Lesfrancais.press ont eu l’occasion d’échanger avec Claudine Lepage, Sénatrice PS des Français établis hors de France. Secrétaire de la Commission culture, éducation et communication, membre de plusieurs groupes attachés au rayonnement français à l’étranger et Présidente du groupe d’amitié France-Canada, Claudine Lepage nous apporte son regard sur les sujets qui concernent les Français de l’étranger.
LFP : Mme la Sénatrice, voyez-vous la culture et l’éducation, francophone naturellement, comme un élément de « soft power » à la française?
Claudine Lepage :
Bien évidemment. L’enseignement du français et en français, la culture francophone sont des vecteurs d’influence pour notre pays à travers le monde. Ce serait d’ailleurs mentir de prétendre l’inverse.
« le français est en recul, notamment en Afrique, et il faudra développer à l’avenir un effort important pour former des enseignants ou nouer des partenariats avec des universités, si l’on souhaite que le français puisse notamment faire face à la concurrence d’autres langues »
Plus il y a de locuteurs en français, plus il y a d’amateurs de culture française ou francophone, plus l’influence de la France dans le monde est forte
. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Président de la République a mis l’accent sur la Francophonie et a lancé le projet de doubler les effectifs dans les établissements scolaires du réseau d’enseignement français à l’étranger d’ici 2030. Cependant il ne faut pas se leurrer, le français est en recul, notamment en Afrique, et il faudra développer à l’avenir un effort important pour former des enseignants ou nouer des partenariats avec des universités, si l’on souhaite que le français puisse notamment faire face à la concurrence d’autres langues. En effet, la France n’est pas le seul pays à mener une diplomatie culturelle : les Chinois, les Turcs pour ne citer qu’eux ont une politique très ambitieuse dans ce domaine.
La France bénéficie toujours d’un attrait particulier mais les situations sont désormais très différentes selon les pays.
LFP : Les épreuves du Baccalauréat et du brevet ont parfois été mouvementées dans l’Hexagone, avez-vous eu des retours de ce type chez les Français hors de France?
Claudine Lepage : Fort heureusement, les élèves des lycées à l’étranger ont pu passer l’examen du baccalauréat dans de bonnes conditions et aucune difficulté n’a été relevée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)
dans les établissements du réseau. Je regrette que, dans l’Hexagone, les examens aient été parfois mouvementés et regrette que le ministre Jean-Michel Blanquer n’ait pas eu un geste d’apaisement pour le corps enseignant.
LFP : Certains, notamment au sein de la majorité, pensent que l’avenir de l’enseignement français à l’étranger devrait plus s’appuyer sur des fondations et des financements privés. Le récent projet Odyssey à Casablanca, Bucarest et Bruxelles, va dans ce sens. Quelle est votre opinion sur le sujet?
Claudine Lepage : Je regrette bien entendu la baisse du budget consacré à l’enseignement français à l’étranger.
Le rebasage de quelques 30 millions d’euros annoncé par le gouvernement n’est en fait que l’équivalent de la coupe budgétaire de 33 millions d’euros effectué à l’été 2017. Ce n’est malheureusement pas une augmentation de budget.
« La marchandisation poussée à l’extrême de l’école représente un danger qui inquiète l’ensemble de la communauté éducative et particulièrement les parents qui craignent des frais de scolarité encore plus élevés pour une qualité d’enseignement moindre »
Je suis sceptique également sur le choix du gouvernement de s’appuyer davantage sur des fondations et des financements privés car qui dit investisseur, dit nécessairement retour sur investissement… La marchandisation poussée à l’extrême de l’école représente un danger qui inquiète l’ensemble de la communauté éducative et particulièrement les parents qui craignent des frais de scolarité encore plus élevés pour une qualité d’enseignement moindre. La crainte principale qui est également partagée par les enseignants est que les établissements, faute d’un budget suffisant, ne puissent plus à l’avenir recruter des enseignants titulaires. Cela serait une perte non négligeable pour les établissements du réseau.
J’estime aussi que l’homologation délivrée par le ministère de l’Éducation nationale, qui est un gage certain de qualité, devrait aller au-delà des seuls critères pédagogiques. Elle devrait également être un gage de bonne gouvernance. De plus, un suivi plus rigoureux de l’homologation devrait permettre de contrôler la qualité de l’enseignement dispensé.
LFP : Vous êtes par ailleurs Présidente du groupe France-Canada. Les relations semblent au beau fixe malgré les remous passés du CETA. Est-ce également votre opinion? Pensez-vous que le CETA est une opportunité ou une menace pour la France et l’Union européenne?
Claudine Lepage : Notre relation avec le Canada est très bonne
et je le constate à chaque réunion du groupe interparlementaire d’amitié France-Canada comme à chaque rencontre avec l’ambassadrice du Canada en France. Je me félicite également que de plus en plus de jeunes Français se rendent au Canada pour leurs études ou entamer une vie professionnelle. Ces échanges vont consolider la relation d’amitié qui unit nos deux pays historiquement.
Bien entendu le CETA divise car notre logiciel a changé et que nous sommes désormais tous préoccupés par l’écologie et la préservation de la planète. Si économiquement le bilan de la première année du CETA est plutôt positif pour l’Union européenne, en particulier pour la France en matière agricole, des doutes importants subsistent sur le côté environnemental.
Comment aujourd’hui justifier que ces traités contribuent directement ou indirectement à plus d’insécurité sanitaire et à l’augmentation inéluctable des émissions de gaz à effet de serre ?
De plus n’est-ce pas paradoxal de faire traverser l’Atlantique à des marchandises que nous produisons également ? Depuis deux ans et l’entrée pour partie en vigueur du traité, je crois que la donne a clairement changé !
LFP : Enfin en tant que Sénatrice des Français établis hors de France, vous avez forcément un regard particulier sur nos compatriotes expatriés. Outre les points déjà évoqués, quels seraient les sujets prioritaires pour vous ?
Claudine Lepage :
De nombreux sujets sont prioritaires sur lesquels le gouvernement ne répond pas aux attentes des Français de l’étranger.
Je pense en ce moment à l’imposition des non-résidents qui touchent une retraite ou un salaire de source française. Il semblerait, je suis encore en attente d’une confirmation de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) sur ce sujet, que les non-résidents qui sont soumis sur leur revenus de 2018 au prélèvement à la source ne seront pas remboursés des impôts qu’ils ont déjà versés sur leurs revenus de 2018. Ces personnes ne bénéficieraient donc pas de l’année blanche comme les contribuables résidant en France.
Je pense également aux Français de l’étranger pensionnés d’un régime français de sécurité sociale qui ont de nombreuses difficultés à transmettre à la CNAV et aux caisses de retraite leurs certificats de vie. Je pense à la protection sociale qui a certes connu des avancées mais qui reste une problématique et un coût important pour les familles.
Je pense aux enseignants qui ont des difficultés à obtenir un renouvellement de détachement pour enseigner dans le réseau AEFE et qui se retrouvent dans des situations difficiles sur le plan professionnel et familial.
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