L’Angleterre a abandonné, jeudi 27 janvier 2022, la quasi-totalité des dernières restrictions en vigueur pour lutter contre la Covid-19. Le gouvernement britannique a estimé que la population devait s’habituer à vivre avec le virus comme elle le fait déjà avec la grippe.
Après avoir mis un terme, il y a une semaine, à la recommandation de travailler chez soi pour ceux qui le peuvent, l’Angleterre abandonne à présent les autres restrictions – comptant parmi les plus légères en Europe – introduites en décembre face à la déferlante de cas Omicron. C’est-à-dire l’obligation du port du masque en intérieur dans les lieux publics et le passeport vaccinal pour les événements accueillant un public nombreux.
Nous sommes allés à la rencontre des entreprises françaises au Royaume-Uni, pour savoir comment elles perçoivent la reprise.
Deux années compliquées pour les commerces
Oliver est originaire de Bruxelles et habite en Angleterre depuis quatre ans. Il est dans un groupe de musique Eighties en tant que chanteur lead. “Avant la Covid, nous tournions à 80 dates par an, pendant la Covid nous n’étions à aucune date et progressivement nous revenons à 1 à 2 dates par week-end. C’était le rythme que nous atteignions avant la Covid.”
Des “stop and go” rendant l’activité difficile
Installée depuis six ans à Londres, Margaux Cras dirige deux salons de coiffure. Elle confie que les « stop and go » ont été brutaux physiquement et mentalement pour ses équipes. Effectivement, ces dernières étaient privées des plaisirs rendant la vie agréable à Londres, comme dans toutes les grandes villes, en période de confinement. De plus, au moment des réouvertures, ses employés ont croulé sous la demande intense des clients, et ne pouvaient prendre de repos pendant six à huit semaines. La patronne a donc décidé de rallonger la durée des prestations et de rajouter des pauses supplémentaires à son personnel pour lui permettre de se reposer.
« C’était compliqué de refuser des clients étant donné l’impact de la crise sur les finances de l’entreprise. A l’instar de l’hôtellerie ou des salles de spectacles, un salon de coiffure fermé ne représente aucune entrée d’argent mais a toujours des charges à payer ».
Margaux Cras, Français de Londres et dirigeante de deux salons de coiffure
Elle revient tout de même sur un point positif tiré de cette période sombre. Durant le premier confinement, elle en a effectivement profité pour ouvrir un deuxième salon, le « Margaux Salon Kentish Town ». Un pari osé mais réussi car elle a pu ouvrir directement à la levée de l’isolement, le 4 juillet 2020.
« Comme tout le monde était désespéré de ne plus avoir pu aller chez le coiffeur, nous avons été pris d’assaut dès le premier jour d’ouverture. »
Le port du masque obligatoire
La patronne indique livrer bataille sur plusieurs fronts à la fois, tels que la fréquentation toujours inférieure au niveau d’avant la pandémie, l’inflation galopante constatée chez ses fournisseurs, et la difficulté à recruter de bons profils. Pour couronner le tout, la gestion quotidienne de l’agenda est rendue particulièrement difficile à cause des nombreuses annulations de dernière minute de la part des clients ou des employés, et dues au variant Omicron.
Cependant, elle se félicite d’avoir réussi à fidéliser une vraie communauté de clients attachée au salon qui continue « à venir se faire chouchouter ici, quand tant d’autres commerces restent vides ». Elle se demande si cela est dû à leur approche plus prudente. En effet, dès le début de la pandémie, les deux salons ont rallongé leurs horaires d’ouverture pour diminuer le nombre de personnes présentes simultanément dans l’entreprise. Aussi, le port du masque reste obligatoire à l’intérieur. Des décisions qui inspirent la confiance chez ses clients d’après Margaux.
Une reprise certaine mais prudente
« Depuis janvier 2022, nous sentons une énergie nouvelle et les prémices d’un retour graduel vers plus de normalité ».
La cheffe d’entreprise a fait fermer ses salons pendant deux semaines pour permettre à ses salariés de se reposer durant les fêtes de fin d’année, et depuis la rentrée tout le monde est au rendez-vous. Chaque week-end, ils sont complets et voient sans cesse de nouvelles personnes franchir leurs portes. « Nous avons entre 20% et 30% de nouveaux clients, et en janvier ce ratio est même monté à 55% ! Il est frappant de constater que cela se vérifie tant pour celui établi à Highbury que pour le nouveau à Kentish Town ». Margaux estime que le retour à un semblant de vie sociale et la réouverture progressive des bureaux y est pour beaucoup. Elle pense que 2022 sera bien meilleure que les deux dernières années.
Les conséquences du Brexit
Benjamin, habitant de Londres depuis 2013, est le CEO (Chief Executive Officer) du groupe Marcel Market. A ses yeux, avec la période post-Brexit qui est en train de s’amorcer et les nouvelles réglementations sur les certificats sanitaires, il sera compliqué d’importer de la nourriture pour les petites sociétés comme la sienne.
« Nous avons beau avoir le soutien et être partenaire d’une grande chaîne alimentaire française, nous n’avons pas d’autres choix que de fermer. Nous travaillons sur Marcel Market depuis 2017.”
Benjamin, habitant de Londres et CEO du groupe Marcel Market
Benjamin explique que le gouvernement a, à plusieurs reprises, repoussé la mise en place du contrôle à la frontière sans pour autant expliquer clairement les règles qui seront mises en place. C’est pourquoi il préfère attendre avant de rouvrir. Une décision qu’il juge bonne car les règles vont progressivement entrer en vigueur dans le courant de l’année et vont l’obliger à réduire son offre. D’après lui, ajouter les frais des certificats et des opérations en douane rend toute rentabilité impossible.
« Si vous regardez du côté de Calais, le passage en douane est un cauchemar. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des camions bloqués des journées entières à la frontière. Pour nous la reprise est synonyme de liquidation. »
Finalement, pour la plupart des Français établis au Royaume-Uni, la reprise est prudente. Pour d’autres, elle n’existe tout simplement pas, à l’instar du café sur la péniche à Londres et de The Floating boulangerie, qui ont tous deux fermé définitivement en décembre 2021.
Laisser un commentaire