STAFE : les élus consulaires reprennent la main

STAFE : les élus consulaires reprennent la main

Le STAFE (dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger) repose sur l’attribution de subventions à des projets dont l’objet est de nature éducative, caritative, culturelle ou d’insertion socio-économique et qui contribuent au soutien des Français à l’étranger. 

Lors de la première commission du vendredi 11 mars, 110 dossiers ont été rejetés et plus de 60 % du budget n’avait pas été alloué par l’administration consulaire. C’est pourquoi les conseillers des Français de l’étranger ont exprimé leur frustration et leur mécontentement concernant ces prises de décisions lors de la session plénière de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE) qui se termine ce jeudi 17 mars.

Nous sommes allés à la rencontre de Patricia Connell, porte parole du groupe à l’AFE « Indépendants, Démocrates et Progressistes » (IDP) largement dominé par les élus de la majorité présidentielle ainsi que d’autres élus en Europe.

Comme Gaëlle Lecompte qui nous rappelle le rôle du STAFE.

“Il a été créé pour remplacer la réserve parlementaire qui était de 3 millions d’euros et le dispositif a été créé en 2018 pour une enveloppe évaluée à 2 millions d’euros. Déjà il y a eu une perte de 1 million d’euros dans les budgets et ce STAFE est continuellement à la baisse. Nous constatons qu’il y a de moins en moins d’argent dans l’enveloppe, donc les 2 millions d’euros ne sont jamais dépensés et on observe une chute des objets déposés par les associations.”

Gaëlle Lecomte est élue consulaire des Français de l’étranger à Madrid depuis 2016 et elle est élue AFE pour la Péninsule Ibérique depuis cette mandature

L’incompréhension face au rejet des dossiers

Patricia Connell est aussi élue conseillère La République en Marche en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, elle se dit “très frustrée de ce qui s’est passé. Nous nous sommes vus refuser des dossiers. Sur la ville de Londres, il y avait plusieurs dossiers rejetés. Seulement deux ont été acceptés. C’était des projets pour aider les personnes en détresse ou les personnes âgées et malgré cela ils ont été refusés.”

Patricia Connell comme d’autres conseillers consulaires s’étonnent qu’après que les Conseils consulaires aient approuvé les projets souvent à l’unanimité, l’administration les rejette sans explication. Pourtant les élus affirment avoir suivi les critères de sélection transmis par l’administration et par les consulats. Et malgré cette rigueur, l’administration à Paris a décidé de ne pas allouer les budgets alors que 2 millions d’euros avaient été crédités dans la Loi de financement. Seulement 750,000 euros avaient été accordés.

Les élus se sont interrogés !

« Qu’est-ce qu’il advient du reste de cet argent ? Pourquoi ça n’a pas été donné alors que les projets tenaient la route ? Le budget existe. Le gouvernement nous a donné le budget. « 

Patricia Connell, porte parole du groupe IDP (LREM et indépendants) de l’AFE

Lundi 14 mars, logiquement lors de l’ouverture de la session de l’AFE, les élus ont exprimé leur mécontentement au ministre Jean-Baptiste Lemoyne. Message entendu car immédiatement, dans son introduction il indique : « Nous allons refaire une commission. »

Les dossiers ont donc été réexaminés et représentés dans une nouvelle commission STAFE le mardi 15 mars. Les conseillers qui y siègent ont pu faire en sorte que ces dossiers soient récupérés et approuvés, mais il n’existe aucune garantie que le processus ira à son terme.

En sus, pour les élus le mal est fait. L’administration ne respecte pas les conseillers consulaires qui travaillent avec les consulats et qui ont pris la décision d’accorder une aide financière grâce à leur connaissance du terrain.

« Nous sommes tous outrés et choqués de ce qui s’est passé. Les élus de la majorité ne sont pas contents.”

Patricia Connell, porte parole du groupe IDP (LREM et indépendants) de l’AFE

Modification des règles

La colère des élus s’explique par une modification des règles d’attribution pour la 2e année consécutive, par l’administration parisienne après le dépôt des dossiers par les associations et après l’examen de ces candidatures par les commissions locales.

Il a donc résulté de ce changement de critères que seuls 94 dossiers sur les 242 initialement retenus par les conseillers des Français de l’étranger ont été acceptés par l’administration parisienne et 38 ont été revus à la baisse. Seulement 795 000 euros de fonds ont été alloués, soit moins de 40 % des deux millions budgétés par l’État. Au total, 110 dossiers ont été rejetés équivalant à 1,1 million d’euros.

« Cette pratique de l’administration des Français à l’étranger du Ministère des Affaires étrangères est inacceptable et montre le mépris qu’elle a pour le travail formidable qu’effectuent les associations pour les communautés françaises à l’étranger. Nous avons été entendus par Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé des Français de l’étranger. Une nouvelle commission a été réunie. Au terme de cette deuxième réunion et sous réserve de confirmation finale par l’administration, 76 % des dossiers ont maintenant été acceptés (183 dossiers sur les 242) pour un montant total de 1,3 million d’euros. 9 dossiers sont en cours de validation après examen de la faisabilité financière de leur projet. Au Royaume-Uni, sous réserve de confirmation par l’administration, les dossiers du Dispensaire français – Société française de Bienfaisance, de la Fédération des Associations Françaises en Grande Bretagne, du Parapluie FLAM, de l´école FLAM de Jersey ont finalement été validés (les montants seront précisés directement aux associations)”

Patricia Connell, porte parole du groupe IDP (LREM et indépendants) de l’AFE

“Les associations sont découragées.”

