Robert Habeck : le nouveau super ministre allemand de l’Écologie

Robert Habeck : le nouveau super ministre allemand de l’Écologie

Berlin a un nouvel homme fort : le codirigeant des Verts et futur vice-chancelier Robert Habeck, dont le pragmatisme et les résultats obtenus dans le Schleswig-Holstein semblent taillés sur mesure pour stimuler l’expansion des énergies renouvelables en Allemagne.

Alors que Bruxelles se prépare à d’âpres négociations sur le plan climatique 2030 proposé par l’UE, le paquet « Fit for 55 », Berlin vient de désigner un nouveau vice-chancelier qui sera un acteur clé des discussions à venir.

Robert Habeck, le tout premier ministre écologiste de l’Économie, de l’Énergie et, désormais, de la Protection du climat, est à la tête d’un super-ministère qui couvrira la politique économique générale, ainsi que les PME, les énergies renouvelables et l’indispensable expansion du réseau électrique du pays.

Reprenant un ministère précédemment détenu par le conservateur Peter Altmaier, Habeck ajoutera le portefeuille du climat à son mandat et créera un véritable super-ministère de près de 2 000 personnes, plus important que les DG ENER, ENV et CLIMA de la Commission européenne réunies, avec un budget supérieur à 10 milliards d’euros.

Le nouveau super-ministre allemand était jusqu’à présent une anomalie dans le monde de la politique — sa nature décontractée lui a valu le surnom de « panda de la politique allemande ». Mais au moment où il prend les rênes, il semble déterminé à saisir l’occasion et à faire la différence.

« Les défis radicaux appellent à des solutions radicales », a déclaré M. Habeck dans une interview de 2018 avec l’émission ZDF heute, appelant les Verts à rester fidèles à leurs valeurs plutôt que de les compromettre pour plaire au centre.

Faire cela dans la position d’un ministère qui a traditionnellement défendu les intérêts de l’industrie ne sera pas facile.

« Jusqu’à présent, le ministère de l’Économie a agi comme un défenseur des industries énergivores vis-à-vis du ministère de l’Environnement. Cette nomination devrait y mettre un terme », a déclaré Marco Beicht, fondateur de la société de logiciels Powercloud, dans une interview accordée à FAZ.

La plus grande force de ce philosophe de 52 ans est peut-être son sens de la communication. M. Habeck est connu pour avoir convaincu les pêcheurs et les défenseurs de l’environnement de l’importance de construire des parcs éoliens offshore.

« C’est plus un généraliste qu’un spécialiste, et il a une façon de simplifier les questions complexes », a déclaré à l’AFP Uwe Jun, politologue à l’université de Trèves.

Politique intérieure

La nomination de M. Habeck au ministère de l’Economie, alors que sa collègue de parti Steffi Lemke devrait devenir ministre de l’Environnement, pourrait représenter un changement de paradigme pour l’industrie allemande.

L’une des raisons pour lesquelles les chefs d’entreprise allemands ne paniquent pas encore est le fait que Christian Lindner, le leader du FDP, le parti libéral favorable aux entreprises, deviendra ministre des Finances et offrira un contrepoids à Habeck.

« MM. Habeck et Lindner forment un duo avec un potentiel de tension », a déclaré Moritz Kraemer, économiste en chef de la banque LBBW, dans des commentaires à FAZ.

En outre, le fait que M. Habeck soit connu pour avoir été ministre d’État dans le Schleswig-Holstein et un soi-disant « pragmatique » au sein des Verts contribue à apaiser les inquiétudes des entreprises.

« M. Habeck a montré au Schleswig-Holstein qu’il s’y connaissait en économie. Un ministre fédéral de l’économie écologiste est synonyme de réconciliation entre l’économie et l’écologie », a déclaré à la FAZ Nikolas Stihl, président du fabricant de tronçonneuses Stihl.

La mission principale de M. Habeck sera de faire avancer la sortie de l’Allemagne du charbon et de doubler la production d’énergie verte du pays pour atteindre l’objectif de 80 % d’électricité renouvelable fixé dans le nouvel accord de coalition.

La date de l’abandon du charbon fixée à 2038 par le gouvernement d’Angela Merkel était intenable pour les Verts et M. Habeck faisait partie de ceux qui ont fait pression pour que la nouvelle coalition ait l’ambition d’éliminer progressivement le charbon le plus tôt possible, « idéalement » en 2030.

La  transition écologique de l’Allemagne s’est essoufflée ces dernières années en raison du manque de soutien populaire pour les nouvelles lignes électriques et les éoliennes terrestres, et l’une des compétences clés de M. Habeck consiste à surmonter ce déficit d’acceptation.

Dans le Schleswig-Holstein, il a supervisé le doublement de la capacité d’énergie renouvelable grâce à son approche de « participation publique la plus précoce possible et intensive » visant à réduire les poursuites judiciaires contre les éoliennes.

Mais M. Habeck est également conscient que sa tâche en tant que ministre fédéral sera un défi de taille.

« La neutralité climatique est un projet de transformation gigantesque, avec d’immenses changements et impositions, qui doit être modéré », a-t-il déclaré à la SZ, ajoutant qu’il s’attendait à des négociations difficiles.

« Les ennuis et les querelles se cachent derrière chaque buisson », a-t-il déclaré, comme le rapporte Clean Energy Wire (CLEW). « Il s’agit d’y faire face et de résoudre les conflits ».

Politique européenne

Le vice-chancelier hérite également d’une foule de propositions politiques au niveau de l’UE : en juillet 2021, la Commission européenne a proposé un ensemble massif de mesures destinées à atteindre les objectifs climatiques 2030 du bloc, à savoir réduire les émissions de 55 % avant la fin de la décennie.

Ce train de mesures sera complété par un « paquet gaz » en décembre, un ensemble de lois qui seront vitales pour l’Allemagne, dépendante du gaz.

Bien que l’accord de coalition stipule que, « dans les négociations sur le programme européen “Fit for 55”, nous soutenons les propositions de la Commission européenne », des tensions pourraient bientôt apparaître entre les Verts et le FDP, favorable aux entreprises, qui épouse l’approche de « neutralité technologique » de l’industrie allemande en matière de réglementation.

Dans ce qui est apparu comme un compromis avec le FDP, la nouvelle coalition gouvernementale vise ainsi à « rendre les instruments des différents secteurs aussi neutres que possible sur le plan technologique. »

La neutralité technologique est un refrain bien connu des associations industrielles allemandes.

Lorsque la Commission européenne a proposé, plus tôt cette année, d’interdire le moteur à combustion interne en 2035 dans le cadre de son paquet «Fit for 55 », l’association des constructeurs automobiles allemands VDA a déclaré : « Cela nuit à l’innovation et entrave la neutralité technologique ».

Si les constructeurs automobiles allemands comme Volkswagen et Daimler ont pris le virage de la mobilité électrique, d’autres parties de l’industrie automobile allemande voient encore un avenir dans le moteur à combustion interne.

« Dans le domaine de la mobilité, un haut degré d’ouverture technologique est nécessaire pour atteindre l’objectif à long terme de neutralité climatique de manière aussi rentable et abordable que possible », peut-on lire dans l’analyse de l’accord de coalition allemand par la puissante association industrielle BDI.

Une dernière note pour ceux qui souhaitent suivre M. Habeck : à la suite d’une bourde en 2019 à l’issue de laquelle il a qualifié un État est-allemand d’antidémocratique, il a supprimé ses comptes Twitter et Facebook, mais il reste relativement actif sur Instagram.

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