Renaud Le Berre (AFE) : « Les Français de l’étranger ne doivent pas être des citoyens oubliés par la République »

Renaud Le Berre (AFE) : « Les Français de l’étranger ne doivent pas être des citoyens oubliés par la République »

Budget 2026, bourses scolaires, CFE, dématérialisation… Le président de la Commission des finances de l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE) alerte sur les risques d’un désengagement de l’État. Pour Renaud Le Berre, également conseiller des Français à Barcelone, les 3 millions de Français établis hors de France risquent de payer le prix fort de la rigueur budgétaire. Or, « les Français de l’étranger ne doivent pas être des citoyens oubliés par la République » partage dans cette interview pour Lesfrancais.press celui qui a rejoint dernièrement le mouvement Place Publique dirigé par Raphaël Glucksmann.

Les liens entre le Sénat et l’AFE

Lesfrancais.press : « Renaud Le Berre, en votre qualité de président de la Commission des finances de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), vous venez d’être auditionné au Sénat par les sénateurs Ronan Le Gleut et Guillaume Gontard, rapporteurs du programme budgétaire 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Ce type d’échange entre sénateurs et élus de l’AFE constitue‑t‑il une pratique habituelle ? »

Renaud Le Berre : « Depuis 2022, les sénateurs Ronan Le Gleut et Guillaume Gontard ont pris la bonne l’habitude de nous auditionner au Sénat et aussi ils nous ont donné l’opportunité à chaque session de l’Assemblée de français de l’étranger de restituer nos travaux. Cette belle initiative permet surtout aux parlementaires élus en France de mieux comprendre les problématiques de nos compatriotes vivant hors de France. Ces auditions sont aussi une bonne façon de reconnaître notre travail bénévole d’élu. »

En faveur d’un changement des critères pour les bourses scolaires

Lesfrancais.press : « Le programme 151 couvre plusieurs dossiers directement liés aux Français établis hors de France, notamment ceux relatifs aux écoles françaises à l’étranger du réseau AEFE et aux bourses scolaires. Vous avez déclaré ne pas être satisfait de la copie présentée actuellement par le gouvernement, notamment sur les aides à la scolarité. Quelles améliorations souhaiteriez-vous obtenir ? »

Renaud Le Berre : « Il est impératif de revoir les critères d’attribution des bourses scolaires. Les critères actuels privent les classes moyennes de ces aides. Elles doivent trop souvent arbitrer entre plusieurs dépenses et le coût de la scolarité. Les prix des logements ont explosé partout dans le monde et en particulier les locations qui n’entrent pas dans le calcul actuel des bourses. Les familles n’ont pas de visibilité sur le long terme.

« Les critères actuels des bourses scolaires
privent les classes moyennes de ces aides »

Renaud Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone

Les bourses devraient être garanties sur un cycle scolaire (sur 3 ou 5 ans). Le système fait que si une famille voit ses revenus augmenter la quotité des bourses baisse fortement et l’augmentation même légère des revenus est absorbée par un reste à charge très important. Il est important d’exclure du capital mobilier les plans de retraite par capitalisation. À titre d’exemple : Ces dernières années dans la circonscription de Barcelone nous avons perdu plus de la moitié de nos familles boursières. Cette forte baisse fragilise aussi les établissements qui supportent sans cesse la baisse de leurs effectifs. La baisse de 4,5 millions d’euros de l’enveloppe des bourses prévue dans le Projet de loi de finances 2026 et les fortes augmentations des frais de scolarité ne font que confirmer ce triste panorama. »

Renaude Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone
Renaude Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone

La protection sociale des Français de l’étranger : un budget en baisse

Lesfrancais.press : « Le programme 151 inclut également la question de la santé des expatriés via la Caisse des Français de l’Étranger (CFE). Vous soulignez une baisse de la participation financière de l’État, alors que la CFE fait déjà face à de nombreuses difficultés. D’un point de vue budgétaire, comment concilier la nécessaire maîtrise des dépenses publiques avec l’évolution attendue de la protection sociale des expatriés ? »

Renaud Le Berre : « La baisse de la subvention à la CFE est inquiétante et prive de ressource cette caisse qui a une mission de service public. La catégorie aidée, les Français les plus fragiles, va subir de plein fouet cet ajustement budgétaire. Le calcul d’indice (Ippa) ne reflète pas non plus la réalité du coût de la vie ce qui fait baisser automatiquement les aides sociales pour nos compatriotes.

« La rigueur ne doit jamais porter sur les plus fragiles »

Renaud Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone

Les aides sociales tendent à disparaître dans les pays de l’UE alors que nos compatriotes ne disposent pas d’aide locale dans certains pays. Il faut comparer ce que rapportent les non-résidents à l’État (1,3 milliard d’euros) et le coût des affaires sociales (moins de 20 millions d’euros). La rigueur ne doit jamais porter sur les plus fragiles. Mais c’est ce qui est réalisé depuis de trop nombreuses années. »

Services publics et Français de l’étranger

Lesfrancais.press : « Le programme comprend également le réseau consulaire et la modernisation des services publics, notamment la dématérialisation des démarches administratives. À votre avis, cette modernisation améliore‑t‑elle l’efficacité du service rendu aux usagers ? »

Renaud Le Berre : « La modernisation est une bonne chose et le budget prévu pour moderniser le réseau consulaire est en hausse (+ 2,6 millions). Les services publics consulaires ont été nettement améliorés et c’est un succès en particulier pour la délivrance des documents d’identité.

Renaud Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone lors d'un événement de l'ADFE
Renaud Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone lors d'un événement de l'ADFE

La dématérialisation est nécessaire et est une bonne chose mais elle ne doit pas faire oublier l’humain et un service de proximité et d’écoute. La plateforme France consulaire doit être complétée d’un service de réponse en anglais et en espagnol. »

Lesfrancais.press : « Au regard de ces enjeux budgétaires et des attentes fortes des Français de l’étranger, quel message souhaitez‑vous adresser au gouvernement et aux parlementaires ? Dans ce contexte financier contraint, craignez‑vous que les préoccupations de nos compatriotes établis hors de France soient reléguées au second plan du débat national ? »

Renaud Le Berre : « Le programme 151 mobilise environ 153 millions pour près de 3 millions de Français de l’étranger ce qui est très peu. Je rappelle que les Français de l’étranger rapportent beaucoup plus qu’il ne coûte et que nous ne sommes pas des évadés fiscaux. Nos compatriotes sont accompagnés par un réseau consulaire, diplomatique et culturel performant qu’il ne faut pas désarmer.

« Les Français de l’étranger rapportent beaucoup plus qu’il ne coûte et que nous ne sommes pas des évadés fiscaux »

Renaud Le Berre, président de la Commission des finances de l’AFE, conseiller des Français de Barcelone

Ce message doit être diffusé avant tout aux parlementaires de l’Hexagone qui connaissent très mal les Français de l’étranger. Le budget du ministère des affaires étrangères représente 1 % du budget total de l’État et on lui demande de réaliser 10 % des économies ! C’est le ministère qui a dû faire le plus de restrictions budgétaires ces 20 dernières années. Nous ne devons pas être des citoyens oubliés par la République. Le service public français à l’étranger a pour fonction de renforcer et de maintenir le lien citoyen pour nos compatriotes. »

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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