A une semaine de la rentrée scolaire, les questions s’accumulent. Maintien de la rentrée en présentiel ? Normes françaises ou locales ? Coûts des cours ?
La France est le pays qui dispose du plus important réseau scolaire au-delà de ses frontières. Ce réseau accompagne la mobilité croissante des familles françaises à l’international. Il est aussi un instrument de rayonnement grâce à l’accueil d’élèves de nationalités étrangères (60 % des effectifs). Il remplit ainsi une mission de scolarisation des enfants des familles françaises établies hors de France et de formation d’une partie de la jeunesse de 139 pays.
Par cette double mission, le réseau scolaire participe à l’image, à la présence et à l’influence de la France dans le monde et porte, partout, les valeurs universelles humanistes qui sont le fondement de son modèle républicain.
Cependant, comme en France, et même encore plus, il fut déstabilisé par les fermetures, l’instauration de nouvelles normes, la mise en place de cours à distance.. Alors que les rentrées commencent un peu partout dans le monde, lesfrancais.press font le point pour vous sur les mesures prises dans le cadre de la pandémie.
Les dates de rentrée scolaire adaptées à la situation de chaque pays
Alors que les premiers établissements français ont fermé en janvier, plus d’un tiers d’entre eux subiront une rentrée décalée au cours du premier trimestre et pour certains ça serait au plus tôt en 2021.
Comme au Pérou où aucune rentrée scolaire ne peut être organisée avant le mois de février.
Chaque pays émet ses propres recommandations que les établissements scolaires présents sur place doivent respecter. La décision de procéder à l’accueil ou non des élèves dépend, en effet, de 3 acteurs, comme indiqué les autorités locales mais aussi le Chef de poste diplomatique (ambassadeur ou consul) et l’AEFE.
Au Maroc, les autorités du Royaume Chérifien ont décidé de reporter au lundi 7 septembre la rentrée des classes pour les élèves des établissements d’enseignement français au Maroc. Cette décision a été prise conjointement par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, l’AEFE, la CCPL Maroc et l’Ambassade de France au Maroc.
La rentrée se fera, donc, le mardi 1er septembre pour les enseignants et le personnel encadrant les élèves de ces établissements afin de préparer un retour des classes dans les meilleurs dispositions sanitaires possibles. Les mesures à adopter seront diffusées par le gouvernement marocain d’ici la fin du mois d’août.
Tandis qu’aux USA, pays frappé de plein fouet par la Covid-19, les rentrées ont, tout de même, commencé. Sur le pays continent, les situations sont différents d’un Etat à l’autre. S’appuyant sur l’expérience accumulée depuis le début de l’année civile, l’AEFE a déployé 3 kits pédagogiques à la disposition des directeurs d’établissements français allant du 100% numérique au tout présentiel.
3 scénarios possibles pour les rentrées scolaires des établissements français
L’AEFE a donc prévu 3 scénarios pour les rentrées des petits écoliers français à travers le monde. L’un ou l’autre sera mis en place selon les décisions prises au niveau local. Dans tous les cas, l’accent sera mis sur la consolidation des acquis des années précédentes et une révision des cours du dernier trimestre de l’année 2019/2020.
Premier cas : les cours à distance
La fin des cours en présentiel a marqué un véritable changement de logique pédagogique qui a obligé à mettre en place et à développer rapidement des outils d’enseignement et d’accompagnement en ligne. Ce défi s’est traduit par une mobilisation sans précédent des équipes de l’AEFE – inspecteurs, conseillers pédagogiques, enseignants formateurs. Celles-ci ont élaboré un vade-mecum, constitué de fiches thématiques, pour aider les équipes de direction et les enseignants du réseau. Régulièrement actualisé, ce recueil en est aujourd’hui à sa quatrième version.
30 000 actions de soutien individuelles ou collectives ont également été menées par les enseignants formateurs pour améliorer l’offre éducative à distance. C’est donc sur le corps professoral et la volonté de ses titulaires d’accompagner leurs élèves que le réseau comptent pour animer les cours via les outils mis en place sur la plateforme du CNED et de l’AEFE « Ma classe à la maison » depuis le début de l’année 2020.
