Réforme de l’AEFE : « Une réforme dans l’urgence, ce n’est jamais une bonne réforme » alerte Jean Dayet

Réforme de l’AEFE : « Une réforme dans l’urgence, ce n’est jamais une bonne réforme » alerte Jean Dayet

En cette fin d’année 2025, l’avenir des établissements scolaires français à l’étranger suscite de vifs débats. Les annonces budgétaires confirmées lors du conseil d’administration de l’AEFE du 18 décembre 2025 continuent d’alimenter de fortes inquiétudes au sein de la communauté éducative. Invité de Lesfrancais.press, Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa (syndicat des personnels de direction) et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima, analyse les enjeux, les risques d’augmentation des frais de scolarité et les attentes du réseau. Il alerte également sur le calendrier imposé, rappelant qu’«  une réforme dans l’urgence, ce n’est jamais une bonne réforme ».

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Futur de l’AEFE pour le Snpden : diagnostic partagé mais solutions contestées

Dès l’ouverture de l’entretien, Jean Dayet clarifie la position du Snpden-Unsa concernant les mesures proposées par l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) et sa tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Pour son syndicat « on partage le diagnostic posé lors de ce conseil d’administration », mais « on s’est opposé au budget proposé puisqu’on n’en partage absolument pas les solutions ». Pour notre invité, les décisions annoncées lors du Conseil d’administration de l’AEFE du 19 décembre ne constituent pas une surprise : elles reprennent en effet les orientations déjà présentées le 28 novembre, lors de la précédente réunion.

« Ce calendrier est beaucoup trop resserré
et ne nous permet absolument pas de travailler sereinement »

Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa
et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima

Quelles mesures ont donc été officialisées lors du CA du 19 décembre ? L’AEFE a entériné plusieurs dispositions financières majeures, principalement liées à un transfert de charges de l’Agence vers les établissements scolaires : la prise en charge à 35 % des pensions civiles à partir du 1er janvier 2026 pour les EGD (Établissements à gestion directe), puis à partir du 1er juillet 2026 pour les établissements conventionnés.  Un passage à 50 % de celle-ci est prévu pour 2027. Autre point décidé, une augmentation de la PFC (Participation financière complémentaire), c’est‑à‑dire la contribution par élève versée par certaines écoles à l’AEFE, qui pourrait atteindre +4 %.

AEFE ; un calendrier beaucoup trop resserré qui met les établissements sous pression

Au-delà de ces chiffres, Jean Dayet indique une autre difficulté importante face à ces annonces : le calendrier imposé par les autorités. Présentées le 27 novembre, votées le 19 décembre, appliquées le 1er janvier : pour le Snpden-Unsa le temps n’a tout simplement pas été laissé. « Ce calendrier, il est beaucoup trop resserré et ne nous permet absolument pas de travailler sereinement », insiste Jean Dayet.

Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima
Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima

Selon notre invité, ce calendrier soulève ainsi des difficultés très concrètes. Plusieurs établissements déjà fragilisés pourraient se retrouver sans trésorerie suffisante pour faire face aux nouvelles exigences. Le risque est alors de voir une hausse immédiate des frais de scolarité, répercutée sur les familles, sans pouvoir mettre en place une communication adéquate ni structurée. Par ailleurs, dans certains pays, il sera tout simplement impossible de respecter les délais légaux pour augmenter le prix des factures demandé aux parents.   

Réforme AEFE : Vers une hausse de 4% des frais de scolarité ?

Ces nouvelles dispositions financières auront un impact direct sur le budget des familles. Selon les premières estimations, la hausse mondiale des frais de scolarité pourrait atteindre environ 4 % en 2026.  A notre micro, Jean Dayet le confirme : « Si on prend une fourchette mondiale, on est à peu près sur 4 % d’augmentation des frais de scolarité » Comment les parents d’élèves vont-ils réagir à ce coût supplémentaire demandé pour scolariser leurs enfants ? Et quels risques cela pourrait‑il faire peser sur l’accès aux écoles, ainsi que sur les effectifs au sein des établissements ? Et quelles conséquences pour les personnels ?

« Si on prend une fourchette mondiale, on est à peu près
sur 4 % d’augmentation des frais de scolarité »

Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa
et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima

Dans son propre lycée à Lima, des mesures d’urgence ont été prises dès fin novembre : « On a eu un conseil de gestion extraordinaire et on a déjà annoncé cette hausse. ». Mais pour notre invité, si les familles peuvent comprendre une augmentation, surtout dans un réseau réputé pour son excellence académique et son rôle stratégique à l’international, les conditions calendaires imposées par l’AEFE sont quasi impossibles : « leur annoncer ça un mois avant l’application, ça, ce n’est pas audible » affirme Jean Dayet.

L’AEFE un réseau stratégique mais des moyens en baisse

Outre les conséquences de ces incidences budgétaires sur la confiance des familles et le questionnement en matière de recrutement des personnels, enseignants ou direction, entre les contrats de détachés de l’Éducation nationale et les contrats locaux, notre invité s’interroge sur la stratégie actuelle de l’État concernant l’AEFE« On a un réseau qui n’a jamais été aussi important » et pourtant « L’État ne donne plus à l’Agence, à son opérateur, les moyens de fonctionner à la hauteur de cette ambition. »

Elèves et professeur dans une école du réseau AEFE
Elèves et professeur dans une école du réseau AEFE © Alvaro Portillos

Pour le Snpden-Unsa, la modernisation ne peut passer uniquement par des ajustements comptables. Mais pour toutes nouvelles propositions le message du représentant du Snpden-Unsa est ferme :« On ne peut pas faire des mesures de cette ampleur-là sans concertation ». Aussi, la mission confiée à la sénatrice Samantha Cazebonne est accueillie avec optimisme : « On aura en face de nous quelqu’un qui sait de quoi elle va parler ».  Selon lui, la réforme globale de l’AEFE peut réussir, mais pas dans l’urgence : « Une réforme dans l’urgence, ce n’est jamais une bonne réforme», insiste-t-il.

Pour conclure cette interview Lesfrancais.press consacrée à la réforme de l’AEFE, Jean Dayet, secrétaire de la section étranger du Snpden-Unsa et proviseur du Lycée Franco-Péruvien de Lima, appelle à la confiance, tout en gardant une nécessaire lucidité. Comme il le rappelle : « Il n’y a pas de problème dont on ne trouve pas une solution collectivement. » 

L’avenir peut être positif, à condition de tenir compte des réalités du terrain, argumente-t-il à notre micro. Pour l’année 2026 qui s’ouvre, le maître mot devra être, selon lui ; celui du dialogue, car « cette confiance doit passer par de la concertation. ». Et, en guise de bonnes résolutions adressées à ses interlocuteurs, il formule cette recommandation finale : « Restons lucides, on ne se précipite pas et on le fait vraiment dans la concertation avec le calendrier qui s’impose. ». L’appel est lancé, sera-t-il entendu ?

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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