Sommet de la Francophonie - Djerba 2022

Sommet de la Francophonie - Djerba 2022

Une soixantaine de chefs d’Etat, de chefs de gouvernements et de ministres, se sont retrouvés à Djerba au 18ème Sommet de la Francophonie ces 19 et 20 novembre 2022. Après deux reports, le XVIIIe Sommet de la Francophonie s’est enfin tenu pour établir des stratégies de développement de la langue française mais aussi des États membres. Cette année encore, la France, représentée par Emmanuel Macron, a porté le projet, soutenu par le MEDEF, de relancer un espace économique francophone à travers l’organisation d’un forum économique, demain, lundi 20 novembre 2022.

« Je considère pour ma part que nous allons vers une francophonie renouvelée, où chaque pays a sa place« .

Louise Mushikiwabo – Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)

La langue française en recul ?

Mais en premier, c’est la place de la langue française dans le monde qui fut au coeur du week-end tunisien. Selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le français rassemble aujourd’hui 321 millions de locuteurs à travers le globe et est la 5ème langue mondiale.

Parmi eux, 255 millions de personnes font un usage quotidien du français. Mais l’avantage de notre langue, c’est la démographie des pays qui l’ont adoptée. Ainsi en 2060, c’est plus de 760 millions de personnes qui utiliseront le français, soit 8% de la population contre 3% actuellement. L’anglais lui ne sera plus parlé « que » par 560 millions de personnes, tandis que l’espagnol comptera 660 millions de locuteurs. Le français deviendra donc le premier idiome européen au monde. Seuls le mandarin, l’hindi et l’arabe seront parlés par plus de personnes. En continuant la projection démographique, le français pourrait même devenir la deuxième langue parlée au monde au cours du prochain siècle.

Un recul géopolitique ?

Comme l’a rappelé le président de la République à nos confrères de TV5MONDE, la démographie ne doit pas masquer les écueils qui menacent notre langue. Emmanuel Macron, dans l’extrait ci-dessus, évoque la situation au Maghreb. Si en Tunisie le français n’est pas menacé, le glissement culturel au Maroc, qui l’amène chaque jour un peu plus vers un repli sur soi, fait disparaître son usage dans les jeunes générations.

Louise Mushikiwabo, Emmanuel Macron, Kaïs Saïed (président de la Tunisie), au sommet à Djerba le 19 novembre 2022 ©AFP

En Algérie, c’est sous l’impulsion de l’Etat, qui cherche à rendre responsable la France de la situation de la population sur place, que le français recule. Nous avions évoqué l’ajout de l’anglais, à la rentrée 2022, dans les classes dites de « primaire » des écoles algériennes aux dépens des heures de français.

Tandis qu’ailleurs, la politique peut être un garant du respect de la francophonie. C’est le cas du Canada et en particulier du Québec où l’encadrement juridique de l’utilisation du français est prégnant. Il est en plus renforcé par une politique migratoire qui favorise, largement, ceux qui maîtrisent le français, et ce quelles que soient leurs origines. Pour les Africains, mais aussi les Européens, c’est souvent la porte d’entrée privilégiée pour le nouveau monde.

Le numérique

Pour renforcer la langue française et bâtir un espace de prospérité commun, les pays francophones misent sur le numérique. C’est d’ailleurs le thème retenu pour ce sommet.

Dans le paysage linguistique d’internet, l’arbre anglophone cache la forêt multilingue. Forêt dans laquelle la présence de la langue française régresse. Non pas tant parce qu’elle diminue en terme absolu, mais parce que les autres langues progressent davantage. Pourtant, le français demeure le quatrième idiome utilisé sur la Toile, à égalité plus ou moins avec le russe, le portugais, l’hindi et l’arabe.

La cause de ce recul dont l’Organisation internationale de la Francophonie a bien conscience, c’est la fracture numérique dans les pays africains. Or, «le français a une promesse extraordinaire dans le futur», estime Daniel Pimienta, responsable de l’Observatoire de la diversité linguistique et culturelle dans l’internet et présent à Djerba, promesse qui s’appuie sur les perspectives démographiques du continent africain, comme nous l’évoquions plus haut.

«La vision de la Francophonie numérique est celle d’une civilisation respectueuse du droit international relatif aux droits de l’Homme, et des prérogatives de l’Etat de droit, dans laquelle les Etats respectent et protègent les valeurs démocratiques et les libertés fondamentales, en ligne comme hors ligne, tout en poursuivant les idéaux de diversité et d’inclusion, d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que ceux de la diversité culturelle et linguistique»

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans son dossier de presse

Pour tenter d’amorcer la réduction de la la fracture numérique sur le continent africain, Business France et France EduNum International (FENI) ont organisé un colloque ce 19 novembre 2022.

Cet événement avait comme thème les technologies pour l’éducation et la Francophonie, les débats se sont déroulés en présence de la délégation française d’entreprises du numérique pour l’éducation et la formation. 

