Réforme des retraites : le Sénat attend un débat musclé mais respectueux

Réforme des retraites : le Sénat attend un débat musclé mais respectueux

Examiné en commission des Affaires sociales avant de l’être en séance publique, le projet de loi portant la réforme des retraites est arrivé au Sénat ce mardi 28 février, dans une ambiance plus calme et feutrée qu’à l’Assemblée nationale, mais tout aussi déterminée.

L’objectif des sénateurs est simple : montrer que l’on peut débattre sans se laisser aller aux excès des députés, d’autant plus sur un texte aussi important que la réforme des retraites.

La gauche s’attelle en effet à mener une opposition ferme, mais respectueuse, loin des caricatures très critiquées, constatées à l’Assemblée nationale, à cause de l’attitude du groupe de gauche radicale La France insoumise (LFI). Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon étant absent du Sénat, le débat devrait se tenir dans « un climat politiquement musclé, mais dans le respect », veut croire un fonctionnaire de la chambre haute, sollicité par EURACTIV.

« Cela a toujours été le cas au Sénat, et c’est l’occasion de montrer que les débats peuvent se dérouler de manière plus sereine et sur le fond »

un fonctionnaire de la chambre haute
La réforme des retraites sera examinée en commission des Affaires sociales au Sénat à partir de mardi 28 février, avant de l’être en séance publique à partir du 2 mars. [Shutterstock/Jo Bouroch]

1500 à 2000 amendements

En tout état de cause, plusieurs sources au Sénat indiquent à EURACTIV s’attendre à un « dépôt d’amendements qui sera fort » de la part de la gauche – entre 1 500 et 2 000. Le président du groupe socialiste Patrick Kanner, particulièrement scruté, a garanti que le Sénat irait « au fond du dossier », en s’opposant, mais « avec des propositions ».

Une de ces sources décrit par ailleurs la « position compliquée de la gauche, qui souhaite montrer son opposition au texte tout en permettant au débat de se dérouler ».

Interrogé par EURACTIV, le porte-parole du groupe macroniste (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, RDPI), le sénateur Xavier Iacovelli se veut plus prudent. Selon lui, « le groupe socialiste, pour des intérêts électoralistes liés aux élections sénatoriales [en septembre 2023], pourrait se livrer à une obstruction semblable à celle de la NUPES à l’Assemblée nationale ».

Le sénateur centriste espère néanmoins « que la gauche sénatoriale, majoritairement socialiste et d’habitude assez responsable, écoutera les syndicats qui lui disent d’aller jusqu’au bout du texte ».

Laurent Berger, pour la CFDT, dénonçait en effet un « spectacle indigne et honteux » de la part des députés, tandis que Philippe Martinez, de la CGT, considérait que « Jean-Luc Mélenchon n’est pas un allié du mouvement social ». Pour rappel, lors du débat à l’Assemblée, 18 000 amendements sur 20 000 avaient été déposés par la coalition de gauche, la NUPES, dont 13 000 par LFI.

M. Iacovelli voit aussi dans le dépôt de deux motions de rejet la « volonté de blocage d’une partie de la gauche » — une question préalable et une exception d’irrecevabilité ont été déposées respectivement par le groupe écologiste et par le groupe communiste. Leur but est peu ou prou de rejeter le texte avant son examen ou d’en refuser l’examen pour motif d’inconstitutionnalité. Les chances de succès de ces deux motions sont minces.

La majorité « Les Républicains » au Sénat donnera le « là » pour les députés ?

Car précisément, le gouvernement et les sénateurs macronistes se tournent du côté de la majorité Les Républicains (LR) du Sénat. « La droite sénatoriale, majoritaire, veut améliorer le texte, mais aussi s’en attribuer le mérite », juge un proche du gouvernement. Mais, pour l’exécutif, la situation est meilleure au Sénat qu’à l’Assemblée, car « les LR y sont très solidaires et alignés [et que] le courant dissident apparaît surtout chez les députés », décrypte un cadre du groupe de la droite.

Ce que confirme M. Iacovelli : « il y aura certainement des expressions individuelles chez LR, mais ils sont cohérents avec ce qu’ils font depuis plusieurs années », eux qui essaient régulièrement de repousser l’âge légal à 64 ans par un amendement au budget de la Sécurité sociale. Un groupe « plus cohérent au Sénat qu’à l’Assemblée », en somme, et donc un allié plus loyal pour le gouvernement d’Elisabeth Borne.

Faute de vote sur l’intégralité du texte à l’Assemblée, les députés s’étant arrêtés après l’article 2, c’est le texte initial du gouvernement, décrypté au début du mois par EURACTIV, qui est envoyé au Sénat, enrichi des amendements adoptés et ayant reçu un avis favorable de sa part. Des « améliorations » restent néanmoins possibles, entend-on dans les rangs de la droite et du centre.

Renaissance prêt à discuter

Le groupe Renaissance devrait « soutenir les amendements qui vont dans le bon sens », dont la création d’une « pension de réversion aux adultes handicapés », portée par la droite, la valorisation de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires dans le calcul des droits à la retraite, ou encore une revalorisation des retraites à Mayotte de cent euros mensuels.

Quoi qu’il arrive, le report de l’âge légal sera examiné et débattu, comme s’y est engagé le socialiste Patrick Kanner, dont le groupe est particulièrement scruté.

Une fois l’examen en commission passé, le Sénat se penchera sur le texte en séance publique à partir du 2 mars, pour un maximum de dix jours. Le relais passera ensuite à la Commission mixte paritaire (CMP), chargée de trouver un texte de compromis entre les sénateurs et les députés, qui n’auront pas voté le projet dans les mêmes termes. Alors, « l’accord se fera entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale de droite », conclut M. Iacovelli.

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