Deuxième cas : un mix entre présentiel et cours en ligne
Dans certains pays, il ne sera pas possible d’accueillir tous les élèves pour tous les cours. Plusieurs raisons à cela, les normes dans les pays de résidence qui peuvent demandes des distanciations physiques incompatibles avec la vie d’une classe de 20 à 30 élèves. Et plus prosaïquement, les professeurs n’ont pas, tous réussi, à rejoindre leur lieu d’affectation. Comme à Pékin, où il manque un cinquième du corps professoral.
Dans les deux situations, il pourra être mis en place une rotation des élèves présents et l’organisation de cours en ligne pour ceux qui ne peuvent être dispensés en classe. Certains professeurs pourraient voir leur gamme de matière enseignée élargie afin de palier à l’absence des professeurs bloqués par les mesures liées à la Covid-19. Si il n’y a pas de solutions locales, les cours seront assurés via le module en ligne.
Troisième cas : le tout présentiel
Enfin si cela est possible, la priorité sera donné à un retour à la normale même si certaines normes devront être respectées comme le port du masque lors des déplacements, le respect des distances physiques, etc. C’est le scénario qui sera privilégié en Europe. Cependant rien n’empêche selon l’évolution de la pandémie dans le pays, qu’un établissement qui a commencé en 100% présentiel de basculer sur un autre scénario comme le 100% numérique.
En tout cas, des consignes ont été transmises à tous les professeurs, quelque soit la matière, d’être particulièrement attentif à l’élocution et à la maitrise du français pour les non-nationaux. En effet, plus de la moitié des élèves ne sont pas Français, ils ne pratiquent donc pas la langue à la maison. Leurs longues absences des bancs de l’école depuis février, pour certains, ont pu mettre en péril l’acquisition du Français, surtout pour les plus jeunes.
Un financement toujours pas bouclé !
Le gouvernement a annoncé ce printemps une avance faite par France Trésor de 100 millions d’euros au réseau de l’AEFE, à rembourser sous 12 mois. Les parents auraient, donc, dû rembourser ce prêt indirectement sur les frais d’écolage. Les sénateurs et élus consulaires ont demandé que cette somme ne soit plus un prêt mais inscrite au programme 185 pour permettre à l’AEFE de faire face à la crise (Le programme 185 est la ligne budgétaire correspondante au budget de l’enseignement Français à l’étranger). ils ont également demandé que la distribution de cette aide ne soit pas centralisée à Paris au sein de l’AEFE mais qu’il y ait une remontée des ambassades, des services culturels et des élus locaux pour faire un état des lieux de la situation locale.
La grande déception est que seuls 50 millions d’euros seront effectivement versés dans le budget sous la forme de crédits dont pourra bénéficier complètement l’AEFE et 50 millions resteront une avance France Trésor.. toujours à rembourser en Mai 2021.
Des familles en « grogne »
Cependant de nombreuses familles sont touchées de plein fouet par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Elles se sont mobilisés entre autre dans le groupe « Avenir des Lycées Français en danger » et ont même lancé une pétition depuis le 1 juin qui a plus de 3800 foyers.
En effet, Certaines enregistrent une importante baisse de leurs revenus, tandis que d’autres sont confrontées à la perte de leur(s) emploi(s). La situation est particulièrement préoccupante dans les pays touristiques, où beaucoup de parents travaillent dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du voyage.
L’impossibilité pour ces familles d’assurer le paiement des frais de scolarité du troisième trimestre, doublée du sentiment que ces frais sont disproportionnés par rapport au service rendu à distance par les enseignants, a fait naître un mouvement de contestation, à coups de pétitions et de courriers, très actif dans certaines zones.
Face à cette « grogne grandissante » selon les termes de certaines associations de parents d’élèves, des établissements dotés d’une trésorerie suffisante ont décidé de mettre en place des mesures pour aider les familles les plus en difficulté (échelonnement des paiements, remise sur les frais de scolarité du troisième trimestre, attribution de bourses exceptionnelles, mobilisation de fonds de solidarité…).
