Sophie Primas : fiscalité, éducation, budget, culture, sécurité, ses priorités pour 2025

Sophie Primas : fiscalité, éducation, budget, culture, sécurité, ses priorités pour 2025

À l’occasion de l’ouverture de la 41ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger à Paris, ce lundi 14 octobre 2024, nous recevons la nouvelle ministre en charge des Français résidant hors de France, Sophie Primas. Dans cet entretien exclusif, elle dévoile ses priorités et les défis à relever. Avec une solide expérience au Sénat et une connaissance approfondie du commerce extérieur, elle évoque la protection de nos compatriotes, l’accès à l’éducation via le réseau AEFE, et les réformes consulaires en cours. Elle met également en lumière les enjeux budgétaires et les synergies à développer pour renforcer le rayonnement de la France à l’international. Un éclairage essentiel sur l’avenir des Français de l’étranger.

Des réformes clés pour les Français de l’étranger en 2025

Lesfrançais.press : Madame la Ministre, au Sénat, vous étiez une spécialiste des questions liées au commerce extérieur, le portefeuille des Français de l’étranger, comme souvent, y a été lié. Est-ce une opportunité pour vous de synergies à venir ?

Sophie Primas : « Les synergies existent, elles reposent notamment sur le dynamisme et l’esprit d’entreprendre de nos compatriotes installés à l’étranger. Je le sais bien, ayant été moi-même Française de l’étranger à San Francisco dans le cadre d’une mission au début de ma vie professionnelle.

C’est une fierté : plus de 3 millions de Français vivent à l’étranger, principalement dans les pays de la zone européenne et sur le continent américain. Ils sont à vrai dire les premiers ambassadeurs de la France à travers le monde et contribuent activement au rayonnement de notre pays à l’international. Les talents, les initiatives et l’engagement de cette communauté sont une chance pour la France et leur dynamisme contribue à celui de notre société et de nos échanges économiques. Ma fonction de ministre va m’amener à voyager à travers le monde entier, et je profiterai de chaque déplacement pour aller à la rencontre de nos ressortissants. Je soutiendrai chacune de leurs initiatives afin qu’elles participent en retour à notre rayonnement économique. En ce sens, les deux portefeuilles sont complémentaires. »

« C’est une fierté : plus de 3 millions de Français vivent à l’étranger. Ils contribuent activement au rayonnement de notre pays à l’international. »

LFP : Malgré les engagements des différents partis, de nombreux dossiers ont été laissés en jachère, on pense à la résidence de repli, au Pass culture, etc. Quelles sont vos priorités ?

Sophie Primas : « Ma première priorité, que je partage avec le Premier ministre et le ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, c’est celle de protéger nos compatriotes de l’étranger. Dans un contexte international de plus en plus incertain et de risques géopolitiques, la France n’abandonne jamais ses ressortissants. J’étais la semaine passée à Roissy pour accueillir le retour du Liban de près de 50 de nos compatriotes en situation de vulnérabilité, en utilisant le retour d’un vol d’aide humanitaire d’urgence. Sur cette question, notre mobilisation avec Jean-Noël Barrot est totale.

Ensuite, épaulée par notre réseau diplomatique et consulaire, je veux être à l’écoute des besoins de nos compatriotes. Je mettrai tout en œuvre pour faciliter leur vie au quotidien. C’est pourquoi nous mettrons en place une Identité Numérique pour chacun de nos compatriotes à l’étranger, afin qu’ils puissent accomplir leurs démarches administratives en ligne en toute sécurité, où qu’ils se trouvent. Dans le même temps, nous devons pouvoir répondre aux besoins croissants de protection et de sécurité de nos compatriotes installés à l’étranger, dans un contexte d’incertitudes et de risques géopolitiques.

Sophie Primas, Ministre déléguée au commerce extérieur et aux Français de l'étranger
Sophie Primas, Ministre déléguée au commerce extérieur et aux Français de l'étranger

Sur la résidence de repli, l’engagement pris par mes prédécesseurs a été tenu puisqu’un dispositif spécifique aux Français de l’étranger a été adopté dans l’article 147 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 modifiant le code général des impôts.

L’ensemble des Français de retour en France depuis l’un des pays listés dans cet arrêté, s’ils y résidaient avant leur retour, ont ainsi vocation à bénéficier d’un dégrèvement de la taxe d’habitation sur leur résidence secondaire en France au titre de l’année de leur retour. »

LFP : En parlant de budget, celui de 2025, à travers la loi de finances, arrive en discussion, les programmes 151 (affaires consulaires, y compris les bourses scolaires AEFE) et 185 (Diplomatie culturelle et d’influence). Y aura-t-il des coupes dans ces budgets ? Quelles sont les propositions ?

Sophie Primas : « Le projet de loi de finances fera prochainement l’objet d’une présentation et d’une discussion au Parlement par les Ministres en charge du dossier directement, Antoine Armand et Laurent Saint-Martin. S’agissant du programme 151, je suis pour ma part très attachée à la poursuite des grands projets de modernisation comme le service France Consulaire, le Registre électronique d’état civil, le vote par internet, l’expérimentation de renouvellement des passeports sans comparution (Canada et Portugal) ou le déploiement de l’identité numérique pour les Français de l’étranger. Par ailleurs, il faut rappeler que plus de 70% de ce budget est consacré à l’aide à la scolarité et à l’action sociale, en soutien de nos compatriotes les plus défavorisés, à travers les bourses scolaires et les aides sociales, directes ou indirectes. »

« Ma première priorité, c’est celle de protéger nos compatriotes de l’étranger. »

Focus sur l'éducation, la sécurité et le budget pour les expatriés français

LFP : De nombreux jeunes Français à l’étranger ne peuvent scolariser leurs enfants dans les écoles du réseau de l’AEFE. Les frais d’écolage sont le principal obstacle. Comptez-vous revoir les critères des bourses scolaires ? La gratuité pour les enfants français est-elle définitivement morte ? Comment comptez-vous traiter ce sujet ?

