La semaine fut folle à Paris, tout le microcosme politique était sur les dents, les allers-retours entre Matignon et l’Élysée, les réunions dans les grands hôtels pour la gauche, les rendez-vous en visio ou dans les QG pour la droite… Un spectacle dont les Français se seraient bien passés et qui a fait rire toute la planète. Et ce vendredi 10 octobre, au soir, c’est le dernier acte qui s’est joué. Emmanuel Macron a finalement décidé de renommer comme Premier ministre, Sébastien Lecornu. On fait le point pour les Français de l’étranger
Sébastien Lecornu, le « moine soldat »
Emmanuel Macron a estimé qu’il y avait « un chemin possible » pour « tisser des compromis et éviter la dissolution », selon des propos de son entourage à l’Agence France-Presse. « C’est sur cette base que désormais il prendra ses responsabilités en nommant un premier ministre », a ajouté un proche du chef de l’État.Et c’est donc, bien à Sébastien Lecornu d’incarner cette voie, bien mince, pour gouverner la France de 2025. Et ce malgré, ses déclarations affirmant qu’il ne voulait pas « rempiler », en fidèle d’Emmanuel Macron, il a donc accepté de relever le défi.
Son interview au journal de 20h, mercredi, a dû jouer dans la balance ! En effet, Sébastien Lecornu a gagné 7 points d’opinions positives chez les électeurs de gauche et des écologistes (à 22 %), 17 points chez ceux de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour (à 26 %), et surtout, 15 points chez ceux d’Emmanuel Macron (à 50 %). « Il arrive aujourd’hui en quatrième position chez les électeurs macronistes, derrière les poids lourds Edouard Philippe, Gabriel Attal et Gérald Darmanin », indique Vincent Thibault, directeur général de l’institut de sondage ELABE.
Des défis tous urgents et prioritaires
Le nouveau « ancien » Premier ministre, Sébastien Lecornu, va devoir, en tout cas rapidement renouveler certains ministres. Mais ce qui est sûr, c’est que l’équipe ministérielle devra s’atteler rapidement à la tâche.
Déjà, dès lundi, le gouvernement, composé ou non, devra présenter une première ébauche de budget à l’Assemblée nationale. Mais il y a déjà un problème. Car comme le rappelait Pierre Moscovici, le Premier président de la Cour des comptes, dans une interview au « Parisien » parue jeudi soir, le projet de loi de finances que le gouvernement doit déposer ce lundi ne pourra pas être différent de celui sur lequel le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) s’est penché cette semaine et s’apprête à rendre son avis. Une séquence, lourde et houleuse, et aux enjeux fondamentaux, occupera donc le gouvernement ces prochaines semaines.
Mais quand on traite le budget, on balaie toute la politique de la Nation. C’est donc un exercice avec de nombreuses chausse-trappes qui attend Sébastien Lecornu.
Avec son gouvernement, il devra réduire les dépenses, augmenter les recettes et tenter de satisfaire les desiderata des uns ou des autres pour échapper à une censure.
Au menu, les retraites, toujours pas financées… Alors que les actifs sont prélevés à hauteur de près d’un quart de la rémunération affectée par les entreprises, la moitié des pensions sont financées par l’emprunt. Une charge qui ne fera que s’alourdir au cours des 30 prochaines années. Mais comment alors répondre aux exigences de la gauche qui veut un retour aux 60 ans… ?
À droite, c’est le volet immigration qui cristallise toutes les inquiétudes. Pourtant, M. Retailleau, qui a passé plusieurs mois au gouvernement, n’a, par exemple, pas trouvé la solution miracle pour mettre fin à l’accord signé entre la France et l’Algérie le 27 décembre 1968. Ce dernier réglemente le séjour des ressortissants algériens en France et l’Algérie ne compte pas y renoncer.
Sans oublier, le volet international, car la Russie et l’Ukraine se battent toujours, la Chine regarde encore avec envie Taiwan, etc. La situation mondiale, marquée par le désengagement américain, exige un financement massif de notre armée.
Sébastien Lecornu a donc devant lui, de nouveau, une équation difficile à résoudre. Bénéficiera-t-il de la bienveillance de ses opposants pour le bien de la France ?
LFI et le RN : main dans la main ?
Évidemment, il ne faudra pas compter sur une union nationale. Non conviés ce vendredi après-midi à l’Élysée, le Rassemblement national (RN), qui ne jurait que par la dissolution, comme La France insoumise (LFI), qui exigeait la démission du chef de l’État, sont les deux grands perdants de la séquence. À moins que les prochaines semaines tournent à la catastrophe, alors ils pourront se prévaloir de leur analyse.
Cependant, ce vendredi, c’était la rancœur qui dominait les deux partis des extrêmes. Tenue à l’écart de la réunion actuelle à l’Élysée, Marine Le Pen dénonce un « spectacle déplorable » depuis Le Mans où elle est en déplacement.
« Je m’interroge sur la fonction présidentielle. Est-ce qu’il est vraiment du rôle du président de la République d’organiser ainsi une réunion de marchands de tapis (…) dans l’unique objectif d’essayer d’éviter des élections qui sont pourtant la voie prévue par la Constitution lorsqu’il existe un blocage ? »
Marine Le Pen au Mans ce 10 octobre 2025
Mais le Rassemblement national et La France insoumise n’ont donc pas été conviés. L’information partagée par l’entourage d’Emmanuel Macron c’est tout simplement qu’ils « ont tous les deux indiqué rechercher la dissolution ». Peu après cette explication, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a dit sur X que cela était « faux ». Rappelant leur message exigeant le départ du président de la République.
« Nous, on veut faire partir [Emmanuel] Macron. Pas le sauver comme le RN qui a refusé deux fois de voter pour la motion de destitution du président ».
Que va faire le RN ? Ou LFI ? S’unir pour faire tomber le nouveau gouvernement afin de provoquer, pour l’un, une nouvelle dissolution, alors que l’autre veut « guillotiner » l’actuel chef de l’Etat. La réponse dans les prochaines semaines.
Quid des Français de l’étranger ?
En cette période de disette budgétaire, les projets liés aux Français de l’étranger risquent de passer, sans remord, à la trappe. Pourtant, ils sont les meilleurs alliés du bloc central, comme l’ont démontré les résultats lors des 5 dernières élections nationales.
Car du côté des Français de l’étranger, les sujets ne manquent pas : entre l’avenir des écoles françaises dans le monde au sein du réseau de l’AEFE en jeu, et le futur de la Caisse des Français de l’étranger aujourd’hui menacée, les expatriés attendent une réelle prise en compte de leur quotidien. D’autant plus que les Assises de la protection sociale sont sur le point de publier leurs conclusions.
D’autres sujets restent ouverts. Les conventions fiscales en cours, notamment celle avec la Belgique qui n’est toujours pas ratifiée, ou bien encore les problématiques liées à la retraite rencontrées par nos compatriotes hors de France, notamment en Thaïlande, figurent dans les urgences du prochain gouvernement. Sans oublier la question de la sécurité de nos ressortissants dans plusieurs pays, et le développement économique de nos entreprises françaises en dehors du territoire national.
Auteur/Autrice
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Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
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