Règles sur la publicité politique en ligne en Europe

Règles sur la publicité politique en ligne en Europe

Alors que les négociations en trilogue sur le règlement relatif à la publicité politique en ligne progressent déjà lentement, la nouvelle proposition de la Commission européenne sur le ciblage basé sur des données sensibles devrait encore compliquer la situation.

Le projet de loi entend introduire des règles de transparence pour les campagnes politiques avant les élections du Parlement européen de 2024, mais le calendrier devient de plus en plus incertain alors que les institutions de l’UE peinent à progresser, selon des fonctionnaires de l’UE impliqués dans les négociations qui se sont confiés à EURACTIV sous couvert d’anonymat.

Le dernier obstacle concerne l’utilisation de données sensibles pour la publicité politique en ligne.

Dans une note consultée par EURACTIV, la Commission expose plusieurs scénarios potentiels, y compris certaines mesures qui pourraient abaisser les protections en dessous du seuil du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA).

Un rythme qui fâche

Le manque de progrès entraîne une frustration croissante, en particulier du côté du Parlement européen. Au sein du Conseil de l’UE, la présidence suédoise insiste sur le fait que l’objectif est de finaliser un accord d’ici la fin de son semestre en juin.

Parmi les questions qui restent en suspens, il y a la création de référentiels publicitaires centralisés, l’interdiction des sponsors de publicités de pays tiers, ainsi que l’application et les mesures couvrant la fourniture transfrontalière de publicités politiques.

Un fonctionnaire du Parlement européen a confié à EURACTIV qu’il y avait eu peu de progrès sur les dispositions clés du règlement, que ce soit au niveau technique ou politique, et qu’il y avait même eu des discussions sur l’ajout d’un trilogue supplémentaire au calendrier.

« Je ne pense pas que cela résoudrait le problème », a indiqué le fonctionnaire, « parce que le problème n’est pas le nombre de trilogues, le problème est le manque de progrès au niveau technique, en particulier pour résoudre les questions difficiles ».

Un deuxième fonctionnaire parlementaire s’est montré plus positif quant à la possibilité de parvenir à un accord. « Je dirais qu’il y a une volonté globale d’avancer et de finaliser l’accord à temps pour qu’il soit en place pour les prochaines élections. »

La lenteur des progrès est également due à un manque de volonté politique de la part des deux institutions lorsqu’il s’agit de trouver un compromis. Les tensions ont atteint leur paroxysme lors de la dernière réunion politique en trilogue vendredi dernier (5 mai), qui s’est concentrée sur la question cruciale du ciblage et de l’amplification.

La controverse sur les techniques de ciblage est centrée sur l’utilisation de catégories de données sensibles telles que la race et les croyances religieuses, pour lesquelles le règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit des garanties spécifiques.

La proposition initiale de la Commission comprenait des restrictions sur cette pratique à deux exceptions près : lorsque les individus donnent leur consentement explicite ou lorsque les données sont traitées par une organisation dont l’individu est membre, comme un parti politique.

Cependant, les députés veulent aller beaucoup plus loin en limitant les données utilisées pour le ciblage et la diffusion des publicités à celles qui ont été explicitement fournies par la personne concernée pour la publicité politique en ligne.

Lors du trilogue de vendredi, la vice-présidente de la Commission chargée des Valeurs et de la Transparence, Věra Jourová, a présenté une tentative de médiation avec trois scénarios possibles. Ceux-ci ont ensuite été mis par écrit dans une note obtenue par EURACTIV et partagée avec les colégislateurs en début de semaine dernière.

Exemple de publicités en Belgique

Une proposition controversée

Cependant, la proposition de l’exécutif européen a reçu un accueil mitigé auprès des législateurs européens, d’autant plus que Mme Jourová s’est ralliée à une approche plus légère de l’utilisation des données sensibles, estimant qu’une interdiction totale serait en contradiction avec le RGPD.

Le scénario privilégié par la Commission revient à autoriser ce type de ciblage sur la base du consentement et de contacter les membres d’organisations telles que les partis politiques.

Encore plus controversée, cette approche signifierait qu’une disposition du règlement sur les services numériques interdisant aux fournisseurs de plateformes en ligne de présenter aux utilisateurs des publicités basées sur le profilage utilisant des catégories spéciales de données ne s’appliquerait pas, et qu’une clarification sur l’interaction entre les deux législations serait nécessaire.

Selon la note, l’inconvénient de ce scénario est qu’il pourrait avoir un impact sur l’application horizontale du DSA et pourrait nécessiter une adaptation des modèles d’entreprise des fournisseurs de services intermédiaires.

Dans le même temps, le document met en garde contre le fait que cela réduirait la capacité de la Commission à utiliser le DSA comme un outil pour empêcher les plateformes de diffuser des désinformations basées sur le traitement des données sensibles.

Ce scénario semble être poussé par le service de la justice et des consommateurs de la Commission, qui est à l’origine du RGPD, et il n’est pas spécialement bien accueilli par le département de la politique numérique en charge de l’application du DSA.

L’approche pourrait même fournir aux plateformes une justification légale, peut-on lire dans la note, pour permettre la diffusion de désinformation présentée comme de la publicité politique basée sur des données sensibles en conformité avec le règlement sur la publicité politique.

Les deux autres scénarios présentés dans la note concernent l’interdiction pour les plateformes en ligne de présenter des publicités politiques basées sur des données personnelles sensibles et l’interdiction du ciblage pour les publicités politiques basées sur des données sensibles dans le contexte des services de publicité politique.

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