Trois tables rondes se sont succédées, rassemblant des institutionnels français, des décideurs africains et des experts de la EdTech francophone, pour échanger sur les sujets suivants :

– Regards croisés sur les enjeux du numérique du service de l’éducation et de la formation 

– Le numérique au service de l’employabilité tout au long de la vie professionnelle

– EdTech et impact : porter l’éducation et la formation sur de nouveaux territoires

Stratégie économique pour la Francophonie 2022-2026

Adoptée lors de la 39e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie le 10 décembre 2021, la Stratégie de la Francophonie numérique 2022-2026 engage les États et gouvernements membres, l’OIF et les autres acteurs de la Charte de la Francophonie. C’est la première fois que les responsables politiques se réunissaient depuis son adoption.

La stratégie vise à créer une sphère d’influence pour la langue française et pour l’expertise francophone sur la scène multilatérale, notamment sur les marchés internationaux et dans le développement de normes internationales liées au numérique, à développer un espace numérique inclusif, responsable, solidaire, sain et sécurisé, favorisant la diversité culturelle et linguistique, et à accélérer la transformation numérique au service du renforcement de la démocratie et des droits de l’Homme en fournissant des informations fiables et de qualité, et luttant contre la désinformation, la haine en ligne et les discriminations sous toutes leurs formes.

Si on est loin de trouver un cadre commun, certaines règles ou dispositions voulues par les pays démocratiques et les économies libérales peuvent encore s’opposer à la résistance de certains régimes, les observateurs s’accordant pour affirmer qu’il y a une volonté commune chez tous les membres de traiter les priorités économiques. Et dans ce sillage, le 18ème Sommet de la Francophonie 2022 a accordé une priorité à la situation économique des jeunes et des femmes, puisqu’ils ont été particulièrement touchés par la précarité des suites de la pandémie de Covid-19.

Téléchargez le rapport émis en 2021 sur la stratégie économique pour la Francophonie :

Un environnement international instable

La réunion des chefs d’Etats et de gouvernements francophones fut aussi l’occasion d’aborder les grands enjeux internationaux. Préoccupations autour des droits démocratiques, incertitude concernant la tenue des Jeux de la Francophonie en 2023, impact de la guerre en Ukraine sur les pays africains, conflit entre le Rwanda et la République démocratique du Congo… les sujets n’ont pas manqué.

RDC – Rwanda

La situation entre ces deux pays africains a particulièrement plombé l’ambiance. Le Chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, s’est fait représenter par son Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, du fait de l’invasion de l’est du pays. Tandis que leur opposant, Martin Fayulu, pour une fois, a joint sa voix au couple exécutif, en exigeant la condamnation du Rwanda par l’OIF.

« Si le sommet de la francophonie qui débute aujourd’hui à Djerba en Tunisie ne condamne pas l’agression de la RDC par le Rwanda à travers ses supplétifs de M23, cette institution internationale perd sa raison d’être. Et la RDC n’aura plus aucun intérêt à en rester membre »

Martin Fayulu, deuxième à l’élection présidentielle en RDC de 2018
Dans l’Est de la République démocratique du Congo, plus précisément dans le camp de Kanyaruchinya, des dizaines de milliers de personnes, toutes fuyant l’avancée des rebelles du M23 qui contrôlent une partie du territoire de Rutshuru, continuent de s’entasser dans cette contrée qui mène vers Goma, dans le Nord-Kivu. ©digitalcongo 07/11/2022

Ukraine

L’autre grand sujet, ce fut bien sûr la guerre en Ukraine. Le conflit a mis sous tension les exportations de céréales et engrais ukrainiens comme russes. L’Afrique est d’ailleurs la région la plus touchée par cette guerre en raison de la dépendance des pays africains à ceux-ci.

L’OIF, qui n’a que peu d’influence sur le contexte international, a toutefois abordé le dossier du Sahel et de l’insécurité dans cette région qui concerne plusieurs pays membres, sans apporter de nouvelles solutions.

Laisser un commentaire

1 Comments

  1. […] Si tu veux reussir, il faut parler « Anglais ». Une nouvelle inégalité qui s’affirme de plus en plus dans ce monde. Le week-end du 19 et 20 novembre 2022, on a célébré la francophonie . Plus exactement le 18ème sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie à Djerba en Tunisie, mais surtout les cinquante ans de la langue française sur les territoires étrangers. Selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le français rassemble aujourd’hui 321 millions de locuteurs à travers le globe et est la 5ème langue mondiale. Parmi eux, 255 millions de personnes font un usage quotidien du français. Mais l’avantage de notre langue, c’est la démographie des pays qui l’ont adoptéehttps://lesfrancais.press/sommet-de-la-francophonie-djerba-2022/. […]

Laisser un commentaire