Gaëlle Lecomte, élue en Espagne, est surtout inquiète du retour qu’elle a de ses différents collègues soit à l’AFE ou par les conseillers des Français de l’étranger.

Les associations sont de plus en plus découragées parce que depuis 2018, certaines déposent des dossiers et à chaque fois se voient refuser leurs projets. Nous avions la commission nationale qui se tenait vendredi 11 mars pour une enveloppe budgétaire de 2 millions d’euros. Nous sommes arrivés en commission et des 242 dossiers validés localement par les conseillers français de l’étranger et les administrations locales, Paris n’en a validé 120 ou 122. Ça donnait 1 dossier sur 2 validé par l’administration et pour une enveloppe de 721 000 euros donc très loin de l’enveloppe des 2 millions d’euros. Cette réunion a duré cinq heures. J’ai expliqué qu’il y avait des élus locaux qui avaient étudié les dossiers, qui avaient débattu et qui avaient fait remonter leurs inquiétudes et pousser certains dossiers parce qu’ils connaissent le travail notamment des entraides, des Alliances Françaises et au final ce travail des élus, de l’administration locale et des consulats se retrouve bafoué par Paris. Cette situation a généré une grogne auprès des élus, mais aussi des associations. Nous avons des associations qui se sont mobilisées pendant la crise de la Covid. Tout le culturel par exemple était nécessaire donc quand Paris décide d’exclure, de rejeter des projets en lien avec le culturel ou l’éducation c’est particulièrement scandaleux. Le ministre Jean-Baptiste Lemoyne a tenté de rattraper un peu la situation. Lundi dans son allocution d’ouverture de l’AFE  il a décidé de faire une commission bis. C’est quelque chose qui ne s’est jamais fait depuis la création du dispositif afin de revoir les dossiers. Cette commission bis s’est tenue ce mardi 15 mars. Au final des 242 projets dossiers validés par les postes consulaires, on est a priori à 186 dossiers acceptés validés plus 31 sous réserve de complément d’information et donc 56 dossiers rejetés. Tout le monde grogne, car les associations font un effort de monter un projet. Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec nos consuls et collègues et au final le fait qu’on soit retoqués par l’administration c’est complètement incompréhensible, et quel manque de respect pour les élus et le tissu associatif surtout quand on sort d’une crise sanitaire. Et pourtant j’ai toujours insisté pour que les associations respectent les critères d’éligibilité. Parce qu’on parle d’argent public et la transparence est fondamentale. J’étudie la transparence et la lutte anti corruption à l’Université du Sussex au Royaume-Uni. Pour moi la lutte anti corruption et la transparence c’est fondamental. J’insiste vraiment là-dessus, mais les critères d’éligibilité ne sont pas clairs et ne sont pas adaptés donc Madame Haguenauer, la directrice des Français de l’étranger, avait proposé vendredi un groupe de travail pour revoir ces critères. Le problème c’est que dans trois semaines auront lieu des élections et que du coup le cabinet ministériel ne sera plus le même, que le nouveau cabinet va mettre du temps avant d’être mis en place, de vraiment être fonctionnel et ce groupe de travail sera lancé quand ? On ne le sait pas. Sauf que la campagne du STAFE 2022 va être lancée à la rentrée probablement. On risque de se retrouver dans un an à avoir exactement la même situation.” 

Gaëlle Lecomte est élue consulaire des Français de l’étranger à Madrid depuis 2016 et elle est élue AFE pour la Péninsule Ibérique depuis cette mandature

Les Français de l’étranger mieux pris en compte dans le débat politique en France ?

Pour Gaëlle Lecompte, le problème est plus profond et touche à la place des expatriés.

“Nous avons besoin de plus de visibilité par nos compatriotes tout simplement parce que nous participons au rayonnement de la France à l’étranger et malheureusement nous ne sommes pas assez considérés. Je suis indépendante et je ne suis lié à aucun parti politique. Je ne fais pas la promotion d’aucun candidat. De manière objective je pense que les Français à l’étranger ne sont pas pris en compte dans le débat présidentiel et politique en France. Nous contribuons au rayonnement de la France dans le monde et à sa diplomatie d’influence.”  

Gaëlle Lecomte est élue consulaire des Français de l’étranger à Madrid depuis 2016 et elle est élue AFE pour la Péninsule Ibérique depuis cette mandature

Pour Patricia Connelll et Olivier Bertin (lui aussi à Londres), la péripétie du STAFE se finit de manière positif. Pour ceux, c’est un gain de cause. Par contre pour Gaëlle Lecompte, il reste beaucoup de travail à faire pour que les expats à l’étranger soient entendus. Elle dénonce l’opacité des critères. Au final, le dispositif découragerait les associations. Pour l’élu madrilène, la position des élus LREM et des indépendants (associés dans un groupe unique à l’AFE) est une récupération politique électoraliste. Comme de nombreux élus, elle demande des faits concrets, pas des effets d’annonce.

La mésaventure, même si elle se finit bien, ouvre la voie à une vraie réflexion sur les critères et le processus pour éviter que cette situation se répète les années suivantes.

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