Plus haut (avec des tribunes perchées à 26 m pour le court Philippe-Chatrier), plus aéré grâce à des allées élargies, plus profond, Roland-Garros (qui court sur 12 hectares, contre 8,5 avant), s’étire maintenant sur 800 m d’ouest en est (16 courts de compétition). Le changement est visible à l’œil nu. « En dix ans, un demi-milliard d’euros, dont 160 millions pour le court Philippe-Chatrier, a été investi dans ce stade. Un financement sans aides publiques, la moitié par un emprunt bancaire, l’autre un autofinancement en raison des réserves constituées sur les marges du tournoi », résume Jean-François Vilotte, le directeur général de la Fédération française.
Gilles Jourdan, directeur des travaux lancés à l’automne 2015, présente : « L’idée de départ, c’était de trouver des mètres carrés et d’apporter de la fluidité. Avant, tout était concentré autour du Central ; on va étendre le public. C’est la raison pour laquelle il y a un court important à l’extrême ouest, le 14, et un court important à l’extrême est, le court Simonne-Mathieu, et au milieu se trouvent les deux plus grands courts. On espère que ce qu’on a fait va marcher. » Visite guidée, entre patrimoine et nouveautés.
Le court Philippe-Chatrier, l’élégance à la parisienne
L’écrin. Le 20 juin 2018, dix jours après la balle de match offrant à Rafael Nadal un 11e sacre à Roland-Garros, les travaux ont débuté. Le court central a été détruit à 80 %. « La chose qui n’a pas été modifiée, c’est la surface de jeu. La sueur de monsieur Lacoste, elle est là, en dessous. C’est la même chose depuis 1928 », raconte Gilles Jourdan, avant de détailler le contre-la-montre. « Un défi. On y est jour et nuit depuis six mois. Il y aura des “pétouilles”, mais c’est un exploit formidable d’avoir monté ce truc-là. Que voulait-on ? Du béton en bas avec le socle, l’histoire, les croix de Saint-André, on s’élève dans le ciel et c’est de la structure métallique. Faire tout en béton, c’était impossible en dix mois. Une structure métallique, oui. Tout le stade a été fait avant, préfabriqué. Les gradins ne sont pas coulés en place, c’est fabriqué ailleurs, on les amène, on les pose, c’est de l’industriel au millimètre près, ça tombe. Après, il y a la planification, comment on fait pour mettre notre Lego en place. Il y a plein d’endroits qui ne sont pas finis, mais ce sera planqué avec des cloisons, des bâches, une cosmétique importante, mais l’intérieur du court va être sympa. » Les premières rencontres seront disputées dimanche. Le central s’est élargi sur les côtés est et ouest d’une dizaine de mètres de chaque côté. La métamorphose est spectaculaire dans une enceinte qui imprime un nouveau code couleur ne retenant que l’ocre de la terre battue, le bois naturel, le gris du béton (en espérant le bleu du ciel) et un tout petit peu de jaune pour la balle. Exit le vert, sauf sur les bâches et les panneaux publicitaires. Pour laisser filer une ligne élégante. Une signature. Celle d’un tournoi qui joue la carte de l’élégance parisienne. Les courbes sont soignées avec des arrondis pour offrir plus de confort visuel et adoucir le tracé d’un court qui était rectangulaire. La capacité (15 000 places) est restée la même, mais l’assise et l’espace des spectateurs a été soigné dans un stade connecté. Une ceinture pour les hospitalités a été créée en transparence. Les joueurs disposeront de vestiaires plus spacieux et plus fonctionnels. L’ensemble n’attend plus que le toit (l’Open d’Australie en a trois, l’US Open et Wimbledon, deux). Les travaux commenceront dix jours après le tournoi 2019 pour assembler onze ailes. Le poids : 3 500 tonnes. Le toit coiffera le court en cas de pluie en 2020, les sessions de soirée n’entrant en jeu que pour l’édition 2021. Les tribunes du court passées de 18 à 26 m cette année atteindront alors 31 m.
Le court Simonne-Mathieu, l’innovation dans les serres
Le court semi-enterré de 5 000 places est planté dans le jardin des serres d’Auteuil, s’inspirant de l’architecture des serres historiques adjacentes de Formigé. Le projet a fait l’objet de multiples recours avant de se fondre dans le paysage pour proposer un cadre unique. Paul Guillou, responsable des espaces verts du XVIe arrondissement, indique : « Le parti prix d’aménagement dans les serres, c’est de faire un tour du monde autour du court avec les serres Afrique, Asie, Océanie et Amériques. » Autour, les bâtiments attenants, les meulières, ont été entièrement rénovés. Des hospitalités seront organisées durant le tournoi, une boutique et une épicerie s’installeront. Hors tournoi, l’ambition des organisateurs est de faire des bâtiments un lieu parisien majeur d’expositions culturelles et probablement un restaurant à l’année. Le nouveau court rend hommage à Simonne Mathieu, double lauréate des Internationaux de France (1938 et 1939), figure de la Résistance. Dans la hiérarchie des courts, il s’installera en troisième position après le court Philippe-Chatrier et le Suzanne-Lenglen. Le court no 1 sera, lui, détruit après le tournoi 2019.
«Ici, c’est un peu l’appartement témoin de ce que l’on aura en termes de voiries, de sols, de plantations dans le reste du stade»
Gilles Jourdan
Le « fond des Princes », le nouvel espace
À l’ouest du stade, la zone totalement rénovée est achevée. Elle héberge quatre nouveaux courts de compétition (nos 10, 11, 12 et 13) et deux courts d’entraînement (nos 15 et 16) posés derrière le court no 14 inauguré l’an dernier. « Avant le Suzanne-Lenglen, c’était un peu le mur de Berlin pour aller dans cette zone vers le fond du stade, on passait par le milieu, on faisait le tour, c’était compliqué », rappelle Gilles Jourdan. Avant de souligner : « La particularité c’est que, lorsqu’on se balade ici, on est au-dessus des courts. Avant, les courts étaient cloisonnés, les joueurs étaient habitués à jouer ainsi ; maintenant, c’est un peu plus sympa pour tout le monde, parce que vous voyez deux courts à la fois, vous passez de l’un à l’autre plus facilement, on déambule plus facilement. » Côté décor, promenant son regard sur le nouvel aménagement paysager, le directeur des travaux indique : « Ce qui est important pour nous, c’est de faire rentrer le bois de Boulogne, comme c’était un peu le cas dans les années 1980. On a planté des trucs partout. C’est l’ADN de Roland-Garros. Et ici, c’est un peu l’appartement témoin de ce que l’on aura en termes de voiries, de sols, de plantations dans le reste du stade, les pavés, les granits, les lampadaires, le mobilier urbain, de ce qui sera développé à l’avenir » dans ce stade qui bouge et qui, après les qualifications, attend les trois coups…
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