Sophie Primas : « Nous devons être fiers de notre Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) qui pilote un réseau de 600 établissements dans 138 pays à travers le monde, et qui permet à plus de 120 000 élèves français d’être scolarisés dans le système français. Ce réseau est un outil indispensable du rayonnement de la France dans le monde, et du partage du savoir-faire éducatif français. Il a fourni depuis sa création de brillants esprits, dont six Prix Goncourt. Mon action sera donc toujours marquée par mon soutien indéfectible à l’AEFE. »

Grâce au dispositif de bourses scolaires géré par l’Agence, sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, plus de 20 000 élèves français voient chaque année leurs frais d’inscription et de scolarité pris en charge, pour tout ou partie. Ces bourses sont accordées selon un barème qui permet de calculer une quotité de prise en charge, en fonction des revenus du foyer, de sa composition et du montant des frais d’inscription et de scolarité, et sous réserve d’un patrimoine mobilier et immobilier qui se situe en deçà d’un seuil d’éligibilité.

Le montant total des crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères alloués au financement des bourses scolaires s’élève à plus de 110 millions d’euros en 2024, ce qui correspond à près de 70% du budget total du programme 151, sans compter l’aide à la prise en charge des accompagnants des élèves en situation de handicap, qui représente plus de 2 millions d’euros.

Sur la gratuité des frais d’écolage, je crois utile de rappeler que la grande majorité des établissements scolaires sont des structures de droit local privé, partenaires ou conventionnées avec l’AEFE. Ce sont des conseils de gestion, dont les membres sont généralement élus par les parents d’élèves, qui assurent la gestion financière des établissements et décident des frais de scolarité. Par ailleurs, il est difficile de faire une différence entre les élèves français et les élèves d’autres nationalités en matière de frais de scolarité, sans compter que notre réseau d’enseignement à l’étranger a aussi vocation à accueillir les élèves du pays d’accueil ou de pays tiers, qui constituent aujourd’hui deux tiers des effectifs. Enfin, le dispositif de bourses scolaires actuellement en place a l’avantage d’être plus équitable qu’une gratuité pour tous, sans conditions de ressources.

Sophie Primas, Ministre déléguée au commerce extérieur et aux Français de l'étranger
Sophie Primas, Ministre déléguée au commerce extérieur et aux Français de l'étranger

Vers une meilleure prise en charge des Français de l’étranger : perspectives et réformes

LFP : La protection sociale est un autre sujet qui préoccupe nos ressortissants vivant hors de France. L’organisation d’assises spécifiques avait été actée sous le gouvernement de Gabriel Attal, soutiendrez-vous la mise en place de ce débat et l’études de nouvelles propositions ?

Sophie Primas : « J’ai bien pris connaissance du courrier du 1er mars dernier par lequel les élus sollicitaient l’organisation d’assises de la protection sociale. J’ai également bien pris note de l’engagement de mon prédécesseur, lors de la dernière session de l’Assemblée des Français à l’étranger, à consulter cette dernière sur le sujet de la protection sociale de nos compatriotes à l’étranger. Le calendrier électoral ayant interrompu les discussions qui s’étaient engagées, je profiterai de cette nouvelle session de l’AFE pour échanger avec les élus sur ce sujet difficile dans cette période de lutte contre les déficits budgétaires et sociaux. »

LFP : La Caisse des Français de l’étranger est le principal outil de l’Etat pour prolonger la couverture sociale hors de France. Des voix s’élèvent pour demander la révision de son financement, de plus la convention qui lie la CFE à l’Etat français doit être discutée en 2025, quelles sont vos intentions ?

Sophie Primas : « Je suivrai de très près la situation de la Caisse des Français de l’Etranger. Je sais qu’elle connaît ces dernières années des difficultés d’équilibre financier, notamment en raison de la diminution des contrats collectifs conclus par les grands groupes du fait de la baisse du nombre de leurs personnels expatriés, mais aussi en raison du vieillissement de la population et du coût que représente la prise en charge de certaines affections lourdes. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères contribue chaque année à hauteur de 0,5 à 1 million d’euros à la CFE au titre du dispositif de la catégorie aidée, qui permet à nos compatriotes les plus défavorisés de bénéficier d’une couverture santé à un tarif préférentiel. La question du financement de la CFE est donc particulièrement importante pour identifier des pistes de réforme. Cette inspection a été diligentée par les ministères en charge de la sécurité sociale et du budget, qui exercent la tutelle de la CFE. J’y serai bien sûr très attentive. »

LFP : La session plénière de l’AFE s’ouvre ce jour à Paris, quels messages allez-vous adresser aux élus qui représentent nos compatriotes hors de France ? Que faire des propositions de cette assemblée, qui restent souvent lettre morte ?

Sophie Primas : « L’AFE porte la voix des Français résidents à l’étranger et il est pour moi essentiel de poursuivre notre travail commun au bénéfice de nos compatriotes. Dans cette optique, le ministère et en particulier la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire est très à l’écoute des élus et veille à ce que leurs résolutions soient suivies d’effets dans la mesure où le droit le permet et de disposer du budget y afférant. Toutefois, certaines résolutions requièrent des évolutions législatives. Pour cette session en particulier, c’était le cas pour 1 résolution sur 5. D’autres résolutions échappent totalement au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ce qui en rend le suivi plus difficile. Mais je m’engage à ce qu’une priorité y soit donnée. »

« L’AFE porte la voix des Français résidents à l’étranger et il est pour moi essentiel de poursuivre notre travail commun au bénéfice de nos compatriotes. »

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