérite de ramener aussi à la raison. Erdogan, quoique réélu, se voit calmé par la chute de 17% de la Livre turque depuis sa réélection.
Preuve qu’il y a bien des façons de se suicider pour un pays. Le malheur est que toutes ces formes de suicide retombent sur les citoyens, pour lesquels, non seulement le suicide, mais la fuite aussi, est parfois interdite. Il y a plus de Kim Jong Un qu’on ne le croit sur la planète. Plus nombreux encore sont ceux qui les utilisent, car ce « génie des génies », et les autres, ne pourraient rien faire sans protecteurs et complices. L’ami de Kim, c’est Xi Jinping. Où l’Iran trouve-t-il ses amis ? Chine, Russie. Et voilà Raïssi, l’Iranien, en visite à Cuba, au Nicaragua, au Venezuela. Les Cubaines devraient l’arrêter.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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