L’AEFE refuse toute remise
Malheureusement de son côté, l’AEFE a adopté une position très ferme à l’égard des velléités de non-paiement ou de réduction des frais de scolarité. Comme l’a expliqué son directeur au groupe de travail du sénat qui a émis un rapport sur l’impact de la Covid-19 sur la culture et l’éducation , la multiplication des « ristournes » provoquerait un effet boule de neige d’un établissement à l’autre et entraînerait le réseau sur une voie dangereuse.
À terme, c’est l’ensemble de son fonctionnement qui s’en trouverait menacé, celui-ci reposant entre 60 à 70 % sur les droits d’écolage. Pour le seul troisième trimestre, les frais de scolarité représentent une rentrée financière de 650 millions d’euros, tous établissements confondus (établissements en gestion directe, établissements conventionnés et établissements partenaires).
Une hausse des coûts scolaires à prévoir pour cette année 2020/2021
Si le mouvement de contestation des frais de scolarité de ces dernières semaines est d’abord lié à une conjoncture exceptionnelle, il révèle aussi un problème structurel, celui du niveau de ces frais.
Le constat est bien connu : les montants moyens des frais de scolarité dans le réseau français, s’ils demeurent deux à trois fois inférieurs à ceux des autres systèmes scolaires internationaux, ont sensiblement augmenté au cours des dernières années. Entre 2012 et 2019, ils sont ainsi passés de 4 290 euros à 5 658 euros en moyenne, soit une hausse de 31,9 %. En détaillant par statut d’établissement, pour l’année 2019-2020, les frais de scolarité par élève se sont élevés à12(*) :
4 584 euros en moyenne dans les établissements en gestion directe ;
6 042 euros en moyenne dans les établissements conventionnés ;
5 852 euros en moyenne dans les établissements partenaires.
Cette augmentation masque toutefois de grandes disparités selon les zones géographiques, le statut des établissements, et même selon la nationalité des élèves. Si la scolarité est gratuité dans certains établissements, pour des raisons essentiellement historiques (en Allemagne, par exemple), les frais peuvent atteindre plusieurs milliers voire plusieurs dizaines de milliers d’euros dans d’autres.
Une augmentation cachant des disparités
L’écart est ainsi flagrant entre le lycée français de Tananarive, où la scolarité est inférieure à 10 000 euros et le lycée français de New York, où la scolarité se chiffre à plus de 30 000 euros. De plus, les modalités de détermination des frais de scolarité varient selon le statut de l’établissement : pour les Etablissement en Gestion Directe, les frais de scolarité sont déterminés par le directeur de l’AEFE, sur proposition de l’établissement ; pour les établissements conventionnés et partenaires, les frais de scolarité sont librement fixés. Enfin, les frais de scolarité peuvent être modulés en fonction de la nationalité des élèves. Ainsi, hors de l’Union européenne, les élèves de nationalité française sont parfois bénéficiaires de tarifs plus favorables que les élèves de nationalité étrangère.
La hausse des frais de scolarité doit aussi être mise en regard de la baisse de la part des crédits publics, composés de la subvention pour charges de service public et de l’aide à la scolarité (bourses), dans les recettes de l’AEFE. Aujourd’hui, les frais de scolarité assurent entre 60 % et 70 % du financement de l’AEFE, contre 52 % en 2012.
Gel des frais et du développement
La bonne nouvelle viendra peut-être des sages de la haute assemblée, en effet, le rapport émis par le Sénat préconise, conformément à l’article L. 452-2 du code de l’éducation qui prévoit que l’Agence veille « à la stabilisation des frais de scolarité », de contenir leur inflation en gelant, à son niveau actuel, la participation des familles au financement du réseau.
Pour cela, les Sénateurs demandent un moratoire sur le plan développement du réseau issu de la volonté présidentielle. En effet, Emmanuel Macron avait annoncé en 2018 le doublement des élèves dans le réseau français à l’étranger… C’était avant la crise financière et avant la Covid